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Les Emirats arabes unis dans le top 10 des paradis fiscaux

Le Luxembourg n'apparaît qu'à la sixième place du classement mondial de Tax Justice Network. Un palmarès où Abou Dabi vient de rentrer, mais encore bien loin des dépendances britanniques.

Fin janvier 2020, une délégation luxembourgeoise s'était rendue en mission économique aux Émirats arabes unis. Pas seulement pour apprécier l'avancée des travaux de l'Exposition universelle de Dubaï.

Fin janvier 2020, une délégation luxembourgeoise s'était rendue en mission économique aux Émirats arabes unis. Pas seulement pour apprécier l'avancée des travaux de l'Exposition universelle de Dubaï. © PHOTO: Photo Archives : Pierre Matgé

(AFP) - Les Emirats arabes unis (EAU) font en 2021 leur entrée dans le groupe des dix plus grands paradis fiscaux, selon le classement annuel du Réseau pour la justice fiscale (Tax Justice Network) rendu public mardi. Selon l'ONG, cette montée dans le classement fait suite à un «apport de fonds des Pays-Bas à hauteur de 250 milliards de dollars» aux Emirats, qui «a fait exploser le volume de l'activité financière des multinationales dans cette juridiction de près de 180%».

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Selon l'enquête du Réseau, ces fonds émanant de multinationales opérant en Afrique du Sud et aux Etats-Unis ont d'abord été investis aux Pays-Bas, avant d'être «re-routés» vers les Emirats. Il est vrai que leur fiscalité attractive en fait une nouvelle destination privilégiée pour les entreprises soucieuses d'optimisation fiscale.

Les EAU sont aussi, avec la Chine et la Turquie, un pays qui ne «coopère pas ou peu» avec les autorités pour récupérer des fonds détournés dans le cadre d'escroqueries financières. Un constat émis dernièrement par le commandant de police Thierry Pezennec, chef du service contre le crime organisé financier (Sirasco) en France.

Les paradis fiscaux épinglés par le Réseau pour la justice fiscale sont les pays «les plus complices d'assistance aux multinationales afin de leur permettre de payer moins d'impôts», des activités tout à fait légales du point de vue des pays vers lesquels sont transférés les fonds. Aux trois premières places se trouvent trois territoires britanniques d'outre-mer (Iles Vierges, Iles Caïmans et les Bermudes).

Les Iles Caïmans sont par ailleurs passées au premier rang de «l'indice d'opacité» de l'ONG en tant que lieu de dissimulation de fortune pour les particuliers, avec une augmentation de 21% en 2020 du «volume d'activité financière des particuliers non résidents».

En infirmières, ça fait combien?

Selon le Réseau pour la justice fiscale, les pays de l'OCDE et leurs dépendances sont responsables de plus des deux tiers (68,3%) des «risques d'abus à l'impôt sur les sociétés au niveau mondial». A 45%, ce risque émane de la «toile d'araignée britannique», loin devant les Pays-Bas (5,1%), la Suisse (5,1%) et le Luxembourg (4,1%).

Bonne ou mauvaise nouvelle, le Grand-Duché maintient donc son rang. Au lendemain des révélations de l'enquête OpenLux et après le jugement sévère du Conseil européen, voilà un nouvel éclairage sur l'opacité fiscale qui reste encore en place dans le pays. Et l'organisation Tax Justice Network a quantifié l'impact social de la perte d'impôts, ses équivalences en termes budgétaires. Car l'ONG estime ainsi à 9,5 milliards d'euros, les sommes qui, placées au Luxembourg, échappent à l'impôt public dans le pays ou dans les autres Etats.

Ainsi, le manque à gagner en recettes fiscales entraîné par le système financier actuel luxembourgeois correspond à 360% du budget national de la Santé. Sous un autre angle, la perte fiscale pèse autant que 437% des dépenses du pays pour l'Education. Autrement dit la somme escamotée pourrait aussi permettre le paiement des salaires annuels de 103.345 infirmières...

Où l'on reparle d'OpenLux

Début février, l'enquête OpenLux publiée par le journal Le Monde notamment sur les zones d'ombre de l'hébergement fiscal des entreprises au Luxembourg avait vite été étouffée. Contre-feu du gouvernement mettant un site en ligne pour expliquer les pratiques du pays, députés heurtés que l'on s'attaque ainsi à l'honorabilité du pays, déclarations sur le travail de transparence mis en place depuis quelques années avaient fini par faire oublier le fond de l'affaire. Mais un mois plus tard, ces révélations font toujours parler d'elles, et en haut lieu même. C'est ainsi que ce mercredi 10 mars, les analyses d'OpenLux feront l'objet d'un débat en séance plénière du Parlement européen. Une déclaration sur les règles fiscales et la lutte contre la fraude économique au sein des Etats membres de l'UE est prévue à l'issue des discussions.

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