Luxembourg: l'aide à Fiat illégale?
La Commission européenne n'a pas de doute que derrière «FFT» se cache la structure financière de Fiat, Fiat Finance and Trade, ni même que l'accord fiscal préalable passé le 3 septembre 2012 pour cinq ans par l'administration fiscale luxembourgeoise avec le constructeur italien soit une aide d'Etat. Le Luxembourg a un mois pour démontrer que cette aide n'est pas illégale.
Le 24 boulevard Royal, où le lien entre Fiat Finance and Trade et le constructeur italien ne fait aucun doute Foto:Guy Jallay © PHOTO: Guy Jallay, Guy Jallay
La Commission européenne n'a pas de doute que derrière «FFT» se cache la structure financière de Fiat, Fiat Finance and Trade, ni même que l'accord fiscal préalable passé le 3 septembre 2012 pour cinq ans par l'administration fiscale luxembourgeoise avec le constructeur italien soit une aide d'Etat. Le Luxembourg a un mois pour démontrer que cette aide n'est pas illégale.
Il est possible, pour un groupe international, de payer moins d'impôts par l'intermédiaire des «accords préalables sur les prix», ou «ruling» en anglais: quand une société s'installe dans un pays, elle peut demander comment la fiscalité sera appliquée à son activité. Et même si les administrations fiscales se défendent généralement de «négocier», les entreprises tentent de profiter de toutes les possibilités d'interprétation des textes pour diminuer la facture. Notamment par les «prix de transfert», c'est-à-dire les prix que la société, ici Fiat Finance and Trade, facture à ses filiales et clients pour ses services. Ce mode de facturation permet de diminuer l'assiette fiscale et donc, au final, de payer moins d'impôts.
Derrière cette apparente simplicité se cache en réalité une application à chaque fois particulière de pratiques d'ingénierie financière que la Commission européenne remet largement en question dans son document de 33 pages publié hier et daté du 11 juin.
Les risques sous-évalués
La Commission conteste une mesure: «L'étude des prix de transfert détermine une rémunération appropriée des fonds propres exposés au risque et des fonds propres visant à rémunérer les fonctions exécutées par la société de 2,542 millions d'euros sur lesquelles un écart de plus ou moins 10% est envisagé». Cette rémunération est imposée à 28,8% indique la Commission, est considérée comme de pleine concurrence et n'entraînera aucun ajustement sur cinq ans.
Autant d'éléments que Bruxelles réfute, considérant que les 10% de plus ou de moins ne «pourraient refléter une réalité économique» liée aux activités de Fiat Finance and Trade, filiale à 40% de Fiat Spa et à 60% de Fiat Finance Spa qui appartient à Fiat Spa.
La Commission conteste la méthode de calcul utilisée par les conseillers fiscaux de KPMG, les niveaux trop bas du montant des fonds propres rémunérés et leur niveau de rémunération, le montant trop faible de capitaux propres exposés aux risques (9,9% ou 28,5 millions d'euros) calculé sur le cadre de Bâle II en principe limité aux obligations souveraines ayant une note de AAA à AA- ou encore que le facteur de pondération des risques est relativement faible (20%).
Rien de neuf sous le soleil, pour le ministère des Finances
Le rapport sur les prix de transfert «semble contenir une erreur», ajoute-t-elle, en ce qui concerne les exigences minimales de fonds propres puisque le risque de contrepartie «ne doit pas être inférieur à 8%» et est de 6% dans le document luxembourgeois. Enfin, la Commission ne juge pas pertinentes certaines des sociétés de la liste de 66 retenues pour calculer les bonnes variables.
De quoi en conclure que «l'APP de FFT ne respecte pas le principe de pleine concurrence» et donc que «les autorités luxembourgeoises octroient un avantage à FFT», «obtenu chaque année» et qui «se perpétue lorsque l'impôt éligible de chaque année fiscale est déterminé par les autorités luxembourgeoises sur la base de cet APP».
Reste alors le deuxième volet: cette aide d'Etat est-elle compatible avec les traités? La Commission avoue ne disposer «à ce stade d'aucun élément qui lui permettrait de déterminer si les avantages fiscaux (...) sont en rapport avec des investissements particulier pouvant bénéficier d'une aide d'Etat». L'administration fiscale luxembourgeoise a donc un mois pour répondre à ces interrogations sur le constructeur italien, qui a fait un chiffre d'affaires de 84 et 86 milliards d'euros en 2012 et 2013 pour un bénéfice de près de 900 millions et près de 2 milliards d'euros pour les mêmes années.
Dans un communiqué, le ministère des Finances a indiqué hier après-midi., que «le texte publié ne contient aucun élément nouveau. Le Luxembourg a fourni toutes les informations et a collaboré pleinement avec la Commission dans son enquête. Il est confiant que les allégations d'aide d'État dans cette affaire sont sans mérite et qu'il sera à même de convaincre la Commission de la légitimité de la décision anticipative en cause.»
Au total, les autorités luxembourgeoises ont soumis 22 cas à Bruxelles.
Thierry Labro
La décision complète de la Commission européenne est consultable ici.