Des trains plus rapides sur la ligne Bruxelles-Luxembourg
Infrabel a inauguré ce vendredi, en présence des deux ministres de la Mobilité belge et luxembourgeois, un tronçon réélectrifié de 66 km sur l'Axe 3. Les travaux de modernisation avaient notamment pour but d'augmenter la vitesse des trains.
Les trains vont pouvoir circuler à 160 km/h sur la ligne 162, au lieu de 130 km/h comme c'était le cas jusqu'à présent. © PHOTO: Anouk Antony
Entamé en 2007, le titanesque chantier de modernisation de l'Axe 3 «Bruxelles-Luxembourg» avance à petits pas. Une nouvelle étape a été franchie en ce mois d'août, avec la fin de la première phase des travaux de réélectrification d'un tronçon de 66 km sur la ligne 162 «Namur-Arlon/frontière», plus spécifiquement la partie entre Hatrival (Saint-Hubert) et la frontière luxembourgeoise (Barnich).
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Ce vendredi matin était un moment historique «pour le rail au sud de la Belgique», comme l'a souligné Benoît Gilson, CEO d'Infrabel, le gestionnaire du réseau ferroviaire belge. Les ministres de la Mobilité belge et luxembourgeois avaient fait le déplacement pour l'occasion, entouré de plusieurs députés wallons et élus locaux.
Point d'orgue de la matinée, ils ont remis sous tension le tronçon de 66 km tout juste réélectrifié. Le basculement du 3.000 volts continu au 25.000 volts courant alternatif, comme le Luxembourg en est déjà équipé depuis 2018, sera en réalité effectif ce lundi 29 août à l'aube.
Une caténaire mixte
Une ligne de près de 200 km
La ligne «Bruxelles-Luxembourg» est composée du côté luxembourgeois de la ligne 50 qui va de Luxembourg à Kleinbettingen, une ligne d'une longueur de 18 km, et de l'Axe 3 ferroviaire belge, qui s'étend de la bifurcation de Louvain-la-Neuve jusqu'à Arlon, soit sur une distance de 175 km.
Le choix d'une alimentation de la caténaire en 25.000 volts a été posé en 2010. Cette nouvelle caténaire est une prouesse d'ingénierie, comme s'en est félicité le CEO d'Infrabel. Mixte, elle peut passer rapidement d'une tension à l'autre, ce qui a permis de limiter l'impact sur le trafic du renouvellement des installations électriques durant le chantier. Mais si elle peut supporter les deux tensions, ce sera le 25.000 volts qui sera désormais utilisé. «Une caténaire mixte qui permet de passer d’une tension à une autre sur une aussi longue distance, cela n'avait encore jamais été réalisé en Europe», a tenu à rappeler Benoît Gilson.
Les travaux pour installer la caténaire et ses équipements, entamés le 6 août dernier, ont nécessité la coupure totale de la ligne 162 entre les gares de Libramont et d'Arlon durant trois semaines.
Beaucoup de moyens humains et techniques ont été nécessaires à l'entreprise TUC Rail, une filiale d'Infrabel, pour réussir la prouesse de finaliser le chantier sur un délai aussi court. Au total, une centaine de personnes, quatre locomotives et six engins de type «rail-route» ont été mobilisés 24h/24, pour remplacer les câbles, mais aussi tous les autres composants qui viennent alimenter les trains.
Plusieurs avantages
Les avantages de disposer d'une puissance de 25.000 volts au lieu de 3.000 sont nombreux. Non seulement cela va permettre d'augmenter le trafic des trains, mais aussi la charge de ceux-ci. Trois à quatre trains pourront désormais circuler simultanément et des trains plus longs pourront se suivre de manière beaucoup plus rapprochée.
La nouvelle caténaire, plus robuste, fera également baisser la facture énergétique de 6%. Et les coûts d'entretien des postes de 25kV sont aussi moins élevés puisqu'il n'y en aura plus que deux au lieu des huit actuels.
La nouvelle sous-station 25.000 volts de Heinsch (Arlon) inaugurée ce vendredi. © PHOTO: Anouk Antony
Les deux ministres ont souligné l'importance de cette étape du chantier pour le rapprochement des deux capitales européennes. En effet, l'ensemble des travaux entrepris ont aussi pour objectif de réduire le temps de trajet entre Bruxelles et Luxembourg de plus de 20 minutes, en augmentant la vitesse sur l'Axe 3, pour atteindre une vitesse de référence fixée à 160 km/h, au lieu de 130 km/h actuellement. Même si les navetteurs, eux, ne verront pas vraiment la différence au niveau du confort de leur trajet puisque le changement de tension ne se fait rarement sentir lorsqu'on est installé à bord du train, comme nous avons pu le constater ce vendredi lors d'un ultime test entre Heinsch et Arlon.
