Les millennials, principales victimes de la crise
Avec un quart de ses jeunes de moins de 30 qui ne trouvent actuellement pas de travail, le Luxembourg fait partie des mauvais élèves européens. Seules la Grèce et l'Espagne présentent des chiffres moins favorables. Explication d'un phénomène aux conséquences potentielles importantes.
La récession a non seulement gonflé le chômage économique, mais elle engendre aussi un sentiment de peur de l'avenir chez les moins de 30 ans. © PHOTO: Guy Wolff
(JFC, avec Marlene Brey) - Actuellement, 26,9% des résidents luxembourgeois âgés de moins de 30 ans recherchent en vain un emploi. Avec la crise du coronavirus, le nombre de demandeurs d'emploi de cette catégorie d'âge en juin 2020 a crû de 51,9% par rapport au même mois l'année dernière. De manière globale cette fois, ce nombre a augmenté de 32% toutes générations confondues dans le même laps de temps. La récession a non seulement gonflé le chômage économique, mais elle engendre aussi un sentiment de peur de l'avenir chez les moins de 30 ans.
«A l'Adem, c'est clairement l'embouteillage», déclare Christine Witte, spécialisée dans le département «Jeunes» de l'agence pour l'emploi. «En temps normal, on observe une sorte de roulement: environ 70% des nouveaux inscrits d'une année s'en vont l'année suivante, un boulot en main». Or aujourd'hui, selon la conseillère, s'il n'y a «pas plus de nouveaux inscrits que d'habitude, en revanche ils sont beaucoup moins nombreux à trouver un job». Autrement dit, si la crise du covid n'a pas entraîné de vague de licenciements, elle a fait fondre l'offre d'emplois disponibles.
La caractéristique principale de cet «embouteillage» est qu'il frappe particulièrement la jeune génération. Car, alors que le nombre de postes vacants sur le marché du travail luxembourgeois a baissé de 16,5% en juin par rapport au même mois de l'année dernière, le nombre de contrats d'apprentissage a quant à lui diminué de... plus de moitié: là où 2.000 de ces postes étaient recensés en 2019, il n'en reste que 959 actuellement.
Ainsi, là où l'Université du Luxembourg reçoit en moyenne entre 60 et 80 offres d'emploi par mois, seulement la moitié sont arrivées ces derniers mois. Pour Christine Witte, vu l'avenir incertain, les employeurs sont pour le moment plus occupés «à tenter de garder leur personnel» qu'à se soucier «d'embaucher un apprenti».
Selon les dernières données de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Luxembourg affiche le troisième taux de chômage des moins de 30 ans le plus élevé de l'Union européenne. Seules la Grèce et l'Espagne, deux pays encore fortement marqués par la dernière crise économique et financière, affichent des chiffres plus élevés.
Trouver une explication rationnelle à ce podium peu glorieux s'avère malaisé, dans la mesure où l'Adem elle-même ne publie pas le taux de chômage chez les -30 ans, mais en livre seulement le chiffre absolu, en l'occurrence 4.398 inscrits actuellement. L'agence pour l'emploi l'explique par des «difficultés méthodologiques», car notamment de nombreux jeunes de moins de 25 ans poursuivent leurs études et disparaissent ainsi des radars de l'Adem. Mais pour Ariane Toepfer, active au Centre de coaching «Youth and Work», ce fait est «choquant, car les chiffres ne peuvent alors pas faire l'objet d'une discussion publique».
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L'âge moyen des personnes qui se tournent vers «Youth and Work» est de 23 ans. 56% possèdent la nationalité luxembourgeoise. Rares sont ceux qui veulent bien l'évoquer, mais leur situation est souvent précaire. 61% des jeunes participant au programme déclarent manquer d'orientation professionnelle, 59% ont abandonné l'école ou sont au chômage de longue durée. La crise du coronavirus n'a rien arrangé, que du contraire, pour ces jeunes le plus souvent sans expérience professionnelle, sans diplôme de fin d'études, et avec peu de connaissances en droit du travail.