Virgule
Un cheminot face à un usager

TER Nancy-Metz-Luxembourg: «Beaucoup de décisions auraient déjà pu être prises»

Entre la SNCF et les usagers, ce n'est pas forcément le grand amour. Alors, le 14 février, Virgule.lu a réuni Jean Riconneau, secrétaire syndical CGT-Cheminots, et Dimitri Janczak, membre de l'association des voyageurs du TER Metz-Luxembourg.

Entre Jean Riconneau (à g.) et Dimitri Janczak (à d.) la distance qui les sépare n'est pas si grande que ça...

Entre Jean Riconneau (à g.) et Dimitri Janczak (à d.) la distance qui les sépare n'est pas si grande que ça... © PHOTO: Chris Karaba

Journaliste

A la recherche d'un lieu propice à l'échange, Jean Riconneau (50 ans) propose de le rejoindre à Metz, rue Pasteur, au siège local de la CGT-Cheminots. Entre le conducteur de train, actuellement permanent syndical, et Dimitri Janczak (48 ans), informaticien au Kirchberg et membre de l'association des voyageurs du Ter Metz-Luxembourg, la discussion va durer plus de deux heures. Suffisant pour voir leurs positions se rejoindre sur plus d'un sujet...

Lire aussi :La ligne vers Metz, n°1 des retards et des suppressions

Que symbolisent pour vous ces quatre lettres: SNCF ?

Jean Riconneau: Pour un cheminot, c'est tout un symbole même si, bien qu'étant une entreprise publique, elle se conduit aujourd'hui comme une entreprise... normale.

Dimitri Janczak: Pour moi, la SNCF représente, à la fois, les trains que je prenais quand j'étais étudiant, mais aussi les TGV pour partir en vacances.

Par «normale», vous évitez le terme de «privée». Cela pourrait également laisser penser que la SNCF a un fonctionnement anormal...

Jean Riconneau.

Jean Riconneau. © PHOTO: Chris Karaba

Par «normale», vous évitez le terme de «privée». Cela pourrait également laisser penser que la SNCF a un fonctionnement anormal...

J. R. : Depuis 2020, avec le changement de statut EPIC (Entreprise publique industrielle et commerciale), la SNCF est devenue une société anonyme. Sa gestion est basée uniquement sur la rentabilité. Pour moi, la SNCF devrait revenir à ce qu'elle était: une entreprise publique au service du public. Alors, oui, son fonctionnement est anormal.

D.J. : La priorité première de cette entreprise n'est, désormais, plus de bien faire rouler des trains. Ce qui est gênant.

La SNCF aurait-elle perdu son sens du service public?

Dimitri Janczak.

Dimitri Janczak. © PHOTO: Chris Karaba

La SNCF aurait-elle perdu son sens du service public?

D.J. : Avant, on avait des cheminots dans les gares, mais aussi dans les trains. Aujourd'hui, on se retrouve parfois sans contrôleurs. La SNCF, dont le PDG est nommé par l'Etat, décline comme a décliné La Poste. Pour beaucoup d'hommes politiques, le train, c'est le TGV. Et chacun en veut un dans sa commune... Pas sûr que ce soit une bonne utilisation des deniers publics.

J.R. : Bercy (le ministère de l'Economie et des Finances, NDLR) pilote l'entreprise et fixe des objectifs financiers. Depuis la loi de 2014, la SNCF est composée de cinq sociétés anonymes au travers du GPU (Groupe public unifié). Or, les intérêts des unes ne sont pas forcément ceux des autres... SNCF Voyageurs, en charge du personnel en gare, est contrainte de faire des économies. Et il n'y a pas 36.000 manières d'en faire...

En tant qu'usager, on a l'impression d'être le dindon de la farce
Dimitri Janczak (usager)

Dans un entretien accordé à Virgule.lu, Franck Leroy, président de la région Grand Est, dit ceci: «Il faut qu'on soit ambitieux au niveau de l'Etat dans le financement des infrastructures parce que normalement, le coût de celles-ci n'est pas à la charge des régions.» Que cela vous inspire-t-il?

J.D. : Cela revient à l'histoire du TGV... Quand la SNCF fait deux milliards de bénéfices, la décision de ne pas réinjecter cette somme dans l'entretien du réseau, c'est un choix politique. Je pense à l'article du Canard Enchaîné qui révélait que dans un rapport, la Cour des Comptes préconisait une baisse des péages autoroutiers. N'aurait-on pas à se servir d'eux pour financer potentiellement une partie du réseau ferroviaire? Là encore, on est en face de choix politiques.

