Des quantités hallucinantes de drogues dans les égouts
La ville d'Anvers et ses alentours concentrent un nombre hallucinant de stupéfiants dans les eaux usées, confirmant le triste statut de plaque tournante mondiale de la drogue.
Cette année, l'Observatoire s'est penché sur les eaux usées provenant de 104 villes européennes, dont Bruxelles, Anvers et Sarrebruck. © PHOTO: Shutterstock
En avril 2020, en pleine pandémie, le LIST lançait l'opération Coronastep. L'objectif? Quantifier la charge virale du covid-19 présente dans les eaux usées des ménages luxembourgeois. Des échantillons d'eau arrivant dans les stations d'épuration du Grand-Duché étaient ainsi analysés afin de permettre, aux autorités sanitaires, de dépister en amont les principales localisations de foyers ou détecter de nouvelles zones où le virus circule activement. Trois ans plus tard, le projet Coronastep est toujours d'application.
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Il n'a toutefois pas fallu attendre une pandémie mondiale avant que les autorités s'intéressent de près à nos eaux usées. Depuis 2011, l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) et le réseau européen SCORE appliquent le même procédé afin d'estimer la consommation, ou tout du moins la présence, de drogues au sein d'une région. Cannabis, cocaïne, amphétamine, méthamphétamine et MDMA/Ecstasy, aucune drogue n'échappe aux analyses, dont les résultats concernant l'année 2022 ont été publiés ce mardi.
104 villes européennes analysées
Cette année, l'Observatoire s'est penché sur les eaux usées provenant de 104 villes européennes, dont Bruxelles, Anvers et Sarrebruck, en ce qui concerne les plus proches du Luxembourg. Si l'étude démontre que, dans l'ensemble, toutes les drogues illicites étudiées ont été trouvées dans presque toutes les villes ayant participé au projet, les charges des différentes drogues stimulantes détectées dans les eaux usées en 2022 variaient considérablement d'un lieu d'étude à l'autre.
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C'est notamment le cas à Anvers, qui confirme sa triste réputation de porte d'entrée des stupéfiants en Europe en raison de son gigantesque port. C'est bien simple. En moyenne, en 2022, près de 2,4g de résidus de cocaïne ont ainsi été retrouvés, chaque jour et pour 1.000 habitants, dans les eaux usées de la commune. C'est le plus haut taux relevé en Europe et est en très nette augmentation depuis quelques années, preuve, s'il en fallait encore une, de l'expansion des narcotrafiquants en Belgique.
Même constat en ce qui concerne les amphétamines (0,5g/jour relevé, 3e plus haut taux) que la MDMA (0,13g/jour, 2e plus haut taux), ces deux stupéfiants se retrouvent plus qu'auparavant dans les eaux usées.
Rappelons que près de 110 tonnes de cocaïne ont été saisies par les autorités belges en 2022 dans le port d'Anvers, soit un nouveau record. En Amérique latine, le Panama, la Colombie et l'Équateur sont les trois principaux pays d'expédition de la cocaïne vers l'Europe.
La présence de cocaïne dans les égouts a doublé à Bruxelles
Une fois la douane passée, la fameuse poudre blanche est ensuite transportée puis reconditionnée dans des labos clandestins. Il n'est pas rare qu'une partie de cette drogue, perdue lors du reconditionnement, se retrouve dans les égouts et rejoigne l'urine des consommateurs, déjà chargée en stupéfiants.
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La drogue reconditionnée est enfin écoulée dans la plupart des grandes villes européennes. De par sa proximité avec Anvers, la capitale bruxelloise en fait malheureusement les frais. Près d'un gramme de résidus de cocaïne était retrouvé chaque jour dans les égouts de Bruxelles en 2022, ce qui en fait le 4e plus haut taux d'Europe (Tarragone et Amsterdam complétant le podium avec Anvers). Selon le monitoring, la présence de ces résidus a doublé entre 2020 et 2022!
Et puis il y a Sarrebruck, la capitale de la Sarre et la ville analysée la plus proche géographiquement du Luxembourg. Contrairement aux deux villes belges, les analyses des eaux usées ne démontrent pas une hausse de la présence de stupéfiants dans les eaux usées. Ainsi, environ 0,2g de résidus de cocaïne ont été retrouvés quotidiennement. De tous les sites analysés en Allemagne, c'est également à Sarrebruck que l'on retrouve la plus grande concentration d'amphétamines dans les échantillons prélevés (0,36g/jour, 4e plus haut taux européen)
Du crack retrouvé à Anvers
En raison de sa proximité avec la frontière française, la ville allemande est un passage incontournable pour les trafiquants. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'en février dernier, la police sarroise a arrêté un camion avec plus de 100 kilos de drogue à son bord.
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Globalement, les charges de stupéfiants observées dans les eaux usées indiquent que la consommation de cocaïne reste la plus élevée dans les villes d'Europe occidentale et méridionale. «En particulier dans les villes de Belgique, des Pays-Bas, du Portugal et d'Espagne», explique l'étude. «De faibles niveaux ont été relevés dans la majorité des villes d'Europe de l'Est, bien que les données les plus récentes montrent certains signes d'augmentation».
On apprend, par ailleurs, qu'un récent projet européen sur les eaux usées, baptisé EUSEME, a trouvé des résidus de crack dans les 13 villes participantes et pour tous les jours d'échantillonnage. «Les charges les plus élevées étant signalées à Amsterdam et Anvers», note l'étude.
Une étude similaire réalisée en 2019 au Luxembourg
La consommation de drogues au Luxembourg est aussi une réalité. Néanmoins, les eaux usées du pays n'ont fait l'objet d'aucune analyse de la part de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) depuis le lancement du monitoring.
Cependant, en 2019, le Laboratoire national de santé (LNS) ainsi que le LIST s'étaient «prêtés au jeu» en prélevant des échantillons des eaux usées à Pétange en vue d'en étudier la charge en stupéfiants. Les résultats de l'époque avaient de quoi surprendre. Avec 541mg par jour pour 1.000 habitants, la cocaïne confirmait son statut de drogue dure la plus répandue au Grand-Duché.
On apprenait d'ailleurs que Pétange se trouvait dans la moyenne haute au niveau européen et similaire aux villes de Bâle et Genève, mais inférieure aux leaders Amsterdam, Bristol et Zurich. Pareil pour la MDMA/Ecstasy qui étaient, selon l'étude, plus consommées au Luxembourg que dans le reste de l'Europe. Les chercheurs s'étaient également étonnés de détecter du Crystal Meth (méthamphétamine) dans les analyses. «Car cette substance n’est que très rarement dépistée dans les saisies analysées au LNS», notaient-ils.
Ceux-ci rappelaient toutefois que ces analyses ne donnaient pas d'indication sur la qualité des drogues consommées, ni sur le nombre de consommateurs à Pétange et alentours, mais «seulement» sur la quantité totale de drogues consommées.