Les bons bonbons de Trixi Weis
La «Kamelleschmelz», entre sucre, glucose et eau.
Trixi Weis a dû apprendre le métier pour devenir confiseuse d’un jour. © PHOTO: Thierry Hick
C'est en découvrant un jour une coulée de fonte sur le site d'Arcelor Mittal d'Esch-Belval qu'elle a eu le déclic. «C'était la première fois que je voyais une telle coulée en vrai et cela m'a tout de suite rappelé la coulée que faisait ma grand-mère pour réaliser ses propres bonbons», explique, tout sourire aujourd'hui, Trixi Weis, installée dans un atelier du projet FerroForum sur les friches industrielles d'Esch-Schifflange. Le large panneau, qui à l'entrée arbore «Kamelleschmelz», attire les regards.
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L'artiste plasticienne se serait-elle reconvertie dans la confiserie? Sans doute intriguée par cette expérience et se rappelant ses souvenirs de jeunesse, Trixi Weis décide donc de créer sa propre usine... à bonbons. «J'ai remplacé le minerai de fer et le coke par du sucre, du glucose et de l'eau», note-t-elle. Tout en découvrant peu à peu la complexité de son projet.
Skip, haut fourneau, aciérie et laminoir
Le skip pour broyer la matière première, le haut fourneau pour obtenir la coulée, le train à poches pour recueillir cette coulée, ensuite l'aciérie pour l'acier et finalement le laminoir pour aboutir aux formes voulues, tout y est.
Alors que l'Arbed transformait jadis le minerai en acier, Trixi Weis mélange ses matières premières pour retrouver les bonbons de sa grand-mère. Elle a recréé le plus fidèlement possible le modèle des installations permettant les transformations de la Minett.
Sauf qu'ici les matières premières ont changé et les échelles sont fortement réduites. L'ancien site industriel, délaissé depuis des années – en attendant sa réaffectation prochaine – est énorme, les volumes des bâtiments sont monumentaux et témoignent d'une réelle activité industrielle à très grande échelle. Dans l'atelier de Trixi Weis, par contre, tout est de taille réduite, mais son installation d'aujourd'hui correspond à la réalité du passé.
Le panneau extérieur de la fabrique. © PHOTO: Thierry Hick
«Apprendre et comprendre»
Pour Trixi Weis le défi était énorme. Artiste plasticienne, elle est accoutumée aux projets les plus divers. Alors que d'habitude elle opère dans un domaine qu'elle connaît, qu'elle maîtrise, dans le cas présent, elle a dû presque partir de zéro. «Il m'a fallu apprendre et comprendre, c'est vrai. C'est un peu comme une sculpture monumentale. J'ai tout d'abord fait des dessins, des plans, qui par la suite ont été repris par d'autres partenaires.»
Le Lycée des Arts et Métiers et le Lycée privé Emile Metz, la société Paul Wurth, l'asbl FerroForum et bien d'autres partenaires ont donc mis la main à la pâte, tant pour la réalisation des installations que pour le soutien financier du budget du projet qui avoisine les 280.000 euros et qui est de plus soutenu par le programme «Tiers Lieux» de l'Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse et par Esch 2022.
Des normes d'hygiène très strictes à respecter. © PHOTO: Thierry Hick
«Heureusement, que j'ai aussi pu avoir recours à quelques bricoleurs passionnés pour monter l'ensemble». Trixi Weis, à la base du projet, a dû s'armer de patience. Après moult tests, réglages et simulations, la machine s'est enfin mise en route il y a quelques semaines.
Pas de coulée continue
Trixi Weis accueille les visiteurs sur rendez-vous et à des dates fixes. L'artiste explique: «Les visites guidées durent environ 20 ou 30 minutes, s'y rajoute la projection d'un documentaire pour les adultes. Ici, il n'y a pas de coulée continue comme à l'usine. Pour chaque passage, je suis obligée par la suite d'entièrement nettoyer toutes les parties de l'installation. Cela peut prendre quelques heures.»
Le sucre était la matière de base, l'on peut facilement imaginer la difficulté de remettre au propre les moindres ustensiles utilisés. L'ensemble des surfaces en inox doit rester dans un état de propreté immaculée.
Trixi Weis a appris à connaître les normes d'hygiène dans leurs moindres détails. Avant de mettre en route son haut fourneau, elle doit préparer sa mixture. Drapée dans un tablier blanc, coiffée d'une charlotte tout aussi blanche, l'artiste sort de son armoire les ingrédients nécessaires, contrôle méticuleusement les proportions à chaque étape avant de se lancer dans le processus de fabrication.
«Il m’a fallu apprendre et comprendre» . © PHOTO: Thierry Hick
20 minutes pour fabriquer des bonbons
Le sucre broyé est acheminé dans le haut fourneau, la coulée est amenée à l'aciérie où elle sera enrichie de différents arômes – «Le Coca est très apprécié», note Trixi Weis. Ensuite, la coulée est refroidie à la spatule avant d'être placée dans le laminoir, qui produira des plaquettes de bonbons, qui, après un passage sur un tapis roulant, termineront leur course dans une ébavureuse pour être finalement recouverts de sucre glacé. Le processus dure une bonne vingtaine de minutes.
Pour Trixi Weis, qui depuis quelques années habite Esch-sur-Alzette, il incombait de documenter le passé sidérurgique de la région. À sa manière, en prenant avec détermination et humour le passé à partie pour finalement mettre en exergue un regard aussi inventif que décalé sur une réalité désormais passée. Loin de toute nostalgie, qui ici n'aurait pas sa place, l'artiste choisit une autre voix pour préserver de l'oubli un patrimoine, mais aussi pour rendre hommage aux bonbons de sa grand-mère. Lorsque se dégage en parallèle dans l'atelier du FerroForum une agréable senteur de caramel, le plaisir d'assister à ce processus de fabrication s'en trouve bien renforcé.
Des visites guidées de la «Kammelschmelz» sont proposées jusqu'au 31 juillet, Les vendredis à 9h30 (groupes scolaires)les samedis et dimanches à 16h. Réservation obligatoire au moins trois jours à l'avance par téléphone au 621 254 466. Infos: www.kamelleschmelz.lu
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