Virgule
Liaison ferroviaire

Rapprocher Sarrebruck de Luxembourg... via Metz

Pour le ministre de la Mobilité François Bausch, une liaison ferroviaire entre Sarrebruck et Luxembourg via Metz est envisageable d'ici 2035. On fait le point sur ce dossier réaliste mais compliqué.

Une liaison Sarrebruck-Luxembourg via Metz est possible. Mais pour qu'elle devienne attractive, il ne faut pas changer de train à Metz, réduire le nombre d'arrêts et harmoniser les matériels.

Une liaison Sarrebruck-Luxembourg via Metz est possible. Mais pour qu'elle devienne attractive, il ne faut pas changer de train à Metz, réduire le nombre d'arrêts et harmoniser les matériels. © PHOTO: Photo d'illustration: Lex Kleren

Une liaison ferroviaire entre Sarrebruck-Luxembourg? C'est oui! Mais la bonne question serait plutôt: par où? Et c'est là que ce projet se heurte à un certain nombre d'obstacles, pour l'instant.

Lire aussi :Le Sillon lorrain espère voir son RER financé par l'Etat

Actuellement, la seule solution de transport en commun pour relier directement la capitale du Land de Sarre à celle du Grand-Duché est le bus. La ligne 40 «Saarbrücken-Express» des CFL permet d'effectuer le trajet, sur le papier et dans de bonnes conditions de circulation, en 1h15 entre les gares centrales des deux villes, sans arrêt. Les bus -un par heure en moyenne- empruntent essentiellement les autoroutes A620 côté sarrois et A13 côté luxembourgeois. C'est-à-dire, pour faire simple, en longeant la frontière française.

Un tracé parallèle en train n'existe pas et ne peut se faire, en raison, notamment, du manque d'emprise foncière et du relief, très vallonné. Aussi, des alternatives ont déjà été étudiées. «En 2021-2022, le gouvernement du Land de Sarre a étudié, en collaboration avec le Zweckverband Schienennahverkehr Rheinland-Pfalz Nord, les CFL et le ministère luxembourgeois de la Mobilité, les concepts d'exploitation possibles pour une liaison ferroviaire continue entre Sarrebruck, Konz et Luxembourg. Les études ont toutefois révélé des restrictions en matière d'infrastructure et d'horaires qui empêchent la mise en œuvre», fait savoir le ministère de l'Environnement et de la Mobilité sarrois.

Améliorer la liaison Sarrebruck-Luxembourg via Metz

Une autre alternative existe, sur laquelle Sarrois et Luxembourgeois fondent des espoirs: passer par la France, plus précisément par Metz. La semaine dernière, sur les ondes de nos confrères de la Saarländischer Rundfunk (SR), le ministre de la Mobilité luxembourgeois François Bausch a remis une pièce dans la machine. Pour lui, le projet devrait être réalisable d'ici 2035.

Lire aussi :Quand la SNCF va-t-elle sortir les rames ?

Dans les faits, cette liaison Sarrebruck-Luxembourg via Metz existe déjà. Mais elle nécessite de changer de train à Metz. Dans le meilleur des cas, quand le temps de correspondance n'est pas trop long, il faut tout de même compter pas loin de deux heures pour effectuer le trajet. Pas de quoi concurrence le bus en l'état.

Le plan est qu'une telle liaison puisse se faire un jour sans devoir changer de train.
Ministère de la Mobilité luxembourgeois

L'idée sous-jacente est donc d'améliorer les infrastructures, le matériel et le cadencement pour réduire ce temps de trajet et rendre la liaison attractive. «Le plan est qu'une telle liaison puisse se faire un jour sans devoir changer de train», confirme le ministère de la Mobilité, sollicité par Virgule.lu. Cela passe par une technologie harmonisée et uniforme «car le matériel roulant devrait directement couvrir la technologie couvrant les trois réseaux (alimentation caténaire, système de sécurité, homologation, etc.). Le Luxembourg espère avancer avec ses voisins sur un tel projet pour 2035 et bien entendu avant si cela est possible».

