En France, l'exécutif cherche une voie de sortie dans un climat électrique
La contestation de la réforme des retraites n'en finit pas en France. Alors que l'exécutif veut jouer la carte de «l'apaisement», une 10e journée de mobilisation est prévue ce mardi.
La Première ministre Elisabeth Borne (à droite), ici en compagnie de la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, lance trois semaines de consultation avec les partis politiques et les partenaires sociaux. © PHOTO: AFP
(AFP) - A la veille d'une dixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, l'exécutif tente de reprendre la main en clamant sa volonté d'«apaisement» et en dessinant une feuille de route tournée vers l'avenir, dans une atmosphère de plus en plus tendue.
Lire aussi :Avant une 10e journée de mobilisation, la crainte du «chaos» s'installe
Inflexible sur le fond de la réforme, qui recule notamment l'âge de départ de 62 à 64 ans, Emmanuel Macron n'a toujours pas trouvé les clés pour éteindre la colère de la rue. Le chef de l'Etat et ses ministres ont pourtant répété à l'envi leur souhait d'aplanir la situation, à l'image d'Elisabeth Borne dimanche soir.
«Il y a de la tension forcément en lien avec la réforme. Il faut être à l'écoute de cela», a-t-elle reconnu auprès de l'AFP. La Première ministre s'est ainsi fixé deux objectifs: «apaiser le pays face à ces tensions et accélérer les réponses aux attentes des Français.»
Trois semaines de consultations
Pour ce faire, Mme Borne va ouvrir lundi une vaste séquence de consultations étalées sur trois semaines, avec les parlementaires, les partis politiques, les représentants d'élus locaux et les partenaires sociaux s'ils le souhaitent. Ce «plan d'action» sera d'abord détaillé à midi à Emmanuel Macron, puis, toujours à l'Elysée, aux cadres de la majorité, parmi lesquels les patrons de groupes parlementaires, les chefs de parti et quelques membres de gouvernement.
Lire aussi :Macron exclut une dissolution ou un remaniement
La Première ministre doit aussi rencontrer dans l'après-midi les présidents de commission à l'Assemblée, puis enchaînera mardi avec les présidents du Sénat Gérard Larcher et de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet. En jeu: esquisser un «programme législatif» de textes en s'assurant de bâtir dessus «des majorités en amont» et ainsi éviter le recours à un nouveau 49.3.
Une mobilisation crescendo ?
«A-t-on besoin d'apaisement? Evidemment et il y a une manière très simple de l'obtenir, c'est de retirer le texte», a de son côté estimé l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon, en appelant aussi au départ de Mme Borne.
Aux syndicats, qui demandent le retrait ou, tout du moins, la suspension de la réforme, Mme Borne propose de «reprendre le travail» sur différents chantiers, de la pénibilité à l'emploi des seniors, en passant par les reconversions.
Cela suffira-t-il à les amadouer, alors que le patron de la CFDT Laurent Berger fustigeait encore ce week-end dans un entretien à la revue Le Grand continent «l'absence de dialogue, l'injustice de la mesure et l'incompréhension d'une mobilisation sociale de ces deux mois et demi» ?
Laurent Berger répond à la main tendue d'Elisabeth Borne
Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a appelé lundi le gouvernement à un «bougé très fort sur les retraites», ajoutant qu'il n'accepterait «la main tendue» d'Elisabeth Borne aux syndicats, que si la réforme était «mise de côté». «Il faut un bougé très fort du gouvernement sur les retraites», a déclaré le responsable syndical, interrogé sur France 2 à la veille d'une nouvelle journée de mobilisation.
Jusqu'au matin de la précédente journée d'action jeudi dernier, l'exécutif tablait sur une décrue de la contestation, à l'image de ce ministre de premier plan: «le scénario le plus probable est que le Conseil constitutionnel valide le texte et la grogne sociale se calme». La mobilisation s'en est finalement allée crescendo, entre 1,09 million (Beauvau) et 3,5 millions (CGT) de participants.
Lire aussi :«Cette journée de mobilisation de jeudi n'est pas un baroud d'honneur»
Ce rebond s'est aussi accompagné de violences en marge des cortèges, avec 457 interpellations et 441 policiers et gendarmes blessés, dans un climat général électrique. Le terrain des affrontements s'est déplacé samedi à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, où une manifestation contre les bassines a fait des dizaines de blessés du côté des forces de l'ordre comme des manifestants, avec un membre du cortège entre la vie et la mort dimanche.
L'IGPN saisie de 17 enquêtes
La polémique enfle aussi autour d'un «usage excessif de la force», selon les mots du Conseil de l'Europe. Au total, l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie de 17 enquêtes judiciaires depuis la première journée nationale de mobilisation contre la réforme des retraites en janvier, a indiqué dimanche sa directrice.
Samedi, les défilés qui ont réuni quelques centaines de personnes dans plusieurs villes n'ont pas donné lieu à des débordements majeurs, et les regards seront braqués sur ceux de mardi, avec notamment un cortège parisien qui défilera de la place de la République à Nation.
Encore de grosses perturbations dans les transports
Sur le terrain en Ile-de-France, le trafic des RER s'annonce «très perturbé» mardi, avec un train sur deux sur les lignes A et B, selon la RATP. Dans le métro, les fréquences de passage seront réduites sur la plupart des lignes, dont certaines fermeront plus tôt que d'habitude. Les prévisions de circulation à la SNCF seront connues lundi.
Lire aussi :En Moselle, les grévistes ne relâchent pas la pression
Dans la capitale, où des éboueurs sont en grève depuis plus de 20 jours, le volume de déchets non ramassés était en baisse dimanche avec 7.828 tonnes toujours en souffrance.
Et la direction générale de l'aviation civile a aussi demandé aux compagnies d'annuler 20% de leurs vols à Paris-Orly, Marseille, Toulouse et Bordeaux mardi et mercredi.