J.R. : Sur les 2,8 milliards que l'Etat injecte officiellement, il y a 600 millions qui viennent directement des 60% des bénéfices nets de SNCF Voyageurs. Au final, l'Etat ne donne que 2,2 milliards. Or, il faudrait un milliard de plus pour pallier le vieillissement du réseau.

Et la région dans tout ça?

J.R. : Quand la région veut mettre de l'argent, elle en trouve. La preuve, la régénération de la ligne 14 (Nancy-Contrexéville) va, selon une expertise de la société E3 Consultants, coûter deux fois plus cher au contribuable... Elle a aussi injecté 90 millions dans le technicentre de Metz-Sablon, une centaine de millions d'euros dans celui de Strasbourg et quelque 535 millions sur sept lignes entre la France et l'Allemagne...

D. J. : Elle a aussi mis 300.000 euros dans Railcoop (Ndlr: coopérative de transport ferroviaire privée créée en 2019) en parts sociales.

J.R. : Oui et c'est un scandale! Est-ce aux contribuables de financer une société qui ne verra très probablement jamais le jour? Entre la SNCF et la région, chacun se renvoie la balle.

À la CGT, nous serons toujours contre l'ouverture à la concurrence du secteur car ça se traduit toujours de la même manière: par du dumping social...
Jean Riconneau (cheminot)

Évoquons plus précisément le cas de la ligne TER Nancy-Metz-Luxembourg...

D.J. : En tant qu'usager, on a le sentiment d'être le dindon de la farce! Prenons l'exemple des trains supprimés en raison de l'absence de contrôleur au départ de Luxembourg. C'est insupportable! Notre association est contre la circulation dite EAS (équipement à agent seul).

J.R. : Aujourd'hui, la région et la SNCF ont une convention. Sur la ligne Nancy-Luxembourg, il s'agit d'un partenariat où tout n'est pas clair. En tant que cheminot, notre réflexion est basée sur la sécurité. Celle de la SNCF est axée sur la sauvegarde des recettes...

Parmi les voyageurs, on entend parfois cette idée que la privatisation de cette ligne améliorerait la situation. Qu'en pensez-vous?

D. J. : Alors, déjà, il faut savoir que le Luxembourg s'est exclu du quatrième paquet ferroviaire qui a pour but de libéraliser le transport. Par conséquent, le seul et unique opérateur au Grand-Duché, ce sont les CFL. Point barre! Alors, peut-être que le sillon sera ouvert à la concurrence entre Nancy et Thionville, mais entre Thionville et Luxembourg, j'ai un gros doute...

Mais beaucoup d'usagers disent être prêts à payer un peu plus cher leur abonnement à condition d'avoir des trains à l'heure...
Dimitri Janczak (usager)

J.R.: Et même si c'était le cas, ça ne changerait rien sur le fond. Si, demain, la région attribue cette ligne à tel ou tel opérateur, il se retrouvera avec le même matériel, les mêmes voies, le même personnel... Et nous, à la CGT, nous serons toujours contre l'ouverture à la concurrence du secteur car ça se traduit toujours de la même manière: par du dumping social... Les opérateurs historiques doivent retrouver leur monopole

D.J: Un appel d'offres pourrait-il voir le jour sans l'accord du gouvernement luxembourgeois? La ligne que la région Grand Est peut mettre en concurrence, ce n'est pas Nancy-Luxembourg, mais Nancy-Zoufftgen frontière. Au final, l'usager est donc pris dans un jeu de ping-pong entre la région Grand Est, les CFL, l'Etat luxembourgeois... Chacun répétant que ça ira mieux demain. Ou dans trois, cinq, dix ou quinze ans en fonction de qui parle...

L'une des particularités de ce sillon est la présence du fret. Sa présence n'est pas sans poser des problèmes. Quelle est votre opinion?

J.R. : Déjà, la situation financière de la SAS Fret SNCF, libéralisée depuis 2007, est catastrophique. Alors, posons-nous la question: pourquoi ce qui n'a pas marché avec le fret fonctionnerait pour la partie voyageurs? Et puis, n'oublions pas une chose: tous les marchés publics qui ont été libéralisés (électricité, gaz...) ont vu leur prix augmenter.

D. J. : Mais beaucoup d'usagers disent être prêts à payer un peu plus cher leur abonnement à condition d'avoir des trains à l'heure...

L'association des voyageurs réclame un abonnement «travail» qui permet d'emprunter ces TGV.
Dimitri Janczak (usager)

Beaucoup de frontaliers ne peuvent pas se permettre de payer davantage...

