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Luxembourg Leaks

« Tax ruling » : une pratique légale... jusqu'à quel point ?

La révélation, mercredi soir, des accords fiscaux passés entre le Luxembourg et 340 multinationales, pose question. La pratique est légale... à moins qu'elle ne s'apparente à une aide d'Etat.

(DN) - La révélation, mercredi soir, des accords fiscaux passés entre le Luxembourg et 340 multinationales, pose question. La pratique est légale... à moins qu'elle ne s'apparente à une aide d'Etat.

La pratique du « tax ruling », légale, permet à une entreprise de demander à l'avance comment sa situation sera traitée par l'administration fiscale d'un pays, et d'obtenir certaines garanties juridiques sur une période donnée, en général cinq ans. Elle est encore appelée « accords préalables » puisqu'il s'agit d'accords avant impôt engageant la société étrangère et l’administration fiscale.

Elle n'est pas spécifique au Grand-Duché, puisqu'elle est pratiquée notamment aux Pays-Bas, en Belgique, en Irlande ou en Suisse, mais si des multinationales comme Apple ou Amazon ont choisi le Luxembourg, c'est pour bénéficier de « règles fiscales souples (…) pour y transférer des profits afin qu'ils n'y soient pas taxés, ou très faiblement », écrit Le Monde.

Rien qui, à ce stade, ne soit contraire au droit international. Alors comment expliquer que la Commission européenne ait ouvert en juin plusieurs enquêtes précisément sur cette pratique ? L'une d'entre elles vise les accords passés par le Luxembourg avec Fiat Finance and Trade, qui fournit des services de gestion de trésorerie au groupe automobile Fiat.

Une application sujette à interprétation

Le code fiscal peut donner lieu à interprétation, notamment quand il s'agit d'optimisation fiscale. Un groupe souhaitant s'implanter au Luxembourg passe par un cabinet d'audit, PwC, Deloitte, Ernst & Young ou KPMG, qui monte un dossier à même d'être proposé à l'administration des impôts.

Cette dernière signe un document officiel confirmant la légalité de la situation de l'entreprise au regard d'une opération donnée, par exemple la réduction de la base de revenus imposables.

La Commission soupçonne alors que l'administration luxembourgeoise soit excessivement conciliante, acceptant les termes d'une négociation qui puisse être vue comme une aide d'Etat.

Le Soir cite sans doute l'un des exemples les plus parlants, se référant à FedEx Corp. : basée à Memphis, cette société a établi deux filiales luxembourgeoises « pour siphonner les revenus de ses opérations mexicaines, françaises et brésiliennes au titre de dividendes essentiellement détaxés. Le Luxembourg a accepté de ne taxer qu’un quart de pourcent de ce flux (oui : 0,25 %), laissant exempt de toute taxe 99,75 % de ces revenus. »

Une question d'image

Mais cette affaire, qui n'est qu'une résurgence d'enquêtes préalablement réalisées notamment par l'émission Cash Investigation de France 2 auprès de PwC en 2012, pose peut-être moins le problème de l'image du Luxembourg comme celle d'un « Etat minuscule favorisant la pratique de l'optimisation fiscale à une échelle industrielle » que celle des entreprises qui y recourent.

Des firmes comme Apple qui misent largement sur l'image de leur marque et peuvent même se targuer de responsabilité environnementale risquent, à long terme, d'avoir de plus en plus de mal à justifier l'absence de toute responsabilité sociale, avec des produits fabriqués en Chine dans une écrasante majorité et un évitement de l'impôt dans les pays où leurs produits sont vendus et où, pour éviter des déficits publics abyssaux, les gouvernements ne peuvent plus guère miser que sur des hausses d'impôts visant les particuliers.

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