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Malgré la réception des rulings luxembourgeois

La commission continue son enquête sur Amazon

La Commission européenne a publié ce vendredi matin la version non confidentielle de sa décision d'enquêter sur une potentielle aide d'Etat accordée à la multinationale Amazon. Le ministère des Finances réfute toute faute de l'administration des contributions.

La Commission européenne a publié ce vendredi matin la version non confidentielle de sa décision d'enquêter sur une potentielle aide d'Etat accordée à la multinationale Amazon dont le siège européen est situé au Grand-Duché.

Après plusieurs mois d'échanges de courriers entre Bruxelles et Luxembourg (entre juin 2013 et l'été 2014) durant lesquels l'exécutif européen essayait d'obtenir du gouvernement luxembourgeois une liste des décisions anticipatives en matière fiscale, sa direction générale à la concurrence avait fini par obtenir un ruling relatif à l'imposition sur le revenu du leader mondial du e-commerce au Grand-Duché. Bien que datant de 2003, le régime décidé alors par l'administration était encore valable au moment du lancement officiel de l'enquête. Le 7 octobre 2014.

Prix de transfert incorrects

La Commission reprochait alors à l'administration des contributions d'avoir accepté qu'Amazon ne paie qu'une partie infime d'impôts sur ses revenus européens en son siège du Grand-Duché. L'on apprend ce vendredi que la DG Concurrence estime que les prix de transfert pratiqués entre les entités luxembourgeoises (c'est-à-dire les services facturés par une filiale à une autre pour généralement limiter l'imposition) du groupe ne correspondent pas aux prix du marché. Puisque ces niveaux de facturations ont un impact sur l'assiette fiscale du groupe en général, qu'elles ont été visées par l'administration luxembourgeoise, que la Commission estime qu'elles accordent un avantage particulier à Amazon, celle-ci y voit une aide d'Etat déguisée. Ce que le Luxembourg conteste évidemment.

Le gouvernement a en théorie un mois à compter de ce jour pour apporter de nouveaux éléments à décharge à la Commission. Le ministère des Finances a réagi dans les minutes qui ont suivi la publication des détails de l'enquête et estime que l'administration de contributions directes n'a rien à se reprocher. Le ministère de la rue de la Congrégation attend sereinement le dénouement de l'enquête.

«Le Luxembourg a fourni toutes les informations requises par la Commission et a collaboré pleinement avec la Commission dans son enquête. Entre autres, les rapports détaillés sur les prix de transfert demandés par la Commission ont été communiqués. Le Luxembourg est confiant que les allégations d'aide d'État dans cette affaire sont sans mérite et qu'il sera à même de convaincre la Commission de la légitimité de la décision anticipative en cause et qu'aucun avantage sélectif n'a été accordé», écrivent les services du ministre Gramegna.

Les résultats au deuxième trimestre

Les résultats de l'investigation sont annoncés durant le deuxième trimestre. Une autre enquête pour aide d'Etat concerne le Luxembourg dans le cas de Fiat Finance and Trade. L'Irlande, avec Apple, et les Pays-Bas pour Starbucks, sont également visés.

Si ces deux derniers pays avaient manifesté dans un premier temps plus d'entrain que le Grand-Duché à collaborer avec les services de Joaquin Almunia, alors commissaire chargé de la concurrence, son successeur (dans la Commission de Jean-Claude Juncker), Margrethe Vestager, rencontre elle, à la faveur de LuxLeaks, davantage de succès dans ses requêtes. Le Luxembourg a en effet accepté le 18 décembre d'accéder aux multiples demandes de Bruxelles de fournir une liste des rulings réalisés entre 2010 et 2012

La liste des rulings luxembourgeois envoyés à la Commission

Contacté par le Luxemburger Wort, le ministère des Finances indique avoir déjà communiqué cette liste à la Commission européenne. Se pose donc la question de savoir si les services de la DG Concurrence vont éplucher ces centaines de documents extrêmement complexes pour débusquer d'éventuelles aides d'Etat avec la même ardeur que sur les quelques dossiers ouverts aujourd'hui. La Danoise Margreth Vestager a d'ores et déjà communiqué à ses collaborateurs qu'elle souhaitera adopter une approche «structurellement» différente. D'autant plus que le nombre de rescrits fiscaux sera certainement décuplé en y ajoutant les documents provenant de la grosse vingtaine de pays permettant les rulings dans le sillon de la directive Moscovici, instaurant leur échange automatique, en cours de préparation.

Pierre Sorlut

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