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Rétrospective 2018-2022

Pourquoi l’économie luxembourgeoise plie mais ne rompt pas

La Fondation Idea a présenté son dernier document de travail consacré à la rétrospective économique des cinq dernières années au Luxembourg. Le bilan reste positif, bien que de nombreuses inquiétudes demeurent pour l'avenir.

Michel-Edouard Ruben, Muriel Bouchet, Ioana Pop et Vincent Hein.

Michel-Edouard Ruben, Muriel Bouchet, Ioana Pop et Vincent Hein. © PHOTO: Megane Kambala

Journaliste

D'un point de vue généraliste et indiscutable, ce sont avant tout deux chocs majeurs qui auront marqué le mandat du gouvernement qui touche bientôt à sa fin: la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, avec les tensions géopolitiques qu’elle polarise.

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Toutefois, même si la période observée par la Fondation Idea «correspond à la mandature politique qui s’achève, il n’est pas possible pour autant de considérer cet exercice comme un ‘bilan économique’ complet et définitif de la coalition au pouvoir».

L’appréciation du bien-fondé des politiques publiques mises en place requiert en effet de la «patience pour mesurer les effets des politiques sur le long terme» et «de la méthode pour isoler les effets strictement imputables aux décisions politiques».

Raisons pour lesquelles le directeur d’Idea, Muriel Bouchet, a insisté sur «la notion de rétrospective et non de bilan de mandature» pour appréhender le document de travail n°22 du think tank.

Une activité économique dynamique et résistante aux chocs

Pour saisir les tenants et les aboutissants des derniers constats des économistes de la Fondation Idea, il convient de rappeler que «la précédente mandature s’était achevée au milieu d’une phase d’expansion économique, principalement marquée par une forte progression de l’emploi, des prix immobiliers, des excédents budgétaires».

Des données factuelles qui expliquent donc en grande partie la résilience dont a fait preuve le Luxembourg durant la crise covid et depuis lors.

L’activité économique a notamment été soutenue par des dépenses publiques orientées dans une logique du «quoi qu’il en coûte», notamment avec le chômage partiel pour limiter les faillites et les nombreux pack d’aides successifs à destination des ménages.

Sont également à considérer les nombreuses mesures pour limiter la poussée inflationniste et préserver le pouvoir d’achat, à l’image de l’indexation des salaires (six en tout de 2018 jusqu’à présent) mais aussi celle des allocations familiales. Sans oublier la mise en place de plusieurs crédits d’impôts nouveaux, la révolution en termes de congés parentaux et la gratuité des transports.

Un ensemble d’attraits expliquant en grande partie le fait que le Luxembourg attire encore et toujours de nouveaux arrivants, comme en témoignent ces quelques chiffres:

  • + 46.880 résidents depuis 2018, soit l’équivalent de la population des communes de Differdange et Hesperange.

  • 80% de l’évolution démographique imputable au solde migratoire.

  • Toujours plus de frontaliers, de 49% (2013-2018) à 54% (2017-2022), signifiant des créations nettes d’emploi mais autant de challenges pour l'aménagement du territoire dans une dynamique incluant les pays voisins.

  • Les nouveaux résidents étrangers représentent 25% des créations d’emplois (2017-2022).

Mais de nombreux défis pour l’avenir

Pourtant, «divers défis apparaissent en filigrane», tandis que certains restent les mêmes que le mandat précédent, «bien que dans l’ombre des deux grands chocs qui se sont produits depuis 2020».

En tête de ces préoccupations à considérer, «le ralentissement tendanciel de la croissance du PIB et de la productivité apparente du travail et divers problèmes sociaux (le taux de risque de pauvreté et le chômage de long terme, par exemple».

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La gestion des finances publiques sera également à monitorer, sachant qu’elles ont été «très exposées» ces deux dernières années et que les négociations de la dernière tripartite portant sur l’indexation des barèmes fiscaux coûteront approximativement 300 millions d’euros à l’Etat pour 2,5 tranches.

Enfin, de nombreuses interrogations nécessiteront les réponses adéquates, comme la façon dont il faut sortir du «quoi qu’il en coûte» et son après, les conséquences à long terme des dépenses en matière de protection sociale (par exemple les congés parentaux); mais aussi tout ce qui est relatif à l’amélioration du vivre-ensemble et la problématique du logement (tant d'un point de vue construction que d'accès à la propriété, voire même de la location).

Autant d'enjeux pour l’avenir sur lesquels la Fondation Idea a déjà proposé plusieurs pistes, la plus notable restant la correction des effets anti-redistributifs et/ou incitatifs pour plusieurs aides non ciblées et le relèvement «de la fiscalité ciblée sur les ménages les plus aisés». Une analyse qui reste plus que jamais pertinente au vu de la valeur annoncée de l’indexation des barèmes fiscaux…

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