Grosse fissure dans un réacteur: EDF encore sous pression
Une importante fissure a été repérée sur un réacteur à l'arrêt d'une centrale de Seine-Maritime. Le gendarme du nucléaire français a demandé à EDF de «réviser sa stratégie» concernant le phénomène de corrosion sous contrainte. Qu'en est-il à Cattenom?
Deux des unités de production de la centrale de Cattenom fonctionnent actuellement. Les deux autres sont à l'arrêt, pour travaux. © PHOTO: Photo d'illustration: AFP
(Pascal Mittelberger, avec AFP) - EDF a été sommé mardi par le gendarme du nucléaire de «réviser sa stratégie» pour résoudre les problèmes qui perturbent lourdement ses centrales depuis fin 2021, après la découverte d'une fissure d'ampleur sur un circuit de secours d'un réacteur à l'arrêt, Penly 1, en Seine-Maritime.
Lire aussi :Un projet de loi pour accélérer sur le nucléaire en France
Passée inaperçue jusqu'à sa médiatisation mardi par le site Contexte, une note d'EDF publiée le 24 février indique avoir décelé à Penly 1 un «défaut significatif de corrosion sous contrainte» sur une conduite de secours servant à refroidir le réacteur en cas d'urgence.
Une fissure de plus de 2cm de profondeur
Jusqu'ici dans le phénomène observé à EDF, il n'était question que de micro-fissures, de l'ordre de quelques millimètres. Mais la nouvelle fissure qui se trouve à proximité d'une soudure, «s'étend sur 155 mm, soit environ le quart de la circonférence de la tuyauterie, et sa profondeur maximale est de 23 mm, pour une épaisseur de tuyauterie de 27 mm», détaille l'ASN.
La fissure d'ampleur découverte par EDF à Penly 1 est un «sujet sérieux» et «pose problème», a souligné ce mercredi devant les sénateurs le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). «La corrosion sous contrainte est un sujet sérieux. Ce ne sont pas des micro-fissures. Quand il ne reste que 4 mm sur une épaisseur de 27, ça pose problème», a-t-il ajouté.
Lire aussi :La France s'allie à dix Etats de l'UE pour défendre le nucléaire
Au vu de ces nouvelles informations, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a demandé à EDF de «réviser sa stratégie» sur le traitement de la corrosion sous contrainte de certains de ses réacteurs. EDF, qui s'est refusé à tout commentaire, pourrait devoir mener des recherches et inspections plus exhaustives dans son parc nucléaire.
«Cet événement n'a pas eu de conséquence sur le personnel ni sur l'environnement. Toutefois, il affecte la fonction de sûreté liée au refroidissement du réacteur», souligne l'ASN dans sa note d'information.
Quelles conséquences pour Cattenom ?
Au moment où EDF estimait être en sortie de crise sur le traitement de ce phénomène, cette découverte jette de nouvelles incertitudes sur la production nucléaire de l'électricien pour 2023, après une année noire plombée par les déboires de son parc nucléaire.
Quelles conséquences aura cette mise en garde de l'ASN pour la centrale nucléaire de Cattenom? On ne le sait pas encore, EDF n'a pas répondu, pour l'instant, à la demande de l'ASN de réviser sa stratégie.
Lire aussi :Bientôt deux nouveaux réacteurs à la centrale de Cattenom?
À la centrale mosellane, toute proche de la frontière luxembourgeoise, ce phénomène de corrosion sous contrainte a rythmé toute l'année 2022, et des travaux sont encore en cours. Début février, l'unité n°1 avait été remise en service après sa maintenance annuelle. Cette unité ainsi que les n°2 et n°4 fonctionnaient alors normalement pour alimenter le réseau électrique national.
Deux des quatre unités sont à l'arrêt
Mais en ce début du mois de mars, dans la nuit du vendredi 3 au samedi 4 précisément, c'est l'unité n°2 qui a été mise à l'arrêt, une opération programmée pour sa maintenance annuelle (rechargement d’un tiers du combustible contenu dans le réacteur, activités de robinetterie, travaux sur le pressuriseur, épreuve hydraulique sur les générateurs de vapeur…). «En parallèle de ces activités, et conformément à la stratégie d’EDF dans le cadre du traitement de l’affaire de corrosion sous contrainte, les équipes procéderont au remplacement préventif complet des tuyauteries du circuit d’injection de sécurité du réacteur», précise également la direction de la centrale dans son communiqué.
L'unité n°3, quant à elle, est toujours à l'arrêt, depuis un an maintenant. Les travaux de réparation sur les tuyauteries s'y poursuivent. «Les équipes réalisent actuellement plus de 4.000 activités prévues dans le cadre des opérations de redémarrage», indique EDF Cattenom, dans le même communiqué daté du 4 mars.
Plusieurs incidents et grande vigilance au Luxembourg
Évidemment, ces travaux, et l'activité de la centrale nucléaire en général, sont suivis de près au Luxembourg. Et ce d'autant plus que différents incidents se sont produits en ce début d'année 2023. Début février, un salarié intervenant sur le réacteur n°3 a subi une contamination corporelle externe ayant entrainé une exposition radiologique «dose peau» supérieure à la limite réglementaire annuelle. Mi-février et début mars, des détections tardives d’un non-respect des spécifications techniques d’exploitation ont été déclarées auprès de l'ASN. Enfin, vendredi 3 mars en soirée, les secours sont intervenus sur le site de la centrale pour un départ de feu sur un ventilateur d’un local situé en zone nucléaire de l’unité de production n°1.
Lire aussi :Cattenom: le réacteur n°1 fait réagir jusqu'au gouvernement
En réponse à une question parlementaire des députés (DP) Gusty Grass et Max Hahn au sujet de la rigueur et de la fiabilité des contrôles et travaux menés par EDF, le ministre de l'Energie Claude Turmes (déi Gréng) a détaillé les procédures d'inspection de l'ASN.
Le ministre a conclu son propos ainsi: «Force est de constater qu’après toutes les analyses effectuées, l’origine du phénomène des fissures n’a toujours pas été déterminée avec certitude et qu’il y a de fortes probabilités que le design des réacteurs joue un rôle. Ainsi, le gouvernement reste concerné et s’engagera en faveur d’un monitoring régulier de tous les réacteurs de la centrale de Cattenom pour assurer la détection précoce de nouvelles fissures». Sa réponse date de ce mardi 7 mars et l'actualité semble lui donner raison puisque ce même jour, l'ASN mettait en garde EDF à la suite de la découverte de la nouvelle fissure à Penly 1.