Des chrétiens-démocrates aux airs de Robin des Bois
Le CD&V flamand, l’un des sept partis du gouvernement De Croo, veut déplacer les impôts sur le travail vers les plus riches.
L’idée de prendre davantage aux riches est soumise par leur président du CD&V chrétien-démocrate flamand Joachim Coens dans plusieurs médias. © PHOTO: Photo d'illustration: LW
De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles) - C'est un peu l'Arlésienne : dans un pays qui taxe faiblement les grandes multinationales et les grands propriétaires immobiliers, l'annonce d'un impôt sur le capital fait mouche à tous les coups. Mais cette fois, ce ne sont pas les communistes du PTB qui entonnent ce refrain, mais le CD&V chrétien-démocrate flamand.
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L'idée de prendre davantage aux riches est soumise par leur président Joachim Coens dans plusieurs médias. Il y annonce des «propositions radicales» en matière de fiscalité pour la rentrée. Le CD&V peut faire pencher la balance dès lors qu'il détient le portefeuille des Finances dans l'actuel gouvernement De Croo.
«Ressusciter» le CD&V
«Nous devons déplacer les impôts sur le travail vers les plus riches. En octobre, nous organiserons un congrès sur les revenus des citoyens. Ce sera notre core business», affirme Joachim Coens. «Une entreprise peut faire des bénéfices, mais elle doit aussi contribuer à la collectivité. Il n'est pas normal que les grandes entreprises réalisent des bénéfices gigantesques, mais paient très peu d'impôts, alors que leurs propres employés s'en sortent difficilement.»
Pour Joachim Coens, la concrétisation de ces propositions est à même de permettre au CD&V - ou « plus largement au centre politique» - de «ressusciter».
C'est l'élection présidentielle française qui inspire l'homme politique flamand: les partis traditionnels de l'Hexagone, constate-t-il sans surprise, «ont été remplacés par un puissant parti du centre, celui de Macron, et deux extrêmes populistes, un de gauche, l’autre de droite. C'est un avertissement pour nous»
Une entreprise peut faire des bénéfices, mais elle doit aussi contribuer à la collectivité
Mais Joachim Coens aurait très bien pu aussi y aller d'un parallèle avec la Flandre. Depuis 2010, le CD&V vit dans l'ombre de la N-VA de Bart De Wever qui a lui volé le leadership en appuyant sur la pédale «nationalisme». Son autre concurrent est le Vlaams Belang (extrême droite) qui a emporté les élections législatives de 2019 grâce à un programme d'inspiration sociale, voire ouvriériste. Celui-ci lui a permis de capter les voix d'électeurs qui votaient autrefois à gauche.
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Joachim Coens arrive à la fin de son mandat présidentiel et ne veut de toute évidence pas laisser son parti sans armes alors que les législatives de 2024 pointent déjà le bout du nez. Il aura fort à faire : le CD&V ne serait plus aujourd'hui que le quatrième parti de Flandre selon un sondage, avec un score faiblard de 11,3% d'intentions de vote.
Ces dernières années, on a surtout entendu les chrétiens-démocrates sur le terrain éthique – notamment lors de la révision de la loi sur l'avortement. L'idée de taxer les gros revenus aurait le mérite de les recentrer dans le débat public, les Belges peinant comme souvent ailleurs en Europe face à la hausse du coût de la vie.
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Les arguments pour aller dans cette direction ne manquent pas. L'inflation est au-dessus des 8%, le coût des énergies s'est enflammé, l'accès au logement est un vrai problème, etc. Dans la colonne d'en face, les finances publiques sont en souffrance. 36,2 milliards d'euros (3.142 euros par Belge) ont été dépensés pour lutter contre la pandémie de coronavirus et soutenir les familles ainsi que l'économie. Le pays doit aussi se réarmer.
La Belgique doit donc trouver de l'argent mais ne dispose que d'une faible marge de manœuvre fiscale, sachant qu'elle pratique déjà l'une des taxations sur les personnes physiques les plus hautes d'Europe. Les propositions du CD&V devraient ainsi trouver un écho certain.