Son handicap, Célia en a fait une force
Le parc des expositions de Metz accueille jusqu'à ce samedi les Abilympics 2023, Olympiades des métiers réservées aux personnes touchées par un handicap. Rencontre avec Célia, 20 ans, qui prend part à la compétition d'art floral.
Célia Pignoux, 20 ans, en pleine épreuve du concours d'art floral des Abilympics 2023, à Metz. © PHOTO: Chris Karaba
Le compte à rebours est égrené en anglais. Au coup de sifflet, les candidats lèvent les mains des bouquets confectionnés. Les applaudissements fusent et les participants peuvent relâcher la pression. Pour Célia Pignoux, 20 ans, cela se traduit par des larmes. Elle est réconfortée par Sylvaine Agator, autre candidate française au concours d'art floral des Abilympics 2023, Olympiades des métiers (ou World Skills) réservées aux personnes touchées par un handicap. «C'était stressant, et ce n'est pas l'épreuve dans laquelle je suis le plus à l'aise. Je suis très émotive alors il fallait que ça sorte...», explique Célia, larmes séchées et sourire retrouvé.
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Elle vient de terminer le premier des trois modules du concours d'art floral: la création d'un bouquet ficelé à la main, pendant 1h30, vendredi matin. Dans l'après-midi est prévue la deuxième épreuve: la création d'un support végétal à partir de fleurs et d'objets que les candidats découvriront au dernier moment, en ouvrant une boîte surprise. Enfin, samedi, dernier acte avec la création d'une composition «massive et élégante», selon l'intitulé. Six heures de concours en tout et au bout, peut-être, une médaille.
Pour mettre toutes les chances de son côté, Célia n'a pas lésiné sur les efforts. Des heures d'entraînements, le soir après la journée de travail ou encore le week-end. «J'ai fait, défait, refait des bouquets. Mon patron et mes collègues m'ont aidée, mon compagnon aussi. Il n'y a pas que la confection, il faut aussi écrire ce que l'on veut réaliser, le dessiner», souligne-t-elle.
20 ans seulement mais déjà expérimentée
Pendant sa première épreuve, Célia reproduit les gestes répétés durant toutes ces semaines. Concentrée, imperturbable, elle n'accorde aucune importance aux regards des visiteurs qui se posent sur elle et son travail, aux objectifs des caméras et appareils photos qui immortalisent son épreuve. Les fleurs soigneusement classées et posées sur son plan de travail, elle exécute sa partition sans sourciller.
Derrière son visage juvénile, la jeune femme affiche une grande maturité et, déjà, une belle petite expérience. «Je suis en apprentissage, j'en suis à ma sixième année de fleuristerie: deux ans de CAP, deux ans de Brevet professionnel et deux ans de Brevet technique des métiers», détaille-t-elle. Elle travaille chez un fleuriste dans la Sarthe, près du Mans. Et a intégré l'équipe de France Abilympics voilà six mois, «un peu à la dernière minute». C'est sa première participation à la compétition internationale, elle qui est déjà rodée aux concours ''classiques''. «Cette année, j'ai remporté la médaille de bronze aux Olympiades des métiers de la région Centre-Val de Loire», illustre-t-elle.
Pas de différence lors des concours
Si le parc des expositions de Metz accueille 27 délégations nationales pour les 10e Internationaux Abilympics, le lieu est aussi le théâtre, en même temps, des sélections du Grand Est pour les Olympiades des métiers (World Skills). Mais sur les différentes épreuves, on ne fait pas de différence entre valides et handicapés, qui concourent les uns mêlés aux autres. C'est aussi ça l'inclusion. Le public peut venir admirer le travail de tous ces participants et les encourager: l'entrée est libre.
A Metz, c'est donc à des participants venus du monde entier qu'elle se mesure. Dans les box voisins du sien, les concurrentes kazakhe, bangladaise ou japonaise sont ainsi à l'œuvre. Toutes sont touchées par un handicap. Que l'on devine chez certaines, imperceptible chez d'autres. Pudique, Célia Pignoux ne souhaite pas parler du sien. «Certains candidats présents ici ont des parcours de vie difficiles», élude Stéphanie Cervo, juge en chef du concours d'art floral, à la tête d'un jury international.
Pour des personnes en situation de handicap, rester debout aussi longtemps est déjà une épreuve en soi.
Célia concède simplement que son handicap a pour conséquence «beaucoup de fatigue et de douleurs musculaires». D'ailleurs, le kiné de l'équipe de France Abilympics, Gervais Wiech, vient s'enquérir de son état de forme dès la fin de son premier module floral. «Pour des personnes en situation de handicap, rester debout aussi longtemps est déjà une épreuve en soi. Cela dépend bien sûr des pathologies, mais je suis là pour atténuer les douleurs», confie le membre du staff tricolore.
Les idées claires pour la suite
Célia, elle, ne laisse rien transparaître. Ni de son handicap ni de ce qu'il peut parfois provoquer en elle. «Au début, c'était un obstacle mais je l'ai accepté et j'en ai une force, pour aller plus loin, plus haut», lance-t-elle avec aplomb et détermination, déjà impatiente de se frotter aux deux autres épreuves de sa compétition d'art floral. «La création de support végétal, c'est mon point fort. Après, même s'il n'y a pas de médaille au bout, je sais que j'aurai fait le maximum, que je me serai dépassée», conclut la jeune femme, qui fourmille déjà d'idées pour la suite de sa carrière professionnelle. «J'aimerais ouvrir un atelier floral axé sur l'événementiel, et devenir formatrice.»