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Des accusés toujours absents

L’horreur au procès des attentats de Bruxelles

Les enquêteurs ont produit les clichés pris immédiatement après l’explosion des bombes qui ont fait seize morts le 22 mars 2016.

Depuis le début du procès, les accusés ont à plusieurs reprises demandé à quitter leur box pour protester contre leurs conditions de transfert et de détention.

Depuis le début du procès, les accusés ont à plusieurs reprises demandé à quitter leur box pour protester contre leurs conditions de transfert et de détention. © PHOTO: Olivier MATTHYS/POOL/AFP

Max Helleff

De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles)

L’interrogatoire des accusés du procès des attentats de Bruxelles avait été programmé cette semaine. Les déclarations de Mohamed Abrini étaient particulièrement attendues, puisqu’il est le seul terroriste présent lors des tueries à avoir survécu. Mais la présidente de la cour d’assises Laurence Massart en a décidé autrement : l’audition de l’équipe d’enquête a été avancée, dans l’espoir que les revendications des accusés finiront par s’aplanir avec le temps.

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Depuis le début du procès, les accusés ont à plusieurs reprises demandé à quitter leur box pour protester contre leurs conditions de transfert et de détention. L’un d’eux avait été immobilisé par la clé de bras trop appuyée d’un policier. Le médecin légiste avait confirmé la présence de lésions.

Lundi dernier, les avocats des accusés ont cité l’État belge à comparaître devant le juge des référés. Ils ont demandé la fin des fouilles à nu et celle du masque occultant lors des transferts, sauf en cas de «motivation adéquate préalable». Une ordonnance devrait être rendue en janvier qui conditionnera peut-être la décision de certains accusés de s’exprimer ou, au contraire, de rester à l’écart de leur propre procès.

«Tout le monde sera entendu»

Les avocats des parties civiles bouillonnent. Mais, pour la présidente Massart, la version des accusés est importante. «Tout le monde sera entendu», a-t-elle lancé pour faire taire les critiques. «Les victimes ont toute leur place dans ce procès d’assises. Tous les accusés nous disent qu’ils ont envie de s’expliquer et de parler au jury. Mon souhait est qu’ils s’expliquent effectivement et que les jurés les entendent. Vous pouvez contester ma décision, mais on ne va pas y passer la journée. C’est la présidente qui est en charge de l’horaire.»

Voilà pourquoi les jurés, les victimes et les quelque 1.075 parties civiles (leur nombre n’a de cesse de croître) ont eu droit ces trois derniers jours aux auditions des juges d’instruction et des enquêteurs, plutôt qu’à l’interrogatoire des accusés.

Le choc plutôt que la polémique

Jeudi, le choc a fait place à la polémique. Le jury a découvert les photos des corps des victimes de l’attentat de Brussels Airport, où deux bombes ont fait 16 morts le 22 mars 2016 – bilan auquel il faut ajouter les deux kamikazes tués.

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Ces documents ont été projetés pour servir le témoignage de la cellule d’enquête de la police judiciaire ainsi que du laboratoire scientifique et technique. Les enquêteurs ont évoqué une «scène de crime atypique», une «scène de guerre», conséquences de la première explosion survenue à 7h58. Après des explications sur la manière dont ils ont dû travailler dans l’urgence – les victimes de l’attentat ont été «inventoriées» dans un premier temps grâce à des post-it – la narration de l’événement a pris un tour tragique. La violence de l’attentat a submergé les jurés. Une chape de plomb s’est abattue sur le tribunal.

Le récit de l'horreur

Seuls les quelques accusés encore présents dans le box ont pu constater le carnage provoqué par la folie destructrice des terroristes. Les frères Farisi, qui comparaissent librement, avaient préféré sortir de la salle d’audience avant la diffusion des images. Salah Abdeslam, le seul survivant des attentats parisiens du 13 novembre 2015, était absent. Mohamed Abrini et Osama Krayem avaient demandé de retourner en cellule pour protester contre leurs conditions de transfert. Abrini est toutefois revenu dans le box après la pause de la matinée.

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Puis est venu le récit des moments qui ont suivi la seconde déflagration. Un récit une nouvelle fois teinté d’horreur : la hanche de Najim Laachraoui, l’un des deux kamikazes morts dans le hall des départs de Zaventem, a été retrouvée dans un panneau publicitaire à plusieurs mètres de hauteur. Il ne restait que le tronc sanguinolent d’Ibrahim El Bakraoui, son complice. Les bombes étaient bardées de vis et de boulons qui, projetés avec force par les explosions, ont tué et mutilé des innocents.

Le procès a alors pris un tour inattendu avec la demande de Mohamed Abrini de disposer d’un stylo à bille pour prendre des notes. Mais celui-ci lui a été refusé par la police pour des raisons de sécurité. Un petit crayon a finalement été remis à l’accusé. «Essayez de prendre note avec cela, Monsieur Abrini», lui a demandé Laurence Massart, promettant «de trouver une autre solution» si cela ne fonctionne pas.

Le procès se poursuivra à partir du mardi 3 janvier. Il y sera question de l'attentat de la station de métro Maelbeek. D'ici là, l'audience est suspendue pour permettre aux jurés, à la cour et aux parties civiles, de se reposer et de profiter des fêtes de fin d’année.

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