D.J. : Mon ancienne entreprise remboursait le transport public à hauteur d'un certain montant. Sur cet avantage en nature, j'étais imposé en totalité alors que je faisais un meilleur geste pour l'environnement... Qu'est-ce qui empêche, aujourd'hui, l'Etat luxembourgeois de participer aux frais de billets avec, par exemple, une allocation de 50 euros imposée à 1,5%?

J.R. : Ce serait discriminatoire. Pourquoi un usager paierait plus cher qu'un autre?

D.J. : Côté français, il y a déjà une participation de l'employeur. Donc, on pourrait imaginer que la loi luxembourgeoise offre le même mécanisme. Et puis, je vais un peu piquer, mais si le financement de l'axe Nancy-Thionville profite à l'économie régionale, celui de la ligne Thionville-Luxembourg bénéficie essentiellement à l'économie grand-ducale. Alors, c'est bien gentil ces participations ponctuelles du Luxembourg à l'un ou l'autre projet, mais est-ce qu'une partie de ces bénéfices ne devrait pas être redistribuée dans le budget de fonctionnement d'un réseau qui lui permet de développer son économie?

Là, on touche à la question des rétrocessions fiscales...

D. J. : Oui voilà...

J. R. : Ce n'est pas pour le défendre, mais le Luxembourg a participé au financement de la LGV (Ndlr: ligne à grande vitesse).

D.J. : Oh là! En échange de la sûreté d'avoir des trains qui montent vers le Luxembourg sans rupture de charge et dans un temps imparti. Or, ces trains repartent très souvent vers la France à vide! L'association des voyageurs réclame un abonnement «travail» qui permet d'emprunter ces TGV. Parce que voir des trains, en partie vides, manger des sillons - celui par exemple de 18h46 - alors qu'on se tasse dans des TER avec une seule rame, c'est un brin agaçant...

J.R. : Nous sommes d'accords sur ce point et militons pour que les travailleurs puissent emprunter le TGV.

Est-ce que ce sont les grèves qui provoquent le plus de perturbations? Je pense que vous en vivez tous les jours...
Jean Riconneau (cheminot)

Avec ce contexte social pour le moins tendu en France, quel regard portez-vous sur les grèves des cheminots?

J. R. : D'emblée, je précise qu'il y a toujours un service minimum assuré. Ensuite, est-ce que ce sont les grèves qui provoquent le plus de perturbations? Je pense que vous en vivez tous les jours...

D. J. : Oui et ça horripile juste encore un peu plus... Et que se disent les gens? «Encore en grève!»

Une réaction un peu simpliste, non?

D. J. : Peut-être mais il n'est pas toujours simple, pour un usager qui ne s'y intéresse pas forcément, de connaître ni les raisons de cette grève ni vos revendications. Il y a clairement un problème de communication. En gare, je ne vois pas le moindre tract. Bon, on est bien d'accord, certains ne seront pas pour autant réceptifs à vos revendications, mais ce serait quand même bien de les connaître...

J.R. : On a tracté en gare de Metz, je le sais car j'y suis secrétaire du syndicat CGT-Cheminots. Serait-ce pertinent de faire toutes les gares? Certains usagers, en voyant simplement qu'il s'agit de la CGT, ne prennent pas le tract...

Sur le technicentre de Metz-Sablon (...) il manque, d'après le chiffrage effectué par la CGT, une trentaine d'employés pour entretenir les rames
Jean Riconneau (cheminot)

Et par le biais des réseaux sociaux?

J.R. : Personnellement, pour y avoir vu certains commentaires, je n'y vais plus. Après, c'est vrai que ce n'est pas toujours facile de communiquer. On ne trouve peut-être pas toujours les bons mots ou la bonne temporalité.

D.J. : Dommage, les usagers aimeraient connaître vos revendications. De manière claire et concrète. Quand je tombe sur un tract cheminot, j'ai l'impression que ça s'adresse à d'autres cheminots...

A la SNCF, il est de nouveau question de suppression de postes. Quel impact cela a-t-il concrètement?

J. R. : Ça entraîne une désorganisation du travail qui, en fin de compte, impacte les usagers puisque la qualité de service n'est pas au rendez-vous. La SNCF est sur un rythme moyen de 2.500 suppressions de postes par an. Toutes filières concernées.

Dans certains métiers, on est en très net sous-effectif. En France, il manque un millier de conducteurs pour assurer les trains journaliers. Sur le technicentre de Metz-Sablon, pour être plus «local», il manque, d'après le chiffrage effectué par la CGT, une trentaine d'employés pour entretenir les rames. Cela veut dire que des employés sont obligés de rogner sur leur journée de repos ou de congé. Et même si l'on aime coller des étiquettes aux cheminots, je peux vous assurer que l'ensemble d'entre eux ont une vraie conscience professionnelle.

