Feu vert pour les centrales au gaz belges
La Commission européenne approuve un mécanisme susceptible de favoriser la construction de centrales au gaz pour compenser la fin de l'atome en Belgique. Hic : ces équipements sont de gros émetteurs de CO2. Un mal pour bien?
La production nucléaire pèse encore 39% dans le mix énergétique belge. © PHOTO: Reuters
De notre correspondant MAX HELLEFF (Bruxelles) - La Commission européenne vient de donner un coup de pouce à la sortie de la Belgique du nucléaire, sortie programmée en 2025. Elle approuve en effet le Mécanisme de rémunération de capacité (CRM en abrégé) qui doit permettre au pays de se donner via des enchères organisées à l'avance des «capacités» de production d'énergie (non nucléaire) pour les années qui suivront la fermeture des centrales. Elle ouvre en conséquence la voie à la construction de nouvelles centrales au gaz, l'option qui a actuellement la cote.
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Pour la Commission, ce CRM est apte à assurer la sécurité d’approvisionnement du pays en dépit de la fermeture annoncée de la filière atomique, sans distorsion de concurrence et tout en s’inscrivant dans le cadre du Green Deal.
Cette décision clôt une enquête ouverte par la Commission en septembre 2020 afin de déterminer si ce mécanisme ne constituait pas une aide d’État déguisée; laquelle aurait faussé les règles de la concurrence tout en barrant le recours à certaines options technologiques. Les services de la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, se disent aujourd'hui rassurés.
C’est une victoire pour le gouvernement De Croo, du moins pour sa frange antinucléaire. Pour la ministre de l’Energie, l’écologiste Tinne van der Straeten, grâce à cette autorisation, la voie menant vers une énergie 100% renouvelable est engagée et la sécurité d’approvisionnement est garantie (…) Les personnes qui souhaitent investir dans notre pays peuvent désormais le faire.»
Toutefois, comme le rappellent plusieurs médias, le blanc-seing de la Commission «constitue une étape indispensable, mais pas suffisante, à la fermeture annoncée des centrales nucléaires en Belgique». Car les autorités devront encore veiller au bon atterrissage des procédures préalables à la construction des nouvelles capacités de production, tout en étant certaines que celles-ci garantissent bien la sécurité d’approvisionnement du pays.
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Par ailleurs, moins d’un mois après le sixième rapport d’évaluation du Giec (la première partie dédiée aux données géophysiques du changement climatique ), il peut sembler paradoxal d'ouvrir la voie à la construction de centrales au gaz certes productrices d'électricité, mais aussi de CO2 en masse. «Par le biais des fonds de relance européens, nous investissons également dans le développement de technologies qui rendront les centrales électriques climatiquement neutres», réplique la ministre Tinne Van der Straeten.
Si le calendrier est respecté, le premier réacteur belge devrait fermer fin 2022. A terme, deux à trois centrales au gaz additionnelles (soit 2,3 GW) seront nécessaires pour compenser la fin de l'atome, estime la ministre de l’Energie. Cela prendra donc du temps et d'aucuns ne désespèrent pas de prolonger la vie au-delà de 2025 des deux réacteurs nucléaires les plus récents (Tihange 3 et Doel 4). Mais on sait aussi qu’Engie, faute d’avoir des garanties suffisantes, refuse pour l’heure d’investir dans cette solution.
Au sein du gouvernement De Croo, le Mouvement réformateur (libéral francophone) estime que l’option du prolongement nucléaire permettrait de conserver près de 40% de la production électrique. Ce positionnement -qui prend le contre-pied du partenaire écologiste- promet d’agiter la majorité gouvernementale dans les prochains mois.
Pour le groupe citoyen Dégaze, «le rejet du CRM aurait été une excellente occasion pour l'Europe de donner à la Belgique un coup de pouce dans la bonne direction, en s'éloignant des combustibles fossiles et de l'énergie nucléaire pour se tourner vers les économies d'énergie et l'énergie durable».
Pour Greenpeace, le «CRM est un mal nécessaire». «Toutefois, poursuit l’ONG, si les politiques adéquates sont mises en œuvre rapidement et efficacement, nous pouvons encore nous passer de nouvelles centrales au gaz», l’essentiel étant de tourner la page du nucléaire.