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Têtes couronnées

Conjectures autour du trône de Belgique

Une union royale (très théorique) entre personnes du même sexe poserait la question du futur de leur descendance.

La princesse Elisabeth (2e à droite de l'image) est la première dans l'ordre de succession au roi Philippe.

La princesse Elisabeth (2e à droite de l'image) est la première dans l'ordre de succession au roi Philippe. © PHOTO: AFP

Max Helleff

De notre correspondant MAX HELLEFF (Bruxelles) - Qu’adviendrait-il si demain l’héritier du trône de Belgique devait contracter un mariage gay ? La question, venue tout droit des Pays-Bas, oblige en ce moment les constitutionnalistes belges à réviser leurs notes.

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Tout commence avec les révélations de Peter Rehwinkel. Cet ancien parlementaire néerlandais affirme dans un livre qu’Amalia, la fille aînée du roi des Pays-Bas Willem-Alexander et de la reine Máxima, pourrait se voir refuser l’accès au trône en cas de mariage avec une personne du même sexe. «Question théorique», a depuis décrété le Premier ministre Mark Rutte, avec la volonté manifeste de calmer le jeu.

La même question est pourtant posée en Belgique, au moment même où tout est fait pour présenter au pays sa future reine. Elisabeth, la fille de Philippe et de Mathilde, est sur tous les fronts : mission caritative avec sa mère en Afrique, entraînement militaire, entrée à la prestigieuse université d’Oxford. La vie publique d’Elisabeth (qui fêtera ses 20 ans ce 25 octobre) s’étoffe de mois en mois. Sa vie privée, au contraire, échappe jusqu'ici aux paparazzi.

Celle qui est présentée comme la future reine de Belgique, ici à droite, avait assisté aux obsèques du Grand-Duc Jean en mai 2019.

Celle qui est présentée comme la future reine de Belgique, ici à droite, avait assisté aux obsèques du Grand-Duc Jean en mai 2019.

C’est donc très «théoriquement» que le cas d’une union entre personnes du même sexe est envisagé par les observateurs de la monarchie belge. Et la réponse est apparemment simple: «Il n’y aurait aucun souci, parce que les lois sur le mariage sont claires en Belgique et que la Constitution ne prévoit rien comme condition, si ce n’est l’autorisation du roi, donc du gouvernement, au mariage», explique le constitutionnaliste Marc Uyttendaele au Soir.

Depuis 2003, le mariage entre personnes du même sexe est autorisé en Belgique. Et cela vaut pour tous les Belges, y compris leurs souverains. Il existe toutefois une précision importante : le ou la futur(e) marié(e) doit obtenir le consentement du roi. Au cas contraire, il ou elle sera «déchu(e) de ses droits à la couronne». Historiquement, cette condition a été introduite à la demande de Léopold II qui voulait garder le contrôle sur le mariage de son neveu, le futur Albert Ier.

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C’était il y a plus d’un siècle. Aujourd'hui, il va de soi que le roi qui ferait obstacle au mariage de l’héritier du trône serait taxé de discrimination. Dans un autre registre, il serait impensable de nos jours qu’un souverain s’érige contre la dépénalisation de l’avortement, comme le fit Baudouin en 1990. Le gouvernement de l’époque avait déclaré le pieux souverain dans l’impossibilité de régner pendant 24 heures, évitant au pays une crise majeure.

Tout n’est pas réglé pour autant. L’enfant aîné d’un couple royal formé de personnes du même sexe pourrait en effet se voir barrer l’accès au trône au motif que «les pouvoirs constitutionnels du roi sont héréditaires dans la descendance directe, naturelle et légitime de S.M. Léopold, Georges, Chrétien, Frédéric de Saxe-Cobourg, par ordre de primogéniture».

En contradiction

Autrement dit, selon la Constitution, seul le lien du sang remontant à Léopold Ier, premier souverain de la Belgique indépendante, peut faire un chef de l'Etat.

Selon plusieurs constitutionnalistes, cette disposition ne tient toutefois plus car elle contrevient à la Convention européenne des droits de l’homme et à la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, ratifiées par la Belgique. Mais on voit mal comment le pays échapperait à un vaste débat en cas de procréation royale médicalement assistée ou de gestation pour autrui.

La Constitution belge demande donc d’être dépoussiérée, ici aussi. Mais pour cela, une majorité des deux tiers est nécessaire au Parlement.

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