Le Parlement wallon assis entre deux chaises (de luxe)
L’institution préfère s’en remettre à la justice dans une affaire de mobilier onéreux, acquis sans passer par un appel d’offres.
Tout laisse penser que le marché public portant sur l’achat de ce mobilier a été taillé sur mesure pour une société namuroise qui l’a finalement emporté. © PHOTO: Shutterstock
C’est un témoignage anonyme qui a tout déclenché. Outré par le prix du nouveau mobilier du Parlement wallon, un sous-traitant s’en est ouvert à la presse. Et l’affaire s’est emballée.
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En cause donc: la commande d’un mobilier onéreux destiné à équiper les locaux de la nouvelle extension du Parlement wallon, à Namur. Coût: environ 4.000 euros par chaise de travail, 18.000 euros pour un divan… Révélés, ces montants ne pouvaient que choquer l’opinion publique en un temps où il n’est plus question que de la baisse du pouvoir d’achat et de la nécessaire exemplarité des élus.
La question de la responsabilité est posée
Mais ce n’est pas tout. Tout laisse penser que le marché public portant sur l’achat de ce mobilier a été taillé sur mesure pour une société namuroise qui l’a finalement emporté. Celle-ci aurait même participé à la rédaction du cahier des charges, suivant une pratique plus courante qu’il n’y paraît.
A l’échelon fédéral en effet, il est reproché en ce moment même à la ministre des Entreprises publiques Petra De Sutter d’avoir compté parmi ses collaborateurs des experts payés par bpost (l’ex-Poste belge), experts qui ont participé à la négociation d’un contrat avec… bpost. Ce n’est qu’un exemple.
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Cette parenthèse fermée, la question de la responsabilité est posée. Qui a donné son feu vert à l’achat de ce mobilier sans appel d’offres? «Le jury qui avait rendu un avis sur la qualité des meubles proposés et qui soutenait cette candidature était, en fait, composé du président du Parlement de l’époque, le socialiste Jean-Claude Marcourt, du greffier et de quelques membres du personnel du greffe», écrit La Libre Belgique.
Depuis, Jean-Claude Marcourt a démissionné de son poste en raison de frais jugés excessifs liés à un voyage à Dubaï et le greffier Frédéric Janssens est pointé du doigt pour une série de dépenses imprévues.
L’affaire Nethys
Tout cela fait tache. Une telle accumulation d’affaires aurait de quoi faire éclater une nouvelle crise politique. Il n’est en rien à ce stade. Le bureau du Parlement wallon – l’organe qui gère l’organisation interne de l’institution – préfère s’en remettre à la justice pour s’assurer que rien n’est laissé au hasard. Question de transparence, est-il précisé.
Ce sera donc à la justice de dire si l’ex-président du Parlement wallon Jean-Claude Marcourt a couvert ou non les pratiques aujourd’hui dénoncées. L’affaire du greffier, le voyage à Dubaï, le mobilier des parlementaires: cela fait beaucoup pour un seul homme… « Sans oublier l’affaire Nethys », ajoute la Libre Belgique.
Le rappel de l’affaire Nethys - qui reprend une série de malversations commises par un holding liégeois – dans un tel contexte donne au PTB l’occasion d’enfoncer un autre clou. Les communistes craignent que des propositions de modifications du règlement du Parlement wallon n’aboutissent à l’impossibilité pour les partis d’opposition d’interroger le gouvernement du socialiste Elio Di Rupo sur certains points.
Il est par exemple arrivé qu’on nous interdise purement et simplement d’aborder l’affaire Nethys lors d’une séance plénière.
«Il est par exemple arrivé qu’on nous interdise purement et simplement d’aborder l’affaire Nethys lors d’une séance plénière, alors qu’elle était au centre de nouveaux rebondissements judiciaires. C’est Jean-Claude Marcourt, lui-même directement mouillé dans cette affaire, qui avait bloqué les questions du PTB sur le sujet», pointe Germain Mugemangango.
Bien qu’en recul, le parti socialiste reste le premier parti de Wallonie. Mais le PTB communiste continue à se rapprocher dangereusement, si l'on en croit les récents sondages.