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Politique en Belgique

Des députés belges en infraction avec la loi

Deux ex-présidents de la Chambre ont touché des indemnités trop généreuses au regard de la législation.

La Chambre a commandé une étude juridique à deux cabinets d’avocats. Elle vient de démontrer que le montant perçu par Siegfried Bracke et Herman De Croo viole bien la législation sur le plafond de pension.

La Chambre a commandé une étude juridique à deux cabinets d’avocats. Elle vient de démontrer que le montant perçu par Siegfried Bracke et Herman De Croo viole bien la législation sur le plafond de pension. © PHOTO: Shutterstock

Max Helleff

De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles)

Des anciens présidents de la Chambre ont touché des indemnités de départ qui, en s’ajoutant à leur retraite légale, ont abouti à un montant excessif aux yeux de la loi. Aucun contrôle n’était exercé. Voilà en résumé la dernière affaire qui secoue le monde politique. Elle survient au moment où la Commission européenne s’interroge sur la soutenabilité du système de pension belge.

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Tout a commencé le 1er mars lorsque la présidente de la Chambre Eliane Tillieux (PS) a dénoncé la distribution d’indemnités complémentaires à la pension, lesquelles profitaient à de hauts fonctionnaires ayant œuvré pour l’institution. Problème: cet argent engrangé, ils touchaient un revenu brut supérieur à 7.813,4 euros par mois, soit la limite légale pour les retraites du secteur public.

Mais l’affaire n’aurait pas connu une telle publicité si ce système n’avait profité également aux anciens présidents de la Chambre. Dès lors qu’ils ont officié pendant au moins deux ans, ceux-ci ont bénéficié d’une indemnité spécifique mensuelle à partir de leur soixantième anniversaire. Deux noms sont alors ressortis: le nationaliste flamand Siegfried Bracke (N-VA), un ancien journaliste devenu un des hommes liges de Bart De Wever, et le libéral flamand Herman De Croo, le père de l’actuel Premier ministre Alexander De Croo.

Ces deux personnalités ont réagi différemment. Siegfried Bracke a estimé qu’il n’y avait «pas d’illégalité et encore moins de fraude». Herman De Croo n’a pas tergiversé: il a décidé de donner la somme contestée à la Fondation contre le cancer – alors qu’elle devrait retourner logiquement à la Chambre.

Un changement législatif

Ce système d’indemnités avait le bon droit pour lui, du moins en partie. En 1982, la Chambre et le Sénat se sont en effet attribué à l’occasion d’un changement législatif le contrôle des pensions de leurs parlementaires. «La réglementation relative aux pensions des membres des Chambres législatives (…) est de la compétence exclusive de chacune de ces Chambres», peut-on lire dans le texte. «Ces Chambres» autogéraient donc les indemnités, sans s’embarrasser de vérifications externes. Mais, est-il écrit, «cette réglementation ne peut toutefois déroger aux dispositions légales qui, dans le secteur public, régissent le plafond des pensions de retraite». Les fameux 7.813,4 euros bruts par mois...

Ce qui signifie que, même si la loi de 1982 couvre le dispositif de distribution d’indemnités mis en place il y a 40 ans par la Chambre et le Sénat, ses députés et hauts fonctionnaires ne peuvent pour autant empocher une retraite supérieure au plafond mensuel fixé par la même loi.

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Pour en avoir le cœur net, la Chambre a commandé une étude juridique à deux cabinets d’avocats. Elle vient de démontrer que le montant perçu par Siegfried Bracke et Herman De Croo viole bien la législation sur le plafond de pension. Le Bureau de la Chambre a donc eu raison de suspendre le versement des indemnités accordées aux deux ex-présidents de l'institution.

Le système d’indemnités n'est pas illégal, estiment en somme ces bureaux d’avocats, mais le total des sommes reçues l’est bien. Jamais la Chambre n’aurait dû approuver le paiement de ces suppléments sans s’inquiéter du montant qu’ils allaient contribuer à dépasser. Aujourd’hui, le Bureau entend récupérer le trop perçu.

Dans les rangs de l'opposition, le PTB communiste a réclamé le remboursement des montants versés tout en demandant une commission d'enquête. «C'est le meilleur moyen de garantir que l'ensemble du dossier soit examiné et discuté en toute transparence», a fait valoir la cheffe de groupe Sofie Merckx.

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