D. J. : Si je comprends bien, quand un train est supprimé ou qu'il n'a qu'une au lieu de deux rames, ce n'est pas forcément parce que le matériel est en panne, mais c'est aussi parce qu'il na pas pu passer assez rapidement par la maintenance?

J.R. : Ça peut être l'une des causes. Ça peut être aussi parce que la SNCF n'a plus de stock en pièces (sic)...

Les salaires se tassent et ne sont plus attractifs (...) Les CFL viennent débaucher nos cheminots.
Jean Riconneau (cheminot)

Un lapsus?

J.R. : (Rires) Oui, pardon, de pièces en stock... Exemple aberrant mais vrai: parfois, ils sont obligés de commander un taxi pour faire 800 kilomètres pour aller chercher dans un autre atelier la pièce manquante...

D.J. : C'est intéressant car ces histoires de problèmes de pièces, on nous a expliqué que c'était à cause de la crise du covid...

J.R. : Ah non ! C'est un choix de la direction. Vous savez, un stock coûte cher. On en revient toujours au nerf de la guerre. Alors, nous sommes à flux tendu.

La SNCF aurait-elle donc du mal à recruter?

J.R. : Bien sûr! Les salaires se tassent et ne sont plus attractifs au vu des contraintes qui sont celles d'un cheminot: travail de nuit, les week-ends, jours fériés, etc. Certains d'entre nous ont un salaire en dessous du Smic. Pour compenser, la SNCF leur donne une prime. A propos de prime, on en vient à offrir 300 euros à tout employé qui parraine un nouvel arrivant. Et il touche à nouveau 300 euros si cette personne reste à l'issue de sa formation... Or, on a beaucoup de démissions. En zone frontalière, on souffre de la concurrence. Les CFL viennent débaucher nos cheminots.

D. J. : C'est donc un partenariat CFL-SNCF où les premiers tapent dans le vivier de la seconde...

Aux heures de pointe, les gens sont entassés les uns sur les autres. Cette sous-capacité, personne ne peut la nier
Jean Riconneau (cheminot)

La semaine dernière, les usagers ont vécu un véritable condensé de tous les problèmes auxquels ils sont confrontés durant l'année...

D. J. : Lundi, c'était des retards classiques... Le mardi, grève; mercredi, le corps retrouvé au bord des voies à Bettembourg le matin et un problème d'aiguillage sur le réseau CFL le soir; jeudi, le déraillement du train de travaux à Zoufftgen et, le vendredi matin, on a eu un train de fret en panne juste avant Zouftgen. Bref, en plus des causes externes, nous avons eu l'ensemble des composantes SNCF et CFL qui s'en sont donné à coeur joie (rires). Vraiment, on pourrait faire une série TV «Je suis frontalier, je prends le train, que va-t-il m'arriver aujourd'hui?»

J. R. : Bon, dans un système ferroviaire, il suffit d'un grain de sable pour enrayer la machine. Alors oui, mardi nous étions en grève, mais je crois que nous n'étions pas les seuls dans ce cas... Concernant le déraillement du train de travaux, je n'ai pas tous les tenants et les aboutissants. Etait-ce un train d'une société privée ou non? Il est fort probable que ce soit le cas...

D. J. : (Il coupe) Ce qui, concernant l'usager, importe peu...

J.R. : Je le comprends mais, tout à l'heure, j'évoquais le recours très accru à la sous-traitante et à l'externalisation...

La semaine dernière, Antoinette Salaris, a lancé sur Change.org une pétition intitulée «Stop aux conditions déplorables de transport sur la ligne TER Nancy-Metz-Luxembourg» et dit en avoir assez de «voyager comme du bétail». Partagez-vous ce sentiment?

J.R. : C'est vrai qu'aux heures de pointe, les gens sont entassés les uns sur les autres. Cette sous-capacité, personne ne peut la nier. On espère que les rames cinq caisses vont arriver très vite.

On peut faire remarquer à Franck Leroy que les autoroutes à dix voies à Los Angeles n'ont jamais réglé le problème des bouchons
Dimitri Janczak (usager)

Franck Leroy dit être «en désaccord total avec ceux qui pensent qu'il suffit de moderniser l'offre ferroviaire» pour faire face aux demandes des frontaliers à l'avenir. Que lui répondez-vous?

