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Mobilité

Routes «sclérosées» vers le Luxembourg: les chiffres d'une galère quotidienne

La communauté de communes de Cattenom et environs a dressé une carte du trafic routier, avec l'évolution de la circulation entre 2017-2018 et 2023. Les chiffres sont édifiants, mais doivent surtout servir pour mener des projets de mobilité.

Parmi les projets pour désengorger le trafic routier, il y a la réalisation d'une voie dédiée aux bus sur la route entre Hettange-Grande et la frontière à Evrange/Frisange.

Parmi les projets pour désengorger le trafic routier, il y a la réalisation d'une voie dédiée aux bus sur la route entre Hettange-Grande et la frontière à Evrange/Frisange. © PHOTO: virgule.lu/Pascal Mittelberger

Il y a les constats au quotidien, ces ralentissements et ces bouchons qui s'étirent parfois sur des kilomètres, bien avant la frontière avec le Luxembourg. Mais des projets de mobilité ne se lancent pas avec des impressions, des estimations faites au doigt mouillé. Alors la communauté de communes de Cattenom et environs (CCCE) a désormais des chiffres, précis. Des comptages du trafic routier sur les axes qui traversent son territoire et qui drainent, chaque matin et chaque soir, des dizaines de milliers de travailleurs frontaliers.

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On ne parle pas ici de l'A31, autoroute congestionnée. Mais bien des routes départementales et communales qui mènent au Grand-Duché et qui, pour certaines, sont «sclérosées», dixit Michel Paquet, maire de Zoufftgen et président de la CCCE. Une réalité que de nombreux travailleurs frontaliers ne connaissent que trop bien. «Une des priorités de ce mandat est de régler le problème de la mobilité sur notre territoire. Depuis plusieurs années, nous effectuons des comptages pour comparer les situations et voir les évolutions», poursuit l'élu.

70.000 véhicules par jour dans Hettange-Grande selon le maire

Plus exactement, la société Iris Conseil a effectué ces relevés, en 2017-2018 puis à nouveau en 2023. «Nous avons placé différents types de radars le long des routes, pendant une semaine, pour compter le nombre de véhicules», explique l'ingénieur en charge de cette étude. Ces radars ont aussi permis de distinguer voitures et utilitaires, poids lourds et deux-roues.

La carte du trafic sur le territoire de la communauté de communes de Cattenom et environs.

La carte du trafic sur le territoire de la communauté de communes de Cattenom et environs. © PHOTO: Illustration: DR/CCCE/Iris Conseil

Que disent ces chiffres? Sans grande surprise, ils traduisent, statistiquement, la saturation du réseau routier sur les axes menant au Luxembourg. Voici quelques exemples. A Hettange-Grande, la route qui vient de Thionville via Maison Rouge (D653) voit passer chaque jour 13.500 véhicules. A ceux-là s'ajoutent, une fois dans l'agglomération 4.300 véhicules qui viennent de Garche et 5.600 qui viennent d'Elange.

Au volant, les gens sont angoissés, énervés. Il y a des comportements irrationnels, des personnes qui roulent sur les trottoirs.
Roland Balcerzak, maire de Hettange-Grande

Il n'y a pas de données précises quant à la circulation totale à Hettange-Grande chaque jour. «Mais je l'estime à 70.000», lance son maire Roland Balcerzak, également vice-président de la CCCE en charge de la politique mobilité. Pour une commune de 7.750 habitants. «Les chiffres sont une chose, le vécu en est une autre, souligne l'élu. Dans ma commune, chaque matin, je dois mettre les feux aux clignotants» pour fluidifier le trafic. «Au volant, les gens sont angoissés, énervés. Il y a des comportements irrationnels, des personnes qui roulent sur les trottoirs», raconte Roland Balcerzak. «Et au même moment, des gamins vont à l'école», enchaîne Michel Paquet.

