Comment favoriser la transition énergétique avec son épargne?
A l'heure où le monde se penche enfin sur la question de la transition énergétique avec entrain, la question des flux d'argent et de leur impact sur la planète commence à germer dans les esprits. Comment favoriser cette transition avec son épargne? Où investir?
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Le constat de Greenpeace est sans appel: «il faut passer à une économie à basse intensité carbone au plus tard avant le milieu du siècle». A l'heure actuelle, de nombreux flux d'argent sont en effet destinés aux combustibles fossiles polluants et aux projets nucléaires.
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Le Luxembourg, avec un secteur financier qui représente plus de 35% du PIB du pays est donc au cœur de la problématique.
En septembre dernier, Greenpeace avait d'ailleurs lancé une campagne avec un "bureau pour l’action climatique" représenté sous la forme d'une Tour Eiffel au milieu du quartier financer de la capitale, pour justement sensibiliser encore davantage les acteurs de ce milieu à cette problématique.
Même si elle reconnaît les efforts du gouvernement et du secteur financier pour développer la part des énergies renouvelables au Grand-Duché, Greenpeace estime qu’une part trop importante des 4.200 milliards d’euros actuellement gérés par les fonds d’investissement luxembourgeois est investie dans les combustibles fossiles.
Alors que faire si on souhaite investir son argent - quel que soit son montant - pour favoriser la transition énergétique au Luxembourg? Voici quelques éléments de réponses.
Investir au Luxembourg, chez soi
L'un des principaux défis pour le Luxembourg est sa dépendance financière à l'égard des combustibles fossiles. D'une manière générale, le Luxembourg est presque entièrement dépendant des importations d'énergie selon Greenpeace: environ 97% de la consommation d'énergie est actuellement couverte par ces importations, contre seulement 3% par les énergies renouvelables générées au Luxembourg.
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Surtout, le secteur industriel luxembourgeois est dominé par plusieurs industries et services à forte densité énergétique (sidérurgie, verre, ciment, industrie chimique...). Alors pour Greenpeace, c'est simple: il faut réinvestir chez soi.
C'est ce qu'on appelle l'investissement direct. Plutôt que de donner son argent à des fonds d'investissement à travers le monde, l'idée ici est de se réapproprier le local. «C'est pour moi la meilleure solution. Déjà, on a la satisfaction de voir les effets immédiatement mais aussi par rapport à sa consommation d'énergies, qui diminue», appuie Martina Holbach.
Isolation des bâtiments. «C'est beaucoup plus efficace d'investir dans tout ce qui touche à la réduction de la consommation d'énergies», explique Martina Holbach, chargée de campagne "Justice climatique et finances" à Greenpeace. «Si vous avez une maison par exemple, voyez ce que vous pouvez faire pour l'isolation de votre bâtiment. Il faut être son "propre maître" et investir là où on y trouve un intérêt, où l'on va voir un impact directement chez soi».
Des primes et subventions étatiques sont d'ailleurs possibles au Luxembourg pour ceux qui souhaiteraient sauter le pas.
Energies renouvelables. Dans la même idée, pourquoi ne pas se lancer dans les énergies renouvelables? «Vous pouvez investir pour mettre en place des panneaux photovoltaïques sur vos bâtiments. Niveau écologie et consommation, c'est juste génial!», souligne la chargée de campagne. «D'ici 2050, il faudra 100% d'énergies renouvelables, donc autant commencer!», plaisante-t-elle.
L'investissement citoyen est d'ailleurs de plus en plus important face à l'urgence climatique qui nous touche. «On voit que cela intéresse les gens. Et ces 100% d'énergies renouvelables dont je vous parlais, vous pouvez être sur que la moitié sera générée par les citoyens eux-mêmes».
Soutenir l'économie locale, en achetant des produits locaux, en investissant dans de petites entreprises du Luxembourg... «Il y aura non seulement un bénéfice macro-économique mais du point de vue climat, c'est énorme aussi! Et on participe à la création d'emplois "verts" également, c'est très efficace», souligne Martina Holbach.
