Coup de pouce au nucléaire belge
L’agence gouvernementale en charge de la sécurité des centrales estime que deux d’entre elles peuvent rester en activité au-delà de 2025
Le gouvernement belge doit prendre une décision sur l'avenir du nucléaire dans le pays dans deux mois. © PHOTO: D. R.
De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles)- C’est le dernier rebondissement en date dans la saga nucléaire belge. L'agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) estime qu'il est possible de continuer à exploiter les réacteurs les plus récents «mais seulement si les installations sont mises à jour». Et l’agence d’insister : «Pour que tout soit en ordre en 2025, il faut avant tout que le gouvernement prenne une décision claire au premier trimestre 2022.»
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L’AFCN précise encore que «les réacteurs de dernière génération remplissent déjà largement ces exigences, même s'il reste un certain nombre d'améliorations à apporter avant toute prolongation de leur exploitation en 2025».
Inutile de dire que ce bon bulletin apporte de l’eau au moulin des pronucléaires, même s’il est assorti de conditions. Ces dernières années, la vétusté des centrales belges a pourtant été régulièrement pointée du doigt et l’AFCN s’est plus d’une fois montrée alarmiste. Aujourd’hui, à deux mois exactement du jour où le gouvernement De Croo prendra la décision d’abandonner – complètement ou partiellement – l’atome, l’agence déclare les centrales de Doel 4 (Anvers) et Tihange 3 (Huy) bonnes pour le service moyennant «améliorations».
Une décision le 18 mars
Ce constat répond au risque hypothétique de voir le pays manquer d’électricité après 2025, date à laquelle la loi prévoit la fermeture des centrales. La Belgique n’a pas suffisamment développé les énergies renouvelables et l’objectif de remplacer le nucléaire par des centrales au gaz rencontre de solides obstacles. Le maintien en activité de deux réacteurs résoudrait en partie le problème.
Mais il ne reste que peu de temps avant la décision gouvernementale du 18 mars. Or pour maintenir les centrales en activité, il faut changer la loi, réaliser une étude d’incidence environnementale internationale, renoncer au mécanisme de subsides en faveur du gaz accepté par la Commission européenne, rénover les installations et se procurer le combustible nucléaire…
C’est ici que l’AFCN invite Engie/Electrabel, le gestionnaire des centrales, à se remettre en selle. A la fin 2020 en effet, Engie a fait comprendre au gouvernement De Croo qu’il renonçait à investir dans le nucléaire belge à défaut d’avoir des garanties au-delà de 2025. «L’exploitant des centrales nucléaires est le premier responsable de la sûreté de ses installations», rappelle l’AFCN. A lui de faire les propositions nécessaires pour rendre possible la prolongation des deux réacteurs. Et au gouvernement d’en tirer son parti.
Les Bleus se réjouissent
Le rapport de l’agence de contrôle nucléaire tombe à point nommé pour les libéraux de Georges-Louis Bouchez, un des sept partis de la coalition Vivaldi au pouvoir. Le président des Bleus se réjouit de sa teneur, flanqué des libéraux flamands – même si leur leader Alexander De Croo clame qu’il faut fermer le nucléaire conformément à l’accord de gouvernement. La ministre de l’Energie, l’écologiste Tinne Van der Straeten, estime pour sa part que ce rapport ne change rien, puisque la sortie du nucléaire est précisément reprise dans l’accord gouvernemental.
Depuis plusieurs mois, des études et des rapports très divergents sont produits autour et aux alentours du nucléaire belge. Experts, institutions, lobbys… tous y vont de leur vérité. Ils tentent de faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre en répondant à ces deux questions : l’approvisionnement de la Belgique en électricité après 2025 est-il garanti ? Et y a-t-il un risque d’inflation pour la facture d’électricité des ménages ? Les réponses, comme on le voit, varient en fonction des intérêts des uns et des autres…