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«Le système fiscal est fait pour les électeurs»

Les non-résidents ne peuvent pas voter, mais ils paient la plupart des impôts. Nicolas Buck, président de l’Union des entreprises, le regrette.

© PHOTO: Gerry Huberty

PJ avec Pierre Leyers

L'Union des entreprises luxembourgeoises (UEL) se faisait volontiers entendre sur le droit du travail ou les systèmes de sécurité sociale. On l’entendait moins sur les questions de politique fiscale. C’était sans connaître Nicolas Buck...

Cent jours après sa prise de fonction à la tête de l’UEL, Nicolas Buck met les pieds dans le plat, dans un entretien paru dans le Letzeburger Wort de ce jour. Pour lui, les étrangers travaillant au Grand-Duché doivent intégrer les processus démocratiques du pays.

Lire aussi :Nicolas Buck est le nouveau président de l'UEL

« Ce sont toujours 90 % des capitaux étrangers qui paient l'impôt sur la fortune pour les entreprises, par exemple. Les propriétaires de ces sociétés ne votent pas aux élections au Luxembourg. Idem pour l'impôt sur les sociétés et il en va de même pour la fiscalité du travail», note le responsable de l’Union.

Nicolas Buck pointe du doigt un élément : «La réforme fiscale de 2017 a soulagé l'électorat luxembourgeois. 80 % des électeurs sont propriétaires, l'impôt foncier est très faible et l'imposition des gains en capital est plutôt avantageuse».

Très hauts revenus = grands perdants

En clair : depuis quelques années, le Grand-Duché a mis en place «un système fiscal qui favorise l'électorat national mais néglige l'autre partie de l'économie et de la population».

Parmi les perdants de la réforme fiscale, le chef d'entreprise met aussi en lumière le fait que «parmi les 430.000 emplois au Luxembourg, il y a environ 10.000 très hauts salaires. Ceux-ci contribuent à hauteur de 30 à 35% aux recettes totales de l'impôt sur les salaires». Comme un grand nombre de ces très hauts revenus ne sont pas des Luxembourgeois, le président de l'UEL tient encore là un élément de sa démonstration...

Sans vote, pas d'implication

Si frontaliers et non-résidents, en règle générale, peuvent actuellement se satisfaire de leurs conditions de rémunération et d’imposition, le “patron” de l’UEL craint l'arrivée de jours plus sombres. Sa peur : comme ces salariés étrangers ne sont pas impliqués dans le processus politique, ils ne se sentiront pas obligés si le pays est dans une mauvaise passe.

«Un jour, la situation de notre pays s'aggravera à nouveau. La solidarité de toutes les forces sociales sera alors cruciale. Un pays où les retraités et les travailleurs du secteur public ont un impact décisif sur les résultats des élections aura encore plus de mal que d'autres pays européens à réagir de manière décisive aux crises.»

Nicolas Buck évoque aussi la problématique de la démographie. Selon lui, le Luxembourg doit accroître sa population. Sans cela, et si l'économie nationale continue à reposer sur de plus en plus de travailleurs transfrontaliers, deux périls sont à craindre. «Primo, les pays voisins exerceront de plus en plus d'influence sur notre souveraineté en nous dictant les règles du jeu pour leurs compatriotes travaillant ici. Secundo, le fait que nous devions effectuer des transferts astronomiques à l'étranger».

Et puis, aujourd'hui, plus d'un milliard d'euros de transferts sociaux (allocations familiales et pensions) sont déjà exportés chez nos voisins. «Ces fonds quittent notre économie - au grand dam du commerce, de l'artisanat et de Horesca», regrette le président de l'Union des entreprises. Plus de résidents permettrait donc à cet argent de rester et profiter au pays.

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