Maxime Dafri: «Le français est un ciment entre différentes cultures»
Maxime Dafri occupe le poste de directeur de l'Institut français depuis septembre dernier. Il fait le point sur l'état de la francophonie et sur la promotion de la langue française.
Maxime Dafri (à gauche) et l'ambassadrice française Claire Lignières-Counathe lors d'une course amicale de lycéens organisée à moins de 500 jours des JO2024. © PHOTO: Gerry Huberty
Ce lundi est célébrée la journée mondiale de la Francophonie. Que signifie pour vous ce terme de «francophonie»?
Cela m'évoque deux choses. D'une part, la communauté de femmes et d'hommes qui parlent le français et partagent les mêmes valeurs de solidarité, de liberté et d'esprit critique.
Lire aussi :«Le français doit tenir sa place et son rôle au Luxembourg»
Il y a d'autre part aussi cette dimension institutionnelle avec l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), dont la date d'anniversaire est célébrée ce lundi 20 mars.
Y a-t-il une différence entre la francophonie politique et culturelle?
L'OIF a à la fois une dimension politique, mais aussi économique et culturelle. Elle vise la promotion de la culture. C'est ce que font aussi les ambassades et cela constitue une des briques de la francophonie.
Lors de sa venue au Luxembourg, le prix Goncourt en 2021, l'écrivain sénégalais Mohamed Bougar Sarr, qualifiait la «francophonie», comme organisation politique, de «panier de crabes». Partagez-vous ce point de vue?
Je ne dirais pas ça, il y a aussi de belles réalisations effectuées par l'OIF. Comme dans toutes les structures des compromis doivent être faits. L'objectif de la Francophonie, c'est vraiment la promotion de la langue et de la culture françaises, et on le constate tous les jours.
Quelles sont vos missions en tant que directeur de l'Institut français?
Nous avons effectivement pour mission la promotion de la langue et de la culture française. Nous dispensons par exemple des cours à ceux qui souhaitent apprendre le français et nous organisons des événements. Tout cela est complémentaire.
Avez-vous un programme particulier pour ce lundi 20 mars?
Nous avons des ateliers de slam, de rap, de théâtre et d'éducation musicale qui seront organisés au Lënster Lycée. Les écoles internationales sont conviées à cet événement.
L'objectif du mois de la francophonie est de nourrir l'apprentissage du français et de faire en sorte de décomplexer les élèves par rapport à cette langue jugée difficile.
En février dernier, vous déclariez «le français doit tenir sa place et son rôle au Luxembourg». La langue française a-t-elle encore toujours sa place au Grand-Duché selon vous?
Le français n'est pas en concurrence avec l'allemand et le luxembourgeois. Au Luxembourg, le français est considéré comme comme une langue d'intégration, donc elle a effectivement toute sa place. Le français a la réputation d'être une langue difficile et complexe. Nos actions visent à avoir une approche décomplexée pour les scolaires dans leur apprentissage du français.
C'est la raison pour laquelle nos ateliers de slam ont beaucoup de succès ces dernières années. Il faut que le français redevienne un plaisir. On constate effectivement que certains élèves ont des difficultés avec cette langue. C'est la raison pour laquelle nous proposons des événements extrêmement variés lors du mois de la francophonie, comme des pièces de théâtre, des concerts et des conférences.
Lire aussi :J-500 des JO 2024: des élèves luxembourgeois mobilisés pour marquer la date
Il faut dire que la quasi-totalité de la population luxembourgeoise, entre 95 et 98%, parle le français. Mais rien n'est jamais vraiment acquis. Il faut promouvoir la langue et la culture française. C'est une certaine ouverture sur le monde.
La francophonie, c'est aussi une ouverture sur le monde?
Bien sûr! L'organisation de la Francophonie compte 88 États où le français n'est pas toujours la langue officielle, mais une langue d'apprentissage. En intégrant l'OIF, ces pays s'ouvrent aussi au monde.
La Francophonie en chiffres selon l'OIF
-321 millions de francophones dans le monde -88 Etats et gouvernements composent l'OIF -5e langue mondiale -144 millions apprenants du et en français -4e langue sur Internet
De manière plus large, le français a-t-il encore une place dans le monde face à la prédominance de l'anglais?
Le français connaît une progression importante. Aujourd'hui, il y a 321 millions de locuteurs qui parlent français. Ce développement est, il est vrai, plus conséquent en Afrique. Mais le français continue à connaître un développement et un développement important. Le français reste tout de même la cinquième langue parlée dans le monde, après notamment l'anglais et le chinois. Un des objectifs de l'OIF est de promouvoir l'utilisation du français dans les institutions internationales et européennes.
Lire aussi :La «grande dame» de la poésie au Luxembourg Anise Koltz est décédée
Le français employé en France, en Belgique ou au Canada n'est pas forcément le même. Comment percevez-vous ces différences?
La langue française n'appartient pas à la France. Elle s'est constituée au fil du temps et au gré des régions et des métissages. Les différentes cultures et traditions ont aussi enrichi le français, cela constitue aussi sa richesse. Le français qu'on parle aussi au Sénégal et en France n'est pas le même, cela fait aussi la grande diversité de la langue française.
On arrivera à se comprendre parce qu'on a le français en commun.
La Tunisie, le Canada et la France font partie de la francophonie, alors que ces pays ont des cultures très différentes.
C'est vrai que nous n'avons pas tous la même culture quand on appartient à la grande famille de la francophonie et c'est aussi notre richesse. En Tunisie, le français n'est pas une langue maternelle, même si on l'apprend très tôt. Finalement, dans tous ces pays le français est un peu ciment.
Lire aussi :Bettel participe au sommet de la Francophonie en Tunisie
Que vous parliez à un Tunisien, un Sénégalais, un Québécois, un Luxembourgeois, on peut finalement tous se comprendre parce qu'on a le français en commun, même si chacun a ses propres expressions et a sa propre manière de voir les choses. C'est aussi le fruit de l'histoire. Je trouve ça formidable et je pense que le français nous rapproche, bien que nous ayons des cultures différentes.
Quelles actions peuvent être encore menées pour davantage promouvoir la francophonie?
Au temps de la digitalisation, je pense qu'il faut permettre à tous ces jeunes qui apprennent le français d'accéder à des contenus culturels plus diversifiés en langue française. C'est l'un des axes de développement de la francophonie sur tous les continents. Le français est la quatrième langue d'utilisation sur Internet.
Le mois de la Francophonie touche bientôt à sa fin, êtes-vous satisfait de cet événement que vous organisez pour la première fois?
Le premier bilan est très positif. On a une fréquentation à la hauteur de nos espérances et de très bons retours de la part du public!