SES reboosté jusqu'en 2042... au moins
Le gouvernement vient de renouveler pour 20 ans la licence permettant à l'opérateur de satellites d'exploiter des solutions utilisant des fréquences luxembourgeoises. Surtout, l'Etat autorise le lancement d'un fonds spécifique à la firme dédié à l'innovation.
SES a permis le lancement de 77 satellites à ce jour. © PHOTO: Chris Karaba
«Grâce à SES, le Luxembourg est plus grand dans l'espace que sur Terre.» Le propos est signé du Premier ministre, Xavier Bettel (DP). Et c'est peu dire qu'avec 57 satellites géostationnaires et 20 non géostationnaires lancés par les soins de l'opérateur basé à Betzdorf, le Grand-Duché plane haut dans l'industrie spatiale. Un fleuron dont il convient de veiller à la trajectoire future, «et c'est pour cela que la création d'un nouveau fonds va nous permettre d'être plus performant encore», avance Christophe De Hauwer, directeur de la stratégie et du développement de SES.
En quoi ce nouveau fonds (financier) peut-il participer du développement (technologique) de SES?
Christophe De Hauwer : «Depuis cinq ans, le nombre d'investissements privés dans le développement spatial a grimpé en flèche. Le grand public en a pris conscience avec le décollage des projets Space X ou Blue moon des milliardaires Elon Musk et Jeff Bezos. De fait, une multitude de fonds à capital-risque fleurissent pour stimuler l'innovation, et espérer de bonnes retombées pour les investisseurs. SES a déjà pris des parts dans ce type de fonds. En 2017, la compagnie a déjà misé un million de livres sterling pour intégrer le Seraphim Space Fund.
Cette fois, SES et l'Etat auront les commandes de ce véhicule financier. Ils décideront donc des orientations d'investissement, ciblant ce qui pourra être profitable et ce qui aura des retombées pour le Luxembourg et SES. Une petite partie du fonds pourra être attribuée aux projets comme recherche et développement.»
SES sera donc le seul financeur de ce fonds?
Au moins au départ. L'accord signé avec le gouvernement nous oblige à verser au plus 7 millions d'euros annuels, et cela dès 2022 dans ce fonds. Ensuite, les versements se feront en fonction des résultats de l'entreprise. Mais toujours avec des retombées à prévoir sur l'économie du Grand-Duché et liées au secteur spatial. Du win-win en quelque sorte puisque les revenus produits par le fonds seront partagés entre les deux partenaires.»
Le Gouvernement a aussi renouvelé la concession autorisant SES à poursuivre l'exploitation des positions orbitales et fréquences luxembourgeoises actuellement concédées, et cela jusqu'en 2042.
Paré au décollage
Il s'agit d'une bonne chose, dans la logique des choses après l'ancienne concession qui arrivera à son terme en fin 2021. Actuellement, 13 satellites de notre flotte diffusent via la concession luxembourgeoise.
En date du 30 juin 2020, SES devra toutefois libérer les fréquences de la bande 3,4 à 3,8 GHz identifiées par l'Union européenne pour les réseaux mobiles 5G. Une bande de garde sera juste préservée pour protéger nos services satellitaires au-dessus de 3,8 GHz.»
La 5G constitue un enjeu majeur pour SES aux Etats-Unis. Et 2020 s'annonce crucial dans ce domaine.
Le cœur de métier de SES reste la fourniture de services de diffusion radio-vidéo et data par satellite. Dans le futur, la 5G sera utilisée pour le partage haut débit de données sur mobiles, pour la conduite autonome de voitures ou la gestion de villes intelligentes. La 5G requiert tant des équipements terrestres, que spatiaux pour couvrir de larges zones.
Par ailleurs, le déploiement de la 5G terrestre requiert dans certains pays l’utilisation de bandes de fréquences actuellement allouées au satellite. C’est le cas aux USA, où le régulateur s’est engagé à lancer en 2020 des enchères pour répartir des fréquences entre usage terrestre et satellitaire. Aujourd’hui ces bandes de fréquences desservent les programmes télé à plus de 120 millions de foyers. Pas le genre de marché dont on aimerait se priver donc.
C'est pourquoi nous nous sommes rapprochés d'Intelsat et Télésat, nos concurrents habituellement, pour proposer une solution globale de migration de nos services vers de nouveaux satellites, et de compression de nos signaux (utilisant moins de bande passante donc). Cela permettrait de libérer des fréquences pour les réseaux 5G terrestres. Mais cette solution ne pourra être mise en œuvre que dans le cadre d'une incitation financière significative.»
A quoi ressemblera SES en 2041?
Je crois que la transmission de data aura pris le pas sur la part de vidéo dans notre activité. Pour les besoins de loisirs, de communication mais aussi dans le domaine de la défense. Nous augmenterons notre présence dans les volumes de communication vers les engins en mouvement, comme les bateaux ou les avions.
En 2041, notre métier se sera élargi. SES ne sera plus seulement un excellent opérateur satellitaire mais assurera des prestations gérées, de bout en bout si besoin. Nous n'offrirons plus seulement la connectivité, mais les applications qui emploient cette technologie. Toutefois, nous aurons conservé notre leadership dans le domaine des satellites en orbite moyenne où nous étions pionnier dès 2009.
Enfin, les départs vers l'espace se seront multipliés. Avant la limite de notre activité était justement l'accès restreint à ces altitudes car peu d'agences spatiales possédaient ce savoir-faire. Maintenant que le secteur privé s'est emparé du marché, non seulement les vols se multiplient mais surtout les coûts baissent.»