Une vignette sera bientôt nécessaire pour stationner à Audun-le-Tiche
Se garer est un chemin de croix à Audun-le-Tiche, à tel point qu’un système de vignette de stationnement par foyer est à l'étude. En cause, l'augmentation constante de la population, dont la majorité travaille au Luxembourg. Point de situation avec la maire Viviane Fattorelli.
La maire de la ville d'Audun-le-Tiche l'assure, «le téléphone de la mairie sonne sans arrêt» pour des affaires de voitures mal stationnées. © PHOTO: DR
Lorsqu'il est évoqué au supermarché, au bureau de tabac ou encore sur la page Facebook des habitants de la ville, le sujet suscite autant de crispation que de consternation à Audun-le-Tiche: le stationnement, la bête noire des riverains.
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Il faut dire que la commune illustre le présent d'une Lorraine antérieurement industrielle, une ancienne ville de mineurs, comme Villerupt, ville voisine, choisie par l'auteur Jérémy Bracone pour son livre «Danse avec la foudre».
Dans ce roman sur fond d'amour filial, l'écrivain raconte comment d'ouvriers en bleu de travail, les travailleurs lorrains de l'époque sont devenus des «prolos des Luxembourgeois» reconvertis en employés de banque, pour bien plus que le Smic.
Ainsi, les rues de la ville sont très étroites, comme si lors de leur conception, personne n'avait anticipé l'avènement du Luxembourg, passé de fleuron industriel à grande place financière; et surtout l'attrait qu'il allait représenter pour des personnes en quête d'élévation sociale.
En 2023, le Grand-Duché attire encore et toujours, mais ses loyers et l'accès à la propriété étant problématiques, ce sont les villes frontières qui n'avaient pas vocation à accueillir autant de monde qui encaissent l’afflux de nouveaux arrivants… Dont des Luxembourgeois qui traversent la frontière, pour vivre mieux.
Une vignette gratuite par foyer, la deuxième à 90 euros
Au fait de ces difficultés qui prennent de plus en plus ampleur, Viviane Fattorelli, la maire de la ville depuis 2020, a un projet dans les cartons: la mise en place d'une vignette pour les foyers qui ne disposent pas d'un garage pour leur(s) véhicule(s). Et elle compte le faire aboutir quoi qu'il en coûte.
«Cela fait deux ans que la mairie travaille avec la police municipale sur ce projet, car la situation est plus que tendue et que tout ça va aller en empirant. Cela découle du bassin transfrontalier, qui a ses avantages, mais aussi ses inconvénients. Pour vous dire, on a essayé de répertorier les véhicules, et entre les voitures de société en leasing avec plaques immatriculées au Luxembourg et les camionnettes d'entreprises, on arrive au double de ce que la ville devrait normalement pouvoir contenir!»
Cela découle du bassin transfrontalier qui a ses avantages mais aussi ses inconvénients.
Raison pour laquelle à terme, chaque foyer disposera d'une vignette gratuite pour stationner son véhicule, avec la possibilité d'en obtenir une seconde pour une autre voiture, cette fois au prix de 90 euros par an.
«Faire sortir des rues les camionnettes de fonction»
L'objectif est clair: «faire sortir des rues les camionnettes de fonction», qui s'ajoutent à deux, voire trois ou quatre voitures personnelles selon les foyers. Une concertation publique avait d'ailleurs eu lieu en octobre 2022 pour parler de la démarche, et du propre aveu de la maire, «cela a été un échec».
«Rien ne s'est déroulé comme prévu, il y a eu énormément de monde, bien plus qu'attendu car beaucoup de gens dont ce n'était pas la zone d'habitation sont tout de même venus avec leurs doléances.» Qu'à cela ne tienne, la mairie a donc décidé de fonctionner avec des concertations par quartier et non plus par grande zone, une façon de procéder «chronophage, mais nécessaire pour écouter ce que les gens ont à dire».
«Mettre fin aux incivilités»
Et les réactions ne se sont pas fait attendre après la publication d'un article du Républicain Lorrain traitant de la thématique, partagé sur la page du groupe de la ville le 6 février. D'un côté, les offusqués par cette histoire de deuxième vignette à 90 euros et l'impossibilité, donc, à terme d'avoir plus de deux voitures.
De l'autre, ceux qui n'en peuvent plus de «devoir slalomer entre les véhicules garés sur les trottoirs», au risque de se faire renverser, surtout les parents avec poussette et les enfants.
Aux premiers, la maire rétorque «que certains se plaignent alors qu'ils ont des garages qui servent à tout sauf à parquer leur voiture! Sans compter qu'il y a les emplacements non numérotés et la place du Château pour se garer… Quant au prix de la vignette, cela coûte a minima 110 euros par mois côté luxembourgeois, ici se serait 90 euros par an pour une deuxième vignette!» Et que les récalcitrants soient prévenus: puisque jusqu'ici les verbalisations n'apportent que peu de résultats, «ce sont des sabots qu'on va finir par mettre sur les voitures mal garées».
C'est aussi et surtout une question de sécurité également, en cas d'intervention des pompiers, il faut que leur camion puisse manœuvrer et se garer!
Aux seconds, elle l'assure, l'un des grands chantiers de son mandat, c'est précisément de «mettre fin aux incivilités de ce genre et de rendre la ville réglementaire». «Au-delà du confort des riverains, c'est aussi et surtout une question de sécurité. En cas d'intervention des pompiers, il faut que leur camion puisse manœuvrer et se garer!»
Des propos qui ne sont pas sans rappeler l'incident survenu dans la nuit du 28 au 29 novembre 2022, lorsqu'une camionnette d'entreprise immatriculée au Luxembourg a pris feu sur un trottoir pendant la nuit, les flammes causant alors des dégâts à l'habitation devant laquelle elle était garée…
La mise en place du système de vignette annoncé sera toutefois «progressive» et «c'est la zone A qui servira de test en septembre prochain».
Le spectre de la fin de la gare
Enfin, si l'urgence se fait plus prenante, c'est également en raison des modifications prévues par le plan national de mobilité du ministre François Bausch.
À terme, la gare d'Audun-le-Tiche gérée par les CFL va disparaitre, remplacée par un bus à haut niveau de service (BHNS) qui reliera Villerupt et Audun à Esch. Des aménagements à venir qui encouragent fortement la municipalité à anticiper l'effet point névralgique, avec plus de travailleurs frontaliers garés dans la commune.
Ce projet de parking de la gare c'est un investissement d'au minimum 500.000 euros, on a besoin de financements transfrontaliers.
Pour cela, la mairie a déjà négocié la mise à disposition d'un terrain le long des voies ferrées de la gare avec la SNCF, couvrant 8.000 m², afin d'y construire un parking de 350 places. Mais pour pour le faire sortir de terre, il faut des financements, et Viviane Fattorelli en appelle «aux politiques, des deux côtés de la frontière». Elle explique avoir eu la visite du ministre Turmes en janvier dernier sur cette question; ainsi que celle du ministre Bausch pour parler du futur BHNS. «Mais rien ne tangible ne ressort.»
«Ce projet de parking de la gare, c'est un investissement d'au minimum 500.000 euros. On a besoin de financements transfrontaliers et tout le monde se renvoie la balle…» La maire ne perd cependant pas espoir et souhaiterait même que l'ensemble des mesures à venir inspire les villes voisines, «qui ont les mêmes problèmes», afin de créer un cercle vertueux en matière de mobilité.