«Les collaborateurs Post peuvent être fiers»
Mission accomplie. Après six mois de crise covid, le directeur des ressources humaines estime que le plus gros employeur du pays a tenu son rang pour assurer les missions essentielles qui lui ont été confiées. Mieux: les employés ont gagné en estime de leur travail et de l'entreprise.
«A ce jour, nous avons distribué 230.000 masques à nos personnels», note Claude Olinger directeur RH de Post. © PHOTO: Julian Pierrot
Comment mesurer la bonne santé du Group Post? A ses résultats annuels? Les derniers étaient bons. A ses projets? La construction de son nouveau siège, un rôle comme acteur 5G ou le déploiement du réseau fibre assurent le pouls de l'entreprise. Mais l'on peut aussi se fier au visage de Claude Olinger. Et bonne nouvelle : le directeur des personnels du 1er employeur du pays a le sourire. Pourtant, faire traverser le premier épisode covid-19 à quelque 4.650 collaborateurs n'a pas dû être simple.
Quand on doit veiller à la santé d'autant d'employés, cela représente une pression inédite que de combattre un ennemi invisible comme ce virus?
Claude Olinger : «Je ne l'ai jamais vécu comme une pression; le terme est trop fort. Plutôt comme un travail différent. Mais depuis le début de la crise, j'étais persuadé que nous avions pris les bonnes décisions non seulement pour assurer la protection des employés mais aussi poursuivre le travail durant cette période de crise. Le gouvernement a intégré l'activité du Group Post comme essentielle à la nation, nous avons assumé ce rôle.
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La première mesure covid que nous ayons prise a été d'annuler la Postlaf. Cette course a d'ailleurs été un des premiers événements du pays à être victime du covid. Ensuite, il a fallu tout mettre en oeuvre pour assurer la continuité du service en toute sécurité.
Et vous ne parlez pas seulement du service du courrier...
«Non, il a aussi fallu maintenir ouvert les shops, un maximum d'agences dans le pays mais aussi assurer la bonne tenue du réseau internet. Dans cette période où chacun restait et travaillait depuis chez lui, il était primordial que le réseau ne connaisse pas de faiblesse. Ce fut le cas. Au passage, cette période a été extraordinaire pour le trafic colis. Nous avons atteint un nombre de réceptions digne des périodes de Noël.
Et puis, Post s'est aussi vu confier l'envoi des masques dans une première distribution générale. Pour cette mission aussi, les Luxembourgeois ont pu compter sur nous. Donc, j'estime que les collaborateurs peuvent être fiers.
Comment Post s'est adapté aux conditions sanitaires exigées pour ses agents et le public?
«En y mettant les moyens. Les chiffres sont impressionnants d'ailleurs. A ce jour, nous avons employé 850 litres de gel hydroalcoolique, distribué plus de 20.000 paires de gants, installé plus d'une centaine de distributeurs de gel, mis en place près de 350 plaques de plexiglas soit à nos guichets, soit dans les bureaux où les postes de travail étaient trop rapprochés... Chacun de nos personnels a aussi reçu un buff et une dizaine de masques dans un premier temps. Aujourd'hui, nous en avons distribué plus de 230.000 et avons pu constituer un stock.
Je dirai que c'est là une partie visible. Mais il a aussi fallu repenser nos organisations du travail. Je pense notamment aux centres de distribution qui n'ont pas obligatoirement été pensés pour assurer la distanciation demandée maintenant. Mais ça fonctionne. Comme toutes les entreprises, nous nous sommes beaucoup appuyés sur le télétravail, et nous continuons.
Quel est votre retour d'expérience sur le home-office justement?
«D'abord que le télétravail n'est pas fait pour tout le monde. D'abord en fonction de la mission. Le facteur qui travaille à domicile, c'est inconcevable. Nous avons fait le décompte en interne, il y a 1.750 postes de travail qui sont ''non télétravaillables''. Ensuite, cela ne correspond pas à toutes les natures de salariés. Certains se montrent plus autonomes, d'autres ont besoin d'un soutien proche et immédiat pour bien faire. Il faut tenir compte du caractère individuel donc.
De toute façon, Post entendait développer cette pratique; la crise va accélérer les choses. Il faudra se pencher sur des procédures claires de télétravail, mais aussi assurer des formations sur le management à distance et sur le rôle de chacun quand il n'agit pas dans le cadre de l'entreprise. Je suis membre du Conseil économique et social qui travaille bien le sujet.
Vous dites que les salariés du groupe ont gagné en estime d'eux-mêmes et ont changé de regard sur leur employeur...
«Tous les messages de remerciements de la population ou des autorités ont été appréciés par les personnels effectivement. Travailler pour Post était valorisant durant cette période où le pays était quasiment à l'arrêt et comptait sur nous. Ils étaient en première ligne, au même titre que les soignants. Individuellement, cela a été gratifiant.
Post n'a pas eu à pâtir d'un taux d'absentéisme supérieur durant la crise (en moyenne 5%), «signe d'un vrai engagement de nos agents au service de la population», estime Claude Olinger. © PHOTO: Gerry Huberty
Les personnels ont aussi vu que la maison prenait soin d'eux. Par une information régulière sur les attitudes à adopter face à la maladie, avec la mise en action d'une hotline en cas de problème, avec les protections toujours disponibles. Nous avons aussi pris soin d'éloigner de leur poste toutes les personnes vulnérables, et les femmes enceintes (sans même qu'elles aient à produire un certificat médical).
Alors à quand la prime pour ces agents?
«Elle n'a pas été réclamée aussi franchement. Et Post a été généreux en accordant à tous le Vendredi saint comme jour de repos, le 4 juin dernier.C'était de la propre initiative de la direction, et cela a permis à beaucoup de s'offrir un break de quatre jours qui a été apprécié. Mais nos collaborateurs ne sont pas aveugles: prime ou pas, ils savent que leur emploi est assuré et par ces temps difficiles, ce soulagement n'a pas de prix. Si le groupe doit faire face à des coûts additionnels inattendus, cela ne pèsera pas sur les effectifs.
Au final, quel a été le pire jour de cette crise?
«Celui où l'Allemagne a choisi de fermer ses frontières. Bon nombre de nos personnels passent la frontière, qu'allait-il se passer. Et comment la situation allait évoluer pour la France ou la Belgique? Là, je dois dire qu'il y a eu un peu de stress. Notre service à lui seul ne pouvait pas imprimer et distribuer les laissez-passer exigés, c'était un moment délicat.
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Maintenant, il serait urgent qu'à l'échelle des Etats de la Grande Région, la question de l'harmonisation des règles de prolongation du télétravail (hors cadre fiscal habituel) soit réglée. Au 31 août, ni nous, ni nos télétravailleurs belges, français ou allemands ne savent sous quel statut ils pourront poursuivre leur home-office. Il faut vite régler cette situation.
Ensuite, en tant que responsable RH, je reste attentif à toute reprise du virus et à l'application de notre «Plan Pandémie». Il a bien fonctionné jusqu'à présent. D'ailleurs même avec les nouvelles mesures sanitaires, nous pourrions être en mesure de recevoir à un poste de travail les trois quarts de nos salariés dans des conditions 100% safe.»