Bras de fer entre policiers et accusés au procès de Bruxelles
Des images terrifiantes de l'attentat de Maelbeek ont été projetées lors du procès des attentats de Bruxelles, entre les protestations des accusés qui dénoncent de nouveau leurs conditions.
Des images glaçantes de la rame de métro éventrée ont été diffusées ce jeudi lors du procès des attentats de Bruxelles © PHOTO: Shutterstock
De notre correspondant Max Helleff (Bruxelles)
Il y a eu beaucoup de poussière et un long silence. Et puis, des silhouettes ont commencé à paraître sous les caméras de surveillance de la station Maelbeek. Les survivants se sont extraits les uns après les autres de la rame de métro éventrée. Au moment du décompte, le bilan s'avérera extrêmement lourd: le 22 mars 2016, l'attentat de Maelbeek a fait 16 morts et 106 blessés.
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Jeudi, ces images glaçantes ont été diffusées lors du procès des attentats de Bruxelles qui se tient depuis plus d'un mois au Justitia, à Haren, dans l'ancien bâtiment de l'Otan. Après un début de semaine de nouveau compliqué, chahuté par les protestations des accusés, les heures tragiques de Maelbeek ont été relatées.
Il était 09h10, lorsque l'explosion a transformé en un piège mortel la deuxième voiture de la rame de métro qui quittait la station. L'auteur de l'attentat, Khalid El Bakraoui, a semble-t-il hésité l'espace de quelques secondes: les images le montrent chargé de sa bombe et descendant de la troisième voiture, pour remonter ensuite dans la deuxième.
Au moment où le métro redémarre, la bombe explose. Le blast aveugle les caméras. La poussière envahit la station. Une heure et quelques minutes auparavant, un premier attentat a fait dix-huit morts à Brussels Airport. L'Etat islamique revendiquera les deux tueries.
Les accusés reviennent à la charge
Les images sont terrifiantes, mais elles ramènent le procès à son objectif: exposer les faits et tenter de comprendre les motivations des accusés, avant de les juger. L'ambiance est cependant loin d'être sereine. La semaine a été émaillée d'incidents d'audience. Le box s'est retrouvé de nouveau vide, les sept personnes qui comparaissent détenues manifestant leur réprobation par leur absence.
Flanqués de leurs avocats, ils affirment une fois encore que leurs conditions de transfert sont intolérables, malgré l'ordonnance rendue par le juge des référés le 29 décembre dernier, ordonnance qui enjoint l'État belge de cesser les fouilles à nu systématiques sur les accusés.
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Vendredi, ceux-ci sont revenus de nouveau à la charge. Salah Abdeslam, Mohamed Abrini, Osama Krayem, Sofien Ayari, Bilal El Makhoukhi, Ali El Haddad Asufi et Hervé Bayingana Muhirwa ont dénoncé les conditions dans lesquelles ils sont transférés depuis la prison de Haren vers le Justitia. Ossama Krayem et Salah Abdeslam ont demandé à quitter la salle, une fois de plus. C'est donc en leur absence que les pompiers ont fait le récit de leur intervention à Brussels Airport et à Maelbeek.
«Quand nous entrons vers 9h20 dans la station, il y a des fumées lourdes. Une odeur âcre. Un état de silence absolu. Tout est très calme», a raconté le major des pompiers Nicolas Jalet avant de relater l'indicible. Il détaille les blessures, le chaos, le traumatisme de ses hommes.
La volonté de bien faire qui émane des magistrats n'a pas réussi jusqu'ici à protéger le procès d'une foule de turpitudes. Au cours des dernières semaines, un bras de fer s'est engagé entre les policiers et les accusés. La décision du juge des référés qui interdit le recours systématique aux fouilles à nu passe mal auprès de la police qui pointe le danger potentiel représenté par les accusés, plus particulièrement par Salah Abdeslam et Mohamed Abrini (l'«homme au chapeau »).
Salah Abdeslam aurait«pété les plombs»
Salah Abdeslam aurait ainsi «pété les plombs» lors d'une fouille corporelle et «agressé» l'agent chargé de le fouiller. Mohamed Abrini aurait projeté de «cacher un couteau». Dans le fourgon, rapportent les policiers, les accusés échangent en arabe des mots parfois très durs. «Ce n'est pas comme ça qu'on traite les serviteurs d'Allah!», a encore lancé à ses gardiens Abrini.
Une analyse a été réalisée par la police pour chaque accusé détenu. Elle conclut à la nécessité d'effectuer des fouilles à nu, n'en déplaise à ceux qui les condamnent. Ce serait le seul moyen de repérer les éventuels objets cachés dans les cavités corporelles. Le rapport - rédigé en néerlandais par les policiers alors que les débats ont lieu en français - a imposé d'appeler à la rescousse plusieurs interprètes.
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De leur côté, des avocats de la défense estiment le rapport policier peu fiable, construit à charge pour protéger la police. Ils menacent d'aller en cassation, ce qui ruinerait la validité du procès. Pour ajouter un peu plus au sentiment de désordre, Abrini et El Haddad Asufi ont retiré leurs mandats à leurs avocats, lesquels ont été aussitôt commis d'office à la défense des mêmes clients par la présidente de la cour d'assises Laurence Massart.
Tout cela contribue à donner au procès des attentats de Bruxelles un air de cacophonie là où on on serait en droit d'espérer tempérance et dignité. Plus de mille parties civiles attendent patiemment que justice soit rendue.