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Mobilité frontalière

A31bis: fini la concertation, mais pas les interrogations

Après plus de deux mois de concertation autour du projet A31bis, c'est désormais au préfet de Moselle de prendre sa décision à propos du tracé du contournement de Thionville, qu'il devra ensuite présenter au ministre du Transport.

Indispensable pour les uns, inenvisageable pour les autres, le projet A31bis a fait l'objet d'une concertation mouvementée.

Indispensable pour les uns, inenvisageable pour les autres, le projet A31bis a fait l'objet d'une concertation mouvementée. © PHOTO: Guy Jallay

Journaliste

Dix semaines, 14 réunions publiques et visites sur le terrain, 1.000 participants et 700 contributions recueillies sur le site du projet. À tous les niveaux, la concertation autour de l'A31bis a été riche. Clôturée le 3 février dernier, cette période d'échange entre pro et anti n'a évidemment pas été vécue de la même façon par les opposants que par les représentants de l'État.

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D'un côté, il y a les Florangeois. Carole, Laëtitia, Yohann, Christophe, Sébastien et Patricia habitent tous dans la même impasse -une rue qui pourrait être rasée en fonction du choix du tracé du contournement ouest de Thionville. Pour les uns comme pour les autres, ces rencontres qui se sont enchaînées ont été une succession de déceptions. «On a beaucoup débattu, on a beaucoup parlé, mais on avait l'impression d'être face à un mur qui hochait de la tête poliment, en nous écoutant sans nous entendre», regrette Yohann.

Pour Laëtitia, le «coup de massue» est intervenu lorsque la question du gain concret de temps a été abordée. «On nous a répondu ''quatre minutes'', pour un projet qui va coûter des millions d'euros et qui va engendrer autant de problèmes, ça fait très cher la minute», estime la frontalière qui passe chaque jour entre 55 minutes et 2h15 sur la route pour se rendre au travail.

Une mobilisation qui grandit

Comme ses voisins, Laëtitia a participé à l'ensemble des rendez-vous de la concertation. «Cela a été très fatigant pour nous, très stressant», confie-t-elle. Pourtant, les opposants estiment que le dialogue avec les autorités et les acteurs économiques en faveur du projet n'a pas évolué. «Pour moi le jeu était fait d'avance, la concertation a eu lieu parce qu'il fallait en faire une», abonde Carole.

Tous membres de l'association Intercollectif Non à l'Autoroute A31bis Tronçon Nord, le groupe de voisins attendait une prise de conscience de la part de la population lors de cette période d'échange. Si une mobilisation s'est construite autour des anti-A31bis, elle n'est pas encore suffisante, selon eux. «Il y a encore des personnes qui sont convaincues que l'A31bis sera une autoroute parallèle à l'A31, on le voit sur les réseaux sociaux», illustre Laëtitia.

Le préfet de Moselle doit faire un choix entre trois tracés, soit quatre variantes, pour contourner Thionville.

Le préfet de Moselle doit faire un choix entre trois tracés, soit quatre variantes, pour contourner Thionville. © PHOTO: Schéma: Préfecture de Moselle

Carole, de son côté, se dit avoir été interpellée par la minorité de personnes s'étant manifestées en faveur de l'autoroute A31bis lors des réunions publiques. «On avait des salles à 95% remplies de personnes opposées au projet.»

Au-delà des débats, certaines interventions ont mis l'accent sur des intersections qui vont me permettre, non pas de proposer un des quatre tracés, mais un tracé avec des améliorations suite aux échanges qui se sont tenus.
Laurent Touvet, préfet de la Moselle

Une proportion d'anti qui a aussi été constatée par le préfet de Moselle, Laurent Touvet, qui rappelle au passage qu'«une concertation publique, ce n'est pas un référendum, c'est une campagne de communication pour recueillir les différents avis sur le projet». De son côté, le représentant de l'État français juge que la période a été «très riche».

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Désormais, son rôle est de trancher sur le tracé final du futur contournement ouest de Thionville, auquel s'ajoutera un passage à 2x3 voies du nord de Thionville à la frontière luxembourgeoise, un second chantier bien distinct. S'il est encore trop tôt pour tirer des conclusions de cette concertation, le préfet estime de son côté qu'elle a été utile. «Au-delà des débats, certaines interventions ont mis l'accent sur des intersections qui vont me permettre, non pas de proposer un des quatre tracés, mais un tracé avec des améliorations suite aux échanges qui se sont tenus. Je pense notamment aux panneaux anti-bruit, aux échangeurs, à l'accès des habitants aux autoroutes...»

Alors que les opposants au projet qualifient les débats de véritables «dialogues de sourds», Laurent Touvet, lui, assure que les associations ont eu une «très grande place pour s'exprimer lors des réunions publiques». «Je ne m'attendais pas à trouver l'unanimité, ça, ce n'est pas possible. Mais cette concertation, elle a conduit des collectivités locales, des acteurs économiques, et des associations à réfléchir au sujet au-delà des positions de principe», poursuit le préfet.

Un projet autoroutier «indispensable»

Partisans d'un abandon total du projet autoroutier en faveur du développement de solutions multimodales incluant notamment le ferroviaire et le covoiturage, les membres de l'INATN ont réaffirmé ce point de vue lors de la réunion de synthèse, le jeudi 2 février dernier. Une opinion à laquelle s'oppose formellement le représentant de l'État.

«Je suis convaincu qu'il faut une autoroute. La situation actuelle ne peut pas durer. Nous avons le devoir d'agir et l'autoroute est nécessaire. Elle vient en complément des transports en commun», argumente le préfet qui s'appuie sur des données chiffrées. Aux 110.000 frontaliers français qui traversent actuellement la frontière quotidiennement pour venir travailler au Luxembourg, se rajouteront 50.000 travailleurs supplémentaires d'ici 2030.

«Tous les travaux entrepris en ce moment sur la ligne TER ne permettront d'absorber que 15.000 à 20.000 voyageurs supplémentaires par jour. Il nous restera donc toujours un très grand nombre de personnes, ce qui rend cette route indispensable, sinon la région va être paralysée», résume Laurent Touvet.

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À présent, les deux garants de la concertation disposent d'un mois pour rédiger un rapport de synthèse sur la concertation, suite auquel le préfet aura encore deux mois pour transmettre son avis au ministre des transports, Clément Beaune. «Après ce calendrier de quelques mois, c'est la décision ministérielle qui ne m'appartient plus. Si le ministre décide de soutenir le tracé proposé, celui-ci sera encore soumis à une enquête publique de six semaines comme le prévoit la loi française.»

Fatigués après ces deux mois rythmés par les rencontres, les habitants de l'impasse de Nancy, à Florange, sont encore loin de s'avouer vaincus. Aux yeux des opposants, la concertation n'était qu'une étape, et beaucoup d'inconnues persistent autour du projet autoroutier. «Il n'y a pas de raison que notre ville soit coupée en deux. Tout le monde sera concerné par cette autoroute quel que soit son tracé. On reste mobilisés contre ce projet, on ne lâche rien.»

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