Cattenom veut des bus gratuits comme au Luxembourg
Frontalière du Luxembourg, la communauté de communes de Cattenom et environs veut accélérer sur les projets de mobilité, avec des voies de bus dédiées sur les axes routiers en direction du Grand-Duché et des liaisons qui seraient gratuites.
A l'instar de ce qui existe au Luxembourg, la communauté de communes de Cattenom et environs planche sur la gratuité des transports et sur les voies de circulation dédiées aux bus. © PHOTO: Photo d'illustration: Gerry Huberty
De Contz-les-Bains à l'est à Volmerange-les-Mines à l'ouest, la communauté de communes de Cattenom et environs (CCCE), qui regroupe 22 communes pour 27.000 habitants, est l'intercommunalité française qui partage la plus longue frontière avec le Grand-Duché. «70% de nos habitants sont tournés vers le Luxembourg», précise Michel Paquet, président de la CCCE et maire de Zoufftgen. L'intercommunalité est aussi, de ce fait, celle qui voit passer le plus grand nombre de véhicules chaque jour.
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Sur l'A31, à Zoufftgen, on en dénombre 70.000 à 80.000 chaque jour. Les routes secondaires ne sont pas en reste. La CCCE compte quatre «axes pénétrants» majeurs vers le Luxembourg : trois routes départementales passant par Volmerange (D58), Evrange (D653) et Mondorff (D1), avec respectivement 15.600, 9.700 et 8.700 véhicules par jour (comptage 2019 des services du département de la Moselle) ; une route communale à Zoufftgen, avec «4.000 à 6.000 véhicules par jour» selon Michel Paquet.
Voies de bus dédiées et gratuité
Aujourd'hui, les élus de la CCCE veulent avancer sur des projets de mobilité. Une réflexion liée tout d'abord à une dimension de sécurité routière : «Nos villages frontaliers sont traversés au moment où les enfants vont à l'école», explique le président. Selon les conditions de circulation, soit cela roule (trop) vite, soit cela bouchonne. L'autre dimension est environnementale : «Les pouvoirs publics incitent de plus en plus les gens à utiliser des moyens de transport partagés, que ce soit le train, le bus ou le covoiturage. Le problème des bus est qu'ils se retrouvent coincés dans le trafic des routes départementales».
Michel Paquet, président de la communauté de communes de Cattenom et environs © PHOTO: DR/CCCE
Aussi, la CCCE travaille sur un plan ambitieux, combinant la mise en place de voies de bus dédiées et la gratuité des transports. «Si on veut inciter les habitants de notre territoire, mais aussi ceux des intercommunalités situées plus au sud, jusqu'à Metz, à emprunter les transports en commun, il faut que ces transports leur fassent gagner du temps et de l'argent», résume Michel Paquet.
Divorce entre la CCCE et un syndicat mixte de transport
Pour lancer ce projet lié au transport, la communauté de communes de Cattenom et environs (CCCE) a pris, l'an passé, la compétence mobilité sur son territoire. Problème : 6 des 22 communes de la CCCE font partie du Smitu, le Syndicat mixte des transports urbains Thionville Fensch. Mais les élus de la CCCE estiment, depuis plusieurs années, que les services proposés par le Smitu ne répondent plus aux besoins de sa population et de ses communes, en grande majorité rurales et tournées vers le Luxembourg. La CCCE a donc voté son retrait du Smitu mais, sans rentrer dans les considérations légales et administratives, le divorce n'est pas aussi simple. «La CCCE va saisir le préfet de la Moselle dans les jours à venir, il aura un délai de deux mois pour se prononcer», explique Michel Paquet.
Pour gagner du temps, l'idée est donc d'aménager des voies de bus dédiées. «Le Luxembourg est bien équipé, côté français il n'y a rien. A la CCCE, nous avons débloqué un certain nombre de millions d'euros pour faire des voies dédiées aux bus sur les quatre à cinq derniers kilomètres des routes avant la frontière, (...) car le blocage se fait généralement dans cette bande.»