Le temps de trajet doit être intéressant

Il y a aussi la problématique du nombre de haltes, car plus il y a d'arrêts en gares, plus le temps de trajet s'allonge. «Un train entre Sarrebruck et Luxembourg via Metz devra s’arrêter sur quelques grandes agglomérations, voire pôles d’échanges, de telle manière que ce train puisse également jouer son rôle de TER sur le sillon lorrain entre Metz et le Luxembourg, tout en garantissant un temps de trajet intéressant pour relier les trois villes», poursuit-on au ministère.

Il faut avant tout investir de l'argent dans les réseaux ferroviaires du côté français et luxembourgeois.
Ministère de la Mobilité sarrois

Côté sarrois, cette vision des choses trouve un bon écho, mais on met aussi en exergue le coût d'un tel projet: «Pour augmenter les capacités sur les lignes existantes, il faut avant tout investir de l'argent dans les réseaux ferroviaires du côté français et luxembourgeois. C'est un problème qui ne peut pas être résolu uniquement par la Sarre», indique-t-on au ministère de l'Environnement et de la Mobilité à Sarrebruck.

Les ministres se rencontreront en mars à Luxembourg

Les discussions vont se poursuivre dès le mois de mars, lors de la conférence Mobil-Lux 2023 à Luxembourg. François Bausch s'y entretiendra avec son homologue Petra Berg. «À cette table ronde, seront également présents des représentants français. Mais en attendant, des échanges ont déjà eu lieu avec nos homologues allemands et français au niveau politique et le Luxembourg va continuer ces prochains mois à discuter de ces liaisons transfrontalières», souligne le ministère de la Mobilité luxembourgeois.

Lire aussi :TER: «On nous vend du rêve, au final c'est de pire en pire»

Au centre de ce projet, il y a donc la France, et plus particulièrement la région Grand Est. La collectivité territoriale, et la SNCF, ont déjà lancé des travaux de modernisation des infrastructures pour améliorer le cadencement des TER sur le sillon lorrain. Le tronçon Sarrebruck-Metz doit aussi faire l'objet d'investissements pour améliorer la qualité du service. L'idée de François Bausch semble donc, sur le papier, réalisable.

Le liaison alternative par Bouzonville ne fait pas l'unanimité

Mais elle pourrait bien se faire au détriment d'un autre projet, pour lequel le ministre de la Mobilité a toujours fait part de sa réticence: une liaison Sarrebruck-Luxembourg en contournant Metz, en empruntant la ligne ferroviaire Béning-Bouzonville-Thionville, empruntée uniquement par des trains de marchandises aujourd'hui.

Cela correspondrait à une réouverture de ligne, avec des coûts importants aussi bien en investissements de matériels qu'en exploitation.
Brigitte Torloting, vice-présidente du Grand Est, à propos du tracé par Bouzonville

Une étude de faisabilité pour la réouverture de ce tronçon au transport de voyageurs doit être portée par le département de la Moselle. Le Land de Sarre garde aussi un œil sur cette option tandis que la région Grand Est, sans aller jusqu'à la réticence affichée par François Bausch, fait preuve de prudence sur ce sujet: «Cela correspondrait à une réouverture de ligne, avec des coûts importants aussi bien en investissements de matériels qu'en exploitation», soulignait Brigitte Torloting, vice-présidente du Grand Est, sur notre site en juin dernier, rappelant que «les actions prioritaires entre France et Allemagne sont, à l'horizon 2024, le renforcement des liaisons Metz-Sarrebruck et Metz-Trèves.»

Lire aussi :«Tout est fait pour que les usagers s'énervent»

Si elle n'a encore rien d'officiel, c'est donc bien la liaison directe Sarrebruck-Luxembourg via Metz qui semble tenir la corde. Mais 2035, c'est loin! Et pour l'heure, c'est toujours le bus qui reste le plus pratique pour relier la capitale sarroise à celle du Grand-Duché, aussi bien en temps qu'en termes de tarifs.

Sur le même sujet

Sur le même sujet