Devenir membre d'une coopérative. Pour ceux qui souhaitent se mobiliser sans pour autant se ruiner, il reste également l'engagement dans des coopératives. «Avec très peu d'argent, vous pouvez devenir membre et vous lancer dans des projets avec un meilleur rendement que tout seul dans votre coin. C'est plus intéressant niveau finances et on voit de plus en plus de monde au Luxembourg s'investir dans ce type de projets. Je suis d'ailleurs assez confiante dans l'avenir du pays à ce niveau; il y a des investissements forts».
Faire attention aux fonds d'investissement, très flous
Le Luxembourg est le deuxième plus grand centre mondial pour les fonds d'investissement, avec près de 65% des fonds transfrontaliers distribués dans le monde gérés ici. Si vous avez les moyens et souhaitez investir dans des fonds, prenez garde.
«Beaucoup de fonds d'investissement qui se donnent l'image d'être respectueux du climat ne le sont pas totalement et investissent dans d'autres choses problématiques», détaille Martina Holbach.
Il faut donc regarder dans le détail, se renseigner de manière profonde, car il n'y aucune garantie que ce soit 100% durable, propre.
La demande de transparence de la part des investisseurs est de plus en plus forte. «Tout ce dont ils ont désormais besoin, c'est que les fonds d'investissement fournissent des informations transparentes et complètes sur leurs objectifs de développement durable et leur exposition aux investissements dans des actifs à forte densité carbone», souligne Greenpeace.
Pour Martina Holbach, c'est simple, c'est à «l'Union européenne de donner la transparence aux consommateurs; les labels ne garantissent rien. Et nous avons vu lors de notre mobilisation au Kirchberg entre septembre et décembre 2018 que de nombreux acteurs de la place financière luxembourgeoise étaient intéressés et veulent orienter leur domaine vers la finance verte: ils y voient les bénéfices, les enjeux».
Plusieurs initiatives montrent d'ailleurs que le Luxembourg est devenu un leader dans le domaine de la finance durable, comme par exemple la création de la première bourse verte au monde (LGX) en 2016.
Elle liste 50% des obligations vertes au monde et ne propose que ça. Cette bourse soumet les produits financiers qui veulent être listés à des critères précis. Les projets financés doivent être 100% verts et font l’objet d’une étude avant le financement et d’un rapport sur les investissements réalisés après le financement. Et ça marche: la jeune bourse verte du Luxembourg est le leader mondial sur le marché, avec plus de 36.000 titres de plus de 100 pays cotés.
Demander à sa banque où elle investit avec votre argent
Toutes les entreprises et donc tous les investissements détiennent le potentiel de laisser un impact positif - ou négatif - sur la population et la planète. Si vous ne possédez pas de fonds d'investissement mais avez une épargne (livrets etc) dans votre banque, vous pouvez également agir.
«Il ne faut pas hésiter à poser des questions à votre banque. Dans quels projets vous investissez? Des projets contre la nature ou les droits de l'homme? Investissez-vous dans des énergies fossiles ou nucléaires? Il s'agit de votre épargne, vous êtes en droit de savoir où va votre argent. Le rôle, la pression des citoyens va jouer ici un rôle important», explique Martina Holbach.
«Le climat n'est pas l'affaire d'un ministère mais de tout le gouvernement»
Mais si les citoyens s'emparent de plus en plus de cette question de la transition énergétique, les politiques ne sont pas pour autant oublier. «Nous avons bien travaillé avec le précédent gouvernement et là nous voyons les avancées avec le nouveau, où davantage de Verts occupent des ministères importants mais on ne peux plus attendre cinq années encore», se désole Martina Holbach.
Les impacts du réchauffement climatique commencent en effet à se faire ressentir au Luxembourg: inondations, grandes chaleurs, sécheresse etc. «On ne peut plus se laisser guider par la finance. Il faut avancer au niveau national. Et cette question du climat n'est pas un dossier d'un ou de deux ministères mais de tout le gouvernement! Chaque ministère doit être confronté à ce dossier», insiste la chargée de campagne de Greenpeace.
Si il veut maintenir sa crédibilité, le gouvernement luxembourgeois devra donc faire preuve de transparence quant à ses engagements en matière de finance durable.
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