Vers Frisange d'abord
Le département s'est joint au dossier en tant que partenaire, pour réaliser ces voies. «On va commencer sur le tronçon Thionville/Hettange-Grande/Frisange», annonce Michel Paquet. Les relevés topographiques sont en cours. Il y a aussi, notamment, la question de l'emprise foncière à régler. Alors, à quand le démarrage des travaux ? «Si j'écoute les différents services, on me dit début 2026. En tant qu'élu, j'aimerais que ce soit en 2023 ou 2024.» Côté luxembourgeois, le projet est connu et accueilli favorablement.
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Concernant les autres «axes pénétrants» évoqués précédemment, une voie dédiée est envisageable via Mondorf. C'est exclu via la route communale de Zoufftgen, où aucun bus ne circule actuellement. Enfin, du côté de Volmerange, le projet urbain NeiSchmelz à Dudelange, sur les friches industrielles, rend l'opération plus compliquée. «Il serait bien que l'on puisse s'asseoir avec les élus de Dudelange, le département de la Moselle et l'administration des Ponts et Chaussées.»
Plutôt que les travailleurs frontaliers aillent chercher la gratuité à la frontière en traversant notre territoire en voiture, il faut proposer la gratuité a minima sur notre territoire.
Avec le temps, l'autre sujet est l'argent. D'où la volonté des élus de la CCCE de rendre les transports en commun gratuits, comme c'est le cas au Luxembourg. «Aujourd'hui, on s'aperçoit que des travailleurs frontaliers prennent leur voiture, traversent notre territoire et rejoignent les parkings P+R de Frisange ou autres, pour emprunter des bus gratuits.» L'idée de Michel Paquet est donc de proposer des bus gratuits et d'aménager des parkings P+R bien avant la frontière, au sud du territoire de la CCCE, pour réduire le trafic routier.
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Une expérimentation a d'ailleurs été menée en ce sens ces derniers mois, en collaboration avec l'Etat luxembourgeois et le ministère des Transports, avec un P+R à Roussy-le-Village puis des navettes gratuites. Le président de la CCCE espère une prolongation du dispositif, tout en souhaitant développer le modèle en parallèle. «Plutôt que les travailleurs frontaliers aillent chercher la gratuité à la frontière en traversant notre territoire en voiture, il faut proposer la gratuité a minima sur notre territoire», insiste Michel Paquet.
Pour les travailleurs frontaliers, mais pas seulement...
Avant de penser aux travailleurs frontaliers, Michel Paquet voit aussi un intérêt à développer un réseau de bus gratuits pour les habitants de la CCCE en général. «Parmi nos 22 communes, beaucoup sont de petits villages, à connotation rurale. Aujourd'hui, nous avons un problème de mobilité à la fois pour nos jeunes qui vont dans les collèges ou lycées vers Thionville ou ailleurs, pour nos personnes âgées qui veulent aller chez le médecin, à la pharmacie ou simplement aux courses.»
Mais qui financerait ces bus gratuits ? «Certains pensent que le Luxembourg devrait dédommager les intercommunalités pour rendre cette gratuité possible, parce qu'elles n'en ont pas les moyens ou pour d'autres raisons. Je n'ai pas envie de rentrer dans ce débat, j'ai envie qu'on avance. (...) Je suis prêt à ce qu'il y ait des P+R en bordure de notre territoire avec des bus gratuits.»
Tout est à construire. Mais, pour répondre aux attentes de nos habitants, nous voulons construire ça vite.
Il faut aussi dire que la CCCE, avec la présence de la centrale nucléaire de Cattenom sur son territoire, bénéficie de retombées financières qui pourraient lui permettre de mettre en place cette gratuité. «On est en capacité de le faire. Mais si on le fait, on ne fera pas d'autres choses», nuance tout de même Michel Paquet.
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La communauté de communes de Cattenom et environs souhaite associer à ce projet de mobilité sa voisine du Bonzonvillois-Trois Frontières. Un courrier a été envoyé en ce sens, une réponse est encore attendue. «Tout est à construire. Mais, pour répondre aux attentes de nos habitants, nous voulons construire ça vite», conclut Michel Paquet.