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Le maire de Forbach veut rapprocher sa ville du Luxembourg

Regarder vers le Luxembourg et plaider pour un renforcement des liens transfrontaliers, c'est courant pour un élu du sillon mosellan. Cela l'est moins dans l'Est du département, plutôt tourné vers la Sarre. C'est pourtant le cas du maire de Forbach.

Lors de la campagne des élections municipales de 2020, Alexandre Cassaro visait déjà un rapprochement avec le Luxembourg dans son programme. Elu maire, son idée n'a pas changé.

Lors de la campagne des élections municipales de 2020, Alexandre Cassaro visait déjà un rapprochement avec le Luxembourg dans son programme. Elu maire, son idée n'a pas changé. © PHOTO: Pascal Mittelberger

Conseiller régional depuis 2016, élu maire de Forbach -4e ville de Moselle- voilà deux ans, Alexandre Cassaro, 33 ans, fait des relations transfrontalières une de ses priorités. Si la commune d'un peu plus de 21.000 habitants regarde naturellement vers la Sarre limitrophe, lui souhaite aussi tisser des liens avec le Luxembourg, distant d'une centaine de kilomètres.

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Une position plutôt rare en Moselle-Est, mais révélatrice de l'attrait économique du Grand-Duché jusque dans cet ancien bassin industriel où la question de l'emploi préoccupe depuis la fermeture des mines de charbon voilà 20 ans. «Nous remarquons un phénomène croissant : de plus en plus de nos concitoyens, notamment les jeunes, sont attirés par le marché de l'emploi au Luxembourg», confirme d'ailleurs l'élu. «Il est plus souple, les salaires y sont meilleurs.»

Une meilleure liaison pour éviter la perte d'habitants

S'il peut difficilement lutter contre cette tendance, le maire souhaite néanmoins qu'elle ait un impact limité sur la démographie de sa commune et, au-delà, de l'agglomération de Forbach. «A un moment donné, ces travailleurs frontaliers peuvent être fatigués par les allers-retours quotidiens et quittent donc notre territoire pour s'installer dans le nord du département, généralement le bassin de Thionville.» L'objectif est de retenir ces actifs.

Comment ? « Le premier projet auquel nous avons pensé concerne le transport ferroviaire et consiste à développer une desserte quotidienne directe entre la Moselle-Est et le Luxembourg (sans passer par Metz, NDLR) car l'infrastructure existe déjà, à savoir une double voie électrifiée qui n'est utilisée, aujourd'hui, que pour du fret.» Ce projet, soutenu par le président du département de la Moselle Patrick Weiten mais aussi par le Land de Sarre, va faire l'objet d'une étude de faisabilité portée par l'Eurodistrict SaarMoselle.

Qui veut se jumeler ?

Dans sa stratégie de renforcement des liens avec le Luxembourg, Alexandre Cassaro souhaite, avant la fin de son mandat en 2026, établir un jumelage entre sa ville et une commune du Grand-Duché, comme cela est déjà le cas depuis plus d'un demi-siècle avec Völklingen, en Sarre. «Ce serait une bonne manière de multiplier les échanges entre les habitants», plaide-t-il. Quelques contacts ont été noués mais n'ont pas abouti. L'appel du pied est toujours d'actualité. Le maire de Forbach résume son idée directrice : «Je suis profondément européen et l'Europe de demain ne se construira pas seulement à Bruxelles. Elle le fera aussi par la multiplication des coopérations transfrontalières à l'échelle des territoires.»

Alexandre Cassaro connaît bien ce sujet pour avoir commandé, dès 2016 en tant que conseiller régional, un diagnostic, uniquement technique, sur cette possible liaison ferroviaire. «Il a mis en avant un certain nombre de contraintes, indique-t-il, mais qui peuvent toutes être levées : la proximité de la plateforme pétrochimique de Carling/Saint-Avold, des portions limitées à 80 km/h, un engorgement à l'entrée de la gare centrale du Luxembourg.»