«La Commission va devoir faire plus»
Des chantiers d'une telle ampleur que celui de l'Axe 3 nécessitent des investissements très conséquents. Début 2021, le ministre belge Georges Gilkinet et son homologue luxembourgeois avaient lancé un appel commun à la Commission européenne afin de mobiliser des financements pour le chantier de la ligne «Bruxelles-Luxembourg». Cet appel, le ministre luxembourgeois de la Mobilité, et «une demi-douzaine d'autres ministres européens» continuent de le relancer régulièrement. «Si on veut relier toutes les capitales européennes en train avec des liaisons de qualité, il faudra que la Commission européenne aide beaucoup plus à faire en sorte que les investissements se fassent», argumente-t-il. «Ces investissements de grande ampleur, il n'y a que le secteur public qui puisse le faire».
Cet objectif devrait être pleinement atteint en 2029, après la seconde phase des travaux de réélectrification, qui se focaliseront cette fois sur un tronçon de 85 km entre Hatrival et Jambes (Sud de Namur). «Nous devons garder le cap pour qu'en 2029, on puisse rallier Luxembourg depuis Bruxelles en 2 heures avec des trains express et en 2h30 avec des trains normaux», a commenté François Bausch lors de la conférence de presse d'inauguration du poste 25kV de Heinsch. «Il y a une grande attente du côté des frontaliers belges. Ils ont assez attendu». Les deux ministres ont rappelé que la réalisation de ces travaux «est une étape primordiale dans la modernisation de l'axe ''Bruxelles-Luxembourg'', qui va offrir également d'autres possibilités vers la France».
Pourquoi ne pas par exemple prolonger certains trains CFL vers Stockem, au-delà d'Arlon?
Le ministre de la Mobilité luxembourgeois a aussi voulu mettre en avant, comme son homologue belge, l'amélioration de l'interopérabilité transfrontalière apportée par ce projet. «Il faut utiliser cette modernisation pour voir ce qu'on peut faire afin d'améliorer la mobilité transfrontalière. Cela ouvre des perspectives à court et moyen terme. Pourquoi ne pas par exemple prolonger certains trains CFL vers Stockem, au-delà d'Arlon? La majorité des frontaliers belges proviennent de la région. Et s'ils peuvent prendre un train plus près de chez eux pour se rendre à leur travail au Luxembourg, ce sera un vrai plus pour eux».
François Bausch a expliqué que le sujet avait déjà été évoqué avec les CFL. Il doit encore l'être avec la SNCB, Infrabel et le ministre belge Georges Gilkinet. « Au sein du gouvernement, je vais soutenir le fait de disposer d'enveloppes supplémentaires pour mettre plus de trains sur cette ligne», a-t-il ajouté.
S'il faudra donc attendre encore un peu avant que Bruxelles ne soit plus qu'à 2h de train de Luxembourg, les deux ministres de la Mobilité partagent une vision commune: continuer à investir dans le réseau ferroviaire pour faire en sorte que le train devienne la «colonne vertébrale» de la mobilité des années futures.
Au total, le budget total de ces travaux s'élève à près de 150 millions d'euros, dont une trentaine de millions provenant de fonds européens.
Créer plusieurs P+R plus petits au lieu d'une grande infrastructure?
La proposition du ministre de la Mobilité luxembourgeois de prolonger les trains CFL plus loin qu'Arlon est aussi un appel du pied pour sortir du placard le dossier du P+R de Viville, enterré par le ministre Gilkinet mais que le Luxembourg aimerait pourtant toujours voir se concrétiser. «À l'époque, on parlait d'un projet de plusieurs milliers de places de parking à Viville. Je comprends qu'il y ait eu des craintes que cela génère énormément de trafic à cet endroit», réagit François Bausch.
Il avance une autre piste de solution: «Il faudrait créer non pas 3.000 ou 5.000 places à un endroit mais peut-être redistribuer ces places sur différents arrêts et essayer de voir si les CFL ne pourraient pas mettre en place des trains qui pourraient récupérer les frontaliers de la région à Stockem. C'est quelque chose qu'on peut tout à fait mettre en œuvre. Cela profitera au Grand-Duché, car ces personnes travaillent chez nous, mais aussi à la Belgique, puisque ce sont des résidents belges».