L'inflation s'invite aux célébrations des 25 ans de la BCE
Une pause festive en pleine bataille contre l'inflation: la Banque centrale européenne célèbre mercredi en grande pompe son premier quart de siècle d'existence scandé par les crises.
«Nous avons de bonnes raisons de nous réjouir à la BCE», a assuré Mme Lagarde à la chaîne de télévision néerlandaise Buitenhof TV. © PHOTO: Shutterstock
Ce sont environ 200 invités qui sont attendus à partir de 181h5 (16h15 GMT) dans la tour d'acier et de verre de l'institution monétaire bordant le Main à Francfort. Il y aura de la musique de Debussy et un gâteau d'anniversaire coupé par la présidente de la BCE Christine Lagarde et deux de ses prédécesseurs, Jean-Claude Trichet et Mario Draghi.
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Ombre au tableau: la fête a lieu alors que l'inflation en zone euro navigue à un niveau record - encore 7% en avril - sur fond de prix de l'énergie et de biens importés ayant bondi depuis la reprise post covid-19 et la guerre d'invasion russe en Ukraine. Il n'empêche que «nous avons de bonnes raisons de nous réjouir à la BCE», a assuré Mme Lagarde à la chaîne de télévision néerlandaise Buitenhof TV.
«Il y a 25 ans, nous avions pour objectif d'assurer la stabilité des prix, une meilleure souveraineté européenne et de faire preuve de plus de solidarité: nous avons tenu nos engagements sur ces trois aspects», a-t-elle estimé.
Créée le 1er juin 1998, quelques mois avant l'introduction de la monnaie unique, la BCE a pour boussole le maintien de la stabilité des prix, qui se définit aujourd'hui par un niveau d'inflation de 2% sur le moyen terme. L'inflation s'est élevée en moyenne à 2,05% sur les 25 années passées.
Crises existentielles
Mais derrière cette bonne note d'ensemble, l'institution en a vu de toutes les couleurs. Elle a dû s'accommoder des imperfections de l'Union monétaire menant à des crises existentielles, comme la menace de voir l'euro imploser dans les années 2010, lors de la crise des dettes publiques dans l'Union européenne.
Une longue phase d'inflation atone a suivi, à laquelle a succédé l'envolée des prix subie depuis plus d'un an. «Curieusement, la période d'inflation excessive subie depuis la mi-2021 a permis à la moyenne de converger vers 2%», relève Eric Dor, directeur des Etudes Economiques de l'IESEG School of Management.
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Ayant cru longtemps que le retour de l'inflation serait temporaire, la BCE a fini par devoir la combattre via un relèvement sans précédent de ses taux directeurs, de 3,75 points de pourcentages depuis juillet, acceptant par ce biais de ronger la croissance.
Son arsenal s'est au fil des ans élargi au-delà de l'arme classique des taux d'intérêt: programmes de rachats de dettes publiques et privées flirtant avec l'interdiction de financer les Etats souverains et vagues de prêts géants aux banques, le tout pour soutenir à bout de bras les économies européennes.
A chaque crise traversée la BCE a su innover et s'adapter, c'est ce qu'il faut retenir avant de souligner des erreurs ou tensions internes.
L'institut a aussi commis des erreurs funestes. En 2011, Jean-Claude Trichet relève les taux alors qu'une crise est en gestation. Son successeur Mario Draghi corrigera le tir dès son arrivée, gagnant plus tard des lauriers de «Super Mario», sauveur de la zone euro.
Mais la gestion solitaire de l'Italien a fini par créer la zizanie au sein du conseil des gouverneurs, où siègent les patrons des banques centrales nationales aux idées divergentes sur le bon dosage monétaire.
Chantier numérique
Christine Lagarde, en bonne manageuse, a resserré les rangs. «A chaque crise traversée la BCE a su innover et s'adapter, c'est ce qu'il faut retenir avant de souligner des erreurs ou tensions internes», résume Frederik Ducrozet, chef économiste chez Pictet Wealth Management.
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La BCE emploie aujourd'hui 4.200 personnes - dix fois plus qu'en 1999 - en supervisant depuis 2014 les grandes banques de la zone euro. Son mandat continue d'évoluer, en voulant «verdir» sa politique monétaire face à l'impératif de lutte contre le changement climatique.
Quant à l'euro, utilisé par près de 350 millions d'Européens dans 20 pays, il va «survivre de nombreuses années à venir», affirme Mme Lagarde. Il va aussi se transformer: le chantier de l'euro numérique est lancé pour mettre en place un nouveau moyen de paiement en réponse à la multiplication des cryptomonnaies.