D.J. : Il préfère l'A31bis... Mais on peut faire remarquer à Franck Leroy que les autoroutes à dix voies à Los Angeles n'ont jamais réglé le problème des bouchons. Mais je confirme: on ne sent pas la volonté politique d'investir l'argent qu'il faut sur le point noir du sillon Thionville-Bettembourg.

J.R. : Je ne suis pas surpris des propos de Franck Leroy, un libéral reste un libéral et tant qu'il peut libéraliser au profit de sociétés privées, il le fera. Les usagers devront payer pour emprunter l'A31bis. Son coût est bien supérieur à celui qui consisterait à faire deux autres voies ferrées entre Bettembourg et Thionville. Grosso modo, entre les deux villes, il y a 25 kilomètres. Si l'on compte 1,5 millions d'euros par kilomètre électrifié, cela revient à 75 millions d'euros pour deux voies.

Ce discours de Franck Leroy ne va-t-il pas à l'encontre de l'urgence climatique ?

J.R. : C'est simple: le train est, aujourd'hui, le mode de transport qui émet le moins de CO2. Et à la différence de tous les autres modes de transport, c'est l'offre qui crée la demande. Et non l'inverse.

D.J. : On est à peu près d'accord... Et j'ajouterai que là où M. Leroy ne voit pas le problème, c'est qu'il a beau être libéral, s'il crée une A31bis avec péage au nord de Thionville, elle sera sous-utilisée. Et que va-t-il se passer? Il va mécontenter les électeurs de ses copains des villages alentours qui vont voir déferler le trafic en provenance de l'A31. Côté luxembourgeois, on a vu des bourgmestres de communes frontalières installer des plots pour interdire le trafic des frontaliers sur les chemins appartenant à leur commune.

J.R. : Très accidentogène, il faudrait, à mon sens, limiter voire interdire l'accès à l'A31 aux camions et les obliger à prendre le train. Du ferroutage donc. Mais pour cela, il faut s'en donner les moyens. En 2000, Fret SNCF transportait 50 gigatonnes par kilomètre. Aujourd'hui, tout opérateur confondu, on en est à 19... De plus, la grande majorité des transporteurs routiers viennent de l'étranger et utilisent nos infrastructures sans en financer le moindre centime...

D.J. : Concernant le fret, j'ajouterais que l'on se situe sur un corridor qui vient d'Amsterdam, passe par Bettembourg et qu'une partie du financement destinée à augmenter les voies devrait à mon sens venir directement des fonds européens puisqu'il s'agit d'un axe européen.

Ce n'est que de la communication politicienne à l'heure où bon nombre de lignes manquent déjà cruellement de trains
Jean Riconneau (cheminot)

Franck Leroy demande de la patience et déclare: «On ne crée pas des infrastructures en un claquement de doigts». Que cela vous inspire-t-il?

D.J. : Il reprend les discours de ses prédécesseurs. C'est aussi celui de François Bausch. Certes, ça prend toujours un peu de temps mais celui-ci varie aussi en fonction des moyens qu'on y consacre. Beaucoup de décisions auraient pu être prises depuis longtemps...

Le président de la région Grand Est ajoute que l'objectif est de permettre à l'horizon 2030, avec la création du REME, la circulation d'un train toutes les 7 minutes 30 aux heures de pointe. Est-ce réalisable?

D.J. : Aucun budget n'est prévu pour de telles infrastructures. Ensuite, c'est un projet particulier car, en comparaison avec les autres REME de France, ce n'est pas une étoile de ville, mais un corridor de villes. Ensuite, la maîtrise technique sera assurée par deux sociétés de chemin de fer avec des cultures et règlements différents. C'est donc ambitieux de vouloir à terme faire circuler un train toutes les 7 minutes alors qu'aujourd'hui un train toutes les 10 ou 15 minutes selon l'heure de la journée et des villes, est déjà problématique.

Lire aussi :Rapprocher Sarrebruck de Luxembourg... via Metz

J.R. : Si le président de région entend mettre en œuvre un train toutes les 7'30" sur l'axe Nancy-Luxembourg avec les moyens humains et matériel actuel, il est impossible d’atteindre cet objectif. Pour ma part, ce n'est que de la communication politicienne à l'heure où bon nombre de lignes manquent déjà cruellement de trains.

Au vu des nombreux soucis du quotidien que les usagers subissent, il serait préférable de mettre des moyens financiers et humains avant même de faire de telles annonces! Le lancement du REME en Alsace est un fiasco total, qui mécontente plus les usagers pensant que de nombreux trains circulent alors même que les suppressions de trains sont quotidiennes et nombreuses.

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