En Moselle, les grévistes ne relâchent pas la pression
Une opération "péage gratuit" a eu lieu ce matin au péage de Saint-Avold, sur l'autoroute A4 en Moselle. Une action de plus pour protester contre la réforme des retraites, même adoptée. La mobilisation des syndicats se poursuit.
Les manifestants de l'intersyndicale de Moselle prennent la direction du péage de Saint-Avold, ce mardi matin, pour une opération "péage gratuit" sur l'A4. © PHOTO: virgule.lu/Pascal Mittelberger
Comment rendre un automobiliste mosellan heureux de bon matin? En lui faisant économiser 4,70 euros de péage! Forcément, l'opération de levée des barrières de la gare de péage de Saint-Avold, sur l'autoroute A4 ce mardi matin, a été plutôt bien accueillie malgré les petits ralentissements qu'elle a provoqués. L'action était organisée par l'intersyndicale de la Moselle, à Saint-Avold donc, mais aussi au péage de Sainte-Marie-aux-Chênes, près de Metz.
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Malgré l'adoption de la réforme des retraites - avec le recours à l'article 49.3 de la Constitution jeudi dernier puis le rejet des motions de censure des oppositions ce lundi, la lutte continue, et c'est clairement le message que veulent faire passer les syndicats. En attendant une nouvelle grande journée de mobilisation dans la rue, ce jeudi 23 mars, des actions plus ciblées sont menées.
En Moselle, cela se traduit par la grève reconductible des cheminots. Il y a aussi le débrayage des agents de la centrale de Cattenom, le piquet devant le dépôt de bus de Metz ce lundi et donc, ce mardi, l'opération «péage gratuit» sur l'A4.
Nous sommes dans une logique de blocage de l'économie.
A Saint-Avold, l'intersyndicale s'est donné rendez-vous à 7h, à deux pas de l'entrée de l'autoroute. Un rassemblement coloré: le rouge de la CGT et de FO, l'orange de la CFDT, le bleu de la CFTC, le blanc de la FSU, le fluo de quelques Gilets jaunes ou encore le rose de Solidaires-Sud. Patrice Laurrin est le porte-parole de ce dernier syndicat. «Nous sommes dans une logique de blocage de l'économie», lance-t-il. Et ce n'est pas le rejet de la motion de censure, lundi, qui va calmer son ardeur. «Mais la colère provient davantage de l'usage du 49.3, et de ce passage en force du gouvernement depuis le début, avec l'inclusion de cette réforme des retraites dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale et le débat accéléré qui en a découlé.»
La «brutalité» et «l'arrogance» d'Emmanuel Macron
L'impression que l'opinion publique n'est ni écoutée ni considérée est évidemment prégnante chez les manifestants. «Il y a de la colère contre la réforme et contre la manière, résume Alexandre Tott, secrétaire général FO Moselle. Quand il a été réélu, Emmanuel Macron a dit qu'il allait changer de méthode, discuter, concerter. La réalité n'a jamais été celle-là. Il y a plutôt une forme de brutalité et d'arrogance de sa part.»
Avec le 49.3, on est entrés dans une phase de radicalité.
A 7h10, le groupe de manifestants prend la direction du péage. Une fois sur l'autoroute, quelques gendarmes tentent brièvement de s'interposer, en vain. Christian Porta, mégaphone en main, passe le maigre cordon sans même ralentir le pas. «Avec le 49.3, on est entrés dans une phase de radicalité. Aujourd'hui, l'objectif est clairement de durcir nos actions et de bloquer l'économie. C'est le seul moyen de gagner.» Il y a donc les blocages de raffineries ailleurs en France, des dépôts de transports en commun aussi, des incinérateurs de déchets en région parisienne. «Ce sont des actions qui visent des intérêts économiques. Ici à Saint-Avold, on veut toucher la Sanef, qui gagne énormément d'argent avec les autouroutes», indique Patrice Laurrin.
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Des coups de klaxon en guise de soutien
A 7h15, le cortège - plus d'une cinquantaine de manifestants - lève les barrières et distribue des tracts. L'opération est saluée par des coups de klaxon des automobilistes sur le chemin du travail et chauffeurs routiers qui passent sans payer. Un soutien apprécié. «Même si ce serait encore mieux s'ils venaient tous manifester avec nous...», souffle un militant. «Mais ce n'est pas forcément facile pour tous les salariés, beaucoup ont des salaires de misère», tempère Jean-Claude, un retraité de la mine et de la chimie, mobilisé «pour les jeunes».
Kathia tend une petite urne aux automobilistes. C'est la caisse de grève. © PHOTO: virgule.lu/Pascal Mittelberger
A une barrière levée, on retrouve Kathia, Gilet jaune de la première heure et sympathisante La France Insoumise. Elle tend une petite urne aux automobilistes qui passent. Une caisse de grève, pour soutenir le mouvement. Certains s'arrêtent et glissent une petite pièce. Quand on lui parle de sa retraite, Kathia a la mine déconfite. «Je n'ai même pas envie de calculer. J'ai une carrière tellement hachée, et je suis actuellement sans emploi. Je n'attends rien de la retraite, je sais que je n'aurai pas grand-chose.»
Rendez-vous jeudi après-midi à Metz
Pour autant, Kathia et les autres manifestants ne sont pas résignés. Bien au contraire. Beaucoup ont dans le viseur Elisabeth Borne et, plus encore, Emmanuel Macron. «Le recours au 49.3 a renforcé notre conviction que ce gouvernement n'est plus légitime», tranche Ludovic, militant Solidaires-Sud. «Faire tomber le gouvernement n'est pas notre problème», nuance tout de même Alexandre Schwartz, délégué syndical central CFDT chez TotalEnergies. «Notre objectif premier, c'est de faire tomber cette réforme, très largement rejetée par la population. Nous continuons à nous mobiliser pour cela.» A Saint-Avold ce mardi matin. Mais surtout à Metz ce jeudi 23 mars, pour une nouvelle grande manifestation, à 14h.