Des chemins communaux de plus en plus fréquentés

Hettange-Grande n'est pas un cas isolé. A Mondorff, la rue principale du village frontalier de Mondorf-lès-Bains voit passer, quotidiennement, 10.300 véhicules. A Evrange, juste avant Frisange, le chiffre est similaire. A Volmerange-les-Mines, il y en a 14.300 chaque jour sur l'axe qui mène à Dudelange. Et il n'y a pas que les routes départementales qui sont sur-fréquentées. Certains chemins communaux, parfois étroits et où il est difficile de se croiser, le sont aussi. Par exemple la petite route qui serpente entre Zoufftgen et Dudelange voit passer 5.580 véhicules par jour.

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Si, d'un point de vue comptable, Iris Conseil qualifie l'évolution globale du trafic entre 2017-2018 et 2023 de «contenue et modérée», «les axes structurants restent chargés», poursuit-on. Surtout, on remarque que les automobilistes sont de plus en plus nombreux à opter pour des itinéraires alternatifs, par de petites routes. Quitte à rallonger leur trajet, ils préfèrent avancer que d'être bloqués. Les applications type Waze ne sont pas étrangères à ce phénomène, même si ces chemins communaux ne sont pas forcément faits pour supporter un tel trafic, du point de vue de la capacité et de la sécurité.

Une voie dédiée aux bus et un réseau de transport efficace

Ce constat chiffré effectué et cette étude posée, que faire? Pour le président et le vice-président de la CCCE, cette carte du trafic sur le territoire doit servir d'argument fort pour initier ou concrétiser des projets de mobilité.

En premier lieu, il y a l'aménagement d'une voie réservée aux bus sur la route entre Hettange-Grande et la frontière à Evrange/Frisange, via Roussy-le-Village et son P+R. Ce dossier est plutôt bien engagé. En effet, mardi prochain, 4 avril, le président du conseil départemental de la Moselle, Patrick Weiten, viendra dans les locaux de la CCCE, à Cattenom, pour acter ce projet. On devrait alors en savoir plus sur le calendrier de réalisation, qui dépend notamment des emprises foncières déjà disponibles le long de la route et des terrains qu'il faudrait racheter.

La CCCE fonde aussi de gros espoirs sur le réseau de transport en commun qu'elle veut développer. Mais d'abord, l'intercommunalité doit pouvoir sortir du Smitu, le syndicat mixte des transports urbains de Thionville, avec qui elle est en conflit. Le tribunal administratif se penche actuellement sur cette épineuse question. «Dès que nous aurons récupéré cette compétence sur les transports, nous proposerons une offre rapide et fiable sur le territoire. Et si on veut faire baisser le trafic, il faudra que ce réseau soit gratuit», explique Michel Paquet.

«Travailler en bonne intelligence» avec le Luxembourg

Et puisque l'on parle de bus gratuits, cela mène tout naturellement au Grand-Duché. «Après les élections du mois de juin, nous irons voir les élus luxembourgeois des communes frontalières, car les problématiques sont liées. Quand ça sature à Volmerange, ça sature aussi à Dudelange. Nous irons donc à leur rencontre, avec les données chiffrées dont nous disposons désormais, pour voir comment nous pouvons travailler ensemble, en bonne intelligence», explique le président de la communauté de communes de Cattenom et environs, territoire qui s'étire tout le long de la frontière franco-luxembourgeoise, de Dudelange à Schengen.

La CCCE a l'argent nécessaire pour être le partenaire du conseil départemental de la Moselle ou du Luxembourg.
Michel Paquet, président de l'intercommunalité

Michel Paquet pense notamment au projet de réhabilitation des friches industrielles à Dudelange, qui aura forcément un impact sur la mobilité des 70 à 80% des travailleurs frontaliers du territoire de la CCCE, selon les communes. «Aujourd'hui, nous n'avons pas ces échanges, regrette-t-il. Il faut qu'ils existent dans le futur, ''en direct''». Le président de l'intercommunalité lance un dernier argument qui peut faire mouche : «La CCCE a l'argent nécessaire pour être le partenaire du conseil départemental de la Moselle ou du Luxembourg sur les projets de mobilité transfrontaliers.»

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