L'addition des actions qui peuvent être menées depuis la Moselle-Est envers le Grand-Duché peut créer un lien de confiance.
Alexandre Cassaro, maire de Forbach

La question du potentiel de voyageurs ou de la rentabilité commerciale n'a pas été abordée dans ce diagnostic mais, Alexandre Cassaro l'assure, «le président de la région Grand Est (compétente en matière d'organisation des trains express régionaux, NDLR) Jean Rottner porte un intérêt tout particulier» à cette solution. Côté luxembourgeois, elle laisse de marbre. «Mais l'addition des actions qui peuvent être menées depuis la Moselle-Est envers le Grand-Duché peut créer un lien de confiance», estime le maire de Forbach.

Malgré la distance, l'attractivité du Luxembourg persiste

Cette volonté de rapprochement avec le Luxembourg, Alexandre Cassaro l'a annoncée et explicitée pendant la campagne des élections municipales de 2020, qu'il a finalement remportées. Mais depuis, la pandémie de covid-19 est passée par là avec pour conséquence, parfois, une modification du rapport au travail de la part de ces actifs. Concrètement, faire un trajet aussi long, que ce soit en train ou en voiture, pour aller travailler au Luxembourg est-il toujours aussi bien accepté ?

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Le maire de Forbach n'en doute pas, et développe : «L'argument sur les efforts à produire pour aller travailler est peut-être vérifiable ailleurs en France. Par exemple, si j'habite en grande banlieue parisienne, suis-je prêt à mettre autant de temps de trajet pour aller travailler au centre de Paris ? Ici, s'agissant du Luxembourg, le problème se pose moins car, en contrepartie, on a l'assurance d'avoir un salaire plus intéressant.»

L'économie dans un sens, le tourisme dans l'autre

Si Alexandre Cassaro aspire à davantage de liens avec le Luxembourg, c'est aussi parce qu'il y voit un potentiel touristique pour Forbach et l'Est-Mosellan. «L'atout de notre territoire est son positionnement géographique, au cœur de l'Europe, juste à côté de la Sarre et à seulement une heure du Luxembourg. (...) Nous avons un patrimoine naturel, historique, industriel, culturel à mettre en valeur et nous devons donc favoriser les échanges. »

D'ailleurs, avec ses casquettes de président du conseil de surveillance des hôpitaux de Forbach/Saint-Avold et de conseiller régional, Alexandre Cassaro est aux premières loges de ce phénomène d'attractivité malgré la distance. «Tous les jours, j'entends des directeurs d'hôpitaux me dire qu'ils ont du mal à recruter ou retenir des infirmières car elles préfèrent aller au Luxembourg. Tout comme j'entends des compagnies de transport me dire qu'ils ont du mal à recruter des chauffeurs de bus car ils préfèrent aller au Luxembourg.»

Défenseur du télétravail

Néanmoins, le souhait de ces salariés à aspirer à un meilleur équilibre entre vies familiale et professionnelle est une réalité de plus en plus prégnante. Aussi, le maire de Forbach plaide pour une solution qui lui permettrait de garder ces travailleurs frontaliers sur son territoire : davantage de télétravail pour celles et ceux qui le peuvent.

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Le sujet fait justement débat au Luxembourg en ce moment, depuis que les quotas sont à nouveau entrés en vigueur le 1er juillet dernier. Pour argumenter, le maire de Forbach ne place pas le curseur sur l'aspect fiscal, mais sur d'autres domaines. «Le télétravail de manière partielle a beaucoup de bienfaits, pour le salarié, pour la société en général car il y a moins de pollution engendrée par les déplacements, mais aussi pour l'entreprise qui peut réaliser des économies d'énergie immédiatement et, sur le moyen et long terme, des économies foncières

Les récentes pétitions lancées pour réclamer une augmentation du nombre de jours de télétravail ont donc trouvé un allié supplémentaire, en Moselle-Est.

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