Comment la guerre impacte l'économie luxembourgeoise
Prix de l'énergie, indice : la guerre en Ukraine provoque une nouvelle incertitude au Luxembourg.
Pour Jean-Paul Olinger, directeur de l'UEL, l'économie luxembourgeoise pourrait être ralentie par le conflit en Ukraine. © PHOTO: Chris Karaba
(m. m. avec ndp) - Les sanctions ont été édictées de manière à frapper durement l'économie russe et le moins possible l'économie européenne : c'est ce qu'ont déclaré de nombreux ministres au sujet des différents paquets de sanctions avec lesquels l'UE réagit à l'invasion russe de l'Ukraine. Mais en même temps, les répercussions sur certains secteurs de l'économie européenne - et luxembourgeoise - ne pourront pas être évitées.
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«Il n'est pas encore possible d'estimer à quel point les conséquences de la guerre toucheront l'économie luxembourgeoise dans son ensemble. Mais nous devrons certainement faire face à des défis importants, d'ordre économique et social. Nous collaborerons avec les autorités nationales afin d'atténuer les conséquences de la guerre pour les entreprises luxembourgeoises», déclare Jean-Paul Olinger, directeur de l'Union des Entreprises Luxembourgeoises (UEL).
L'incertitude générale quant à l'évolution future pourrait se traduire par une baisse des investissements et de la consommation au Luxembourg. «L'économie pourrait ainsi être ralentie». Parallèlement, les prix de l'énergie, l'inflation et les coûts qui en découlent pour les entreprises augmentent. «Et pourtant, l'économie mondiale est loin de s'être remise des conséquences de la pandémie de coronavirus». De nombreuses entreprises souffrent encore fortement des conséquences de la pandémie, fait remarquer Jean-Paul Olinger.
Malgré tout, il y a une grande compréhension des acteurs de l'économie luxembourgeoise par rapport aux décisions sévères prises par la classe politique. «La prospérité économique et la paix vont toujours de pair, et toute agression militaire représente une menace inacceptable pour le bien-être de toutes les nations concernées et de leur population, causant ainsi des dommages de tous côtés».
Echanges déjà réduits
Pour de nombreuses entreprises luxembourgeoises, la question se pose désormais de savoir comment elles vont réagir à l'invasion russe de l'Ukraine. Selon le ministre des Finances Franz Fayot, 20 entreprises luxembourgeoises sont actuellement actives en Russie - quatre ont leur propre filiale.
«D'une certaine manière, les entreprises concernées ont cependant déjà fait preuve de prudence», estime Carlo Thelen, directeur de la Chambre de commerce. «Personne ne s'attendait bien sûr à une invasion, mais l'évaluation sur ces marchés a déjà été classée dans le passé avec des risques plus élevés, entre autres dans le domaine financier».
Depuis 2014, l'UE a progressivement imposé des mesures restrictives à la Russie en réaction à l'annexion illégale de la Crimée. Cela a eu des répercussions sur les échanges, par exemple dans le domaine des services financiers. «Ceux-ci ont fortement diminué à partir de 2014», poursuit Carlo Thelen. «Les représentants de la Place financière affirment que les effets possibles sont gérables. On ne peut pas encore évaluer chaque effet indirect, mais dans l'ensemble, les effets directs sont relativement limités».
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Le Luxembourg a toujours entretenu de bonnes relations économiques avec la Russie. «Des gouverneurs russes sont venus régulièrement à la Chambre de commerce et ont toujours suscité un grand intérêt auprès de nos entreprises». Ces dernières années, ces efforts ont toutefois fortement diminué en raison des sanctions de l'UE.
La Russie possède de nombreuses ressources naturelles comme le pétrole et le gaz naturel, un marché attractif avec un grand potentiel. «Malheureusement, la situation politique a toujours été un obstacle majeur au développement de nos relations». Pourtant, la Russie ne fait plus partie des plus grandes économies du monde et son produit intérieur brut est même comparable à celui de l'Espagne.
Prix de l'énergie et indice
Carlo Thelen part du principe que le conflit ukrainien n'aura pas le même impact que la pandémie. D'un point de vue purement économique, la guerre entraîne toutefois une instabilité et une volatilité sur les marchés. Elle pourrait toucher durement certaines entreprises luxembourgeoises qui dépendent principalement des matières premières, mais sur le plan macroéconomique, on craint plutôt que l'énergie ne devienne encore plus chère. L'inflation et les tranches d'indexation qui en découlent cette année sont également un sujet de préoccupation pour les entreprises.
«L'indexation qui interviendra probablement maintenant au 1er avril, après qu'une première tranche indiciaire a déjà été versée en octobre dernier, peut être fatale à notre économie et à nos entreprises». Dans cette situation exceptionnelle, il faut trouver un moyen d'introduire un intervalle d'environ douze mois entre les futures tranches d'indexation vulnérables - comme cela a déjà été le cas en 2012.
L'ESG gagne en importance
Des concepts comme «le changement par l'approche» ou «le changement par le commerce» appartiennent-ils désormais au passé ? «Oui, on peut le dire», répond Carlo Thelen. «En tant qu'économistes, on a toujours essayé de séparer les intérêts économiques et politiques, dans la mesure où cela était défendable. En tant que Chambre de commerce, nous avons toujours essayé de conquérir de nouveaux marchés. Aujourd'hui, on changerait certainement d'avis pour certains points».
Les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) auraient de toute façon gagné en importance; à l'avenir, les entreprises tiendraient encore plus compte de ces critères dans leur stratégie et leurs processus commerciaux. «Ce sera également le prochain grand débat à l'échelle européenne», déclare Carlo Thelen, tout en précisant qu'il ne faut pas pour autant tout penser en noir et blanc.