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Europe

L'UE face au défi d'une armée commune

La guerre en Ukraine a fait ressurgir la question de la défense commune. Un secteur dans lequel l'UE a incontestablement pris un sérieux retard.

L'UE souhaite mutualiser davantage ses achats concernant l'armement.

L'UE souhaite mutualiser davantage ses achats concernant l'armement. © PHOTO: AFP

Journaliste

«Armée européenne». Ce vieux serpent de mer, dont personne n'a jamais vu la queue ou la tête, a laissé place à un autre concept : celui d'une Union de la défense. Depuis l'invasion des forces russes en Ukraine le 24 février dernier, l'idée semble légitime et nécessaire. «L'armée doit être la servante de la paix...»

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La formule de l'eurodéputé luxembourgeois Charles Goerens (groupe Renew Europe) rappelle la fameuse maxime latine «Si vis pacem, para bellum (si tu veux la paix, prépare la guerre)». Or, l'actualité met en lumière les lacunes et le manque de cohésion militaire de l'Union européenne. «L'Union européenne est en danger. L'agression de la Russie contre l'Ukraine n'est pas de la rhétorique et constitue un rappel à l'ordre», assurait Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, au mois de mars dernier.

100.000 Américains déployés en Europe

En juin 2007, le traité de Lisbonne ambitionnait déjà de renforcer la politique européenne de sécurité et de défense commune (PSDC). Or, face aux éventuelles menaces extérieures, l'UE compte essentiellement sur l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) - et donc des Etats-Unis - pour assurer sa sécurité en cas de menace extérieure. Ainsi, au 7 mars, avec quelque 100.000 soldats déployés en Europe et la livraison d'avions de chasse, les Américains ont participé au renforcement des capacités de défense de l'Alliance sur son flanc est. Sans l'aide du pays à la bannière étoilée, l'UE pourrait-elle assurer seule sa propre sécurité? Pas sûr.

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«J'aime bien le concept d'armée européenne, mais celle-ci serait trop compliquée à mettre en place. En revanche, une Union de la défense est envisageable», déclare Christophe Hansen (groupe du Parti Populaire Européen). Charles Goerens, lui, estime qu'il doit y avoir une «convergence des systèmes de défense». Pour cela, le matériel doit être interopérationnel et complémentaire.

Il faut préserver la démocratie et développer la notion d'Etat de droit tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des frontières européennes.
Tilly Metz (groupe des Verts/Alliance libre européenne)

Selon l'Eurobaromètre publié le 11 avril mais dont l'étude fut effectuée entre le 18 janvier et le 14 février, soit dix jours avant le début de la guerre en Ukraine, 77% des Européens étaient favorables à une politique de défense et de sécurité commune aux Etats membres. Reste à en définir les grandes lignes. Pour cela, Marc Angel (groupe de l'alliance progressiste des socialistes et démocrates) se réfère au discours de Mario Draghi, le 3 mai, devant le Parlement à Strasbourg.

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Ce jour-là, l'ex-président de la Banque centrale européenne (2011-2019) et actuel Premier ministre italien s'est longuement exprimé sur l'avenir d'une Europe qu'il veut réformer. Il en appelle à un «fédéralisme pragmatique» et souhaite que les Etats membres coordonnent leurs efforts militaires : «Nos dépenses de sécurité sont environ trois fois supérieures à celles de la Russie, mais elles sont réparties en 146 systèmes de défense. Les Etats-Unis n'en ont que 34...» Ainsi, les achats en commun ont diminué. Avec 4,1 milliards de dollars, les dépenses liées à la défense coopérative ont baissé de 13%. En 2008, et alors que le sujet n'était pas si brûlant, elles étaient de 6,3 milliards.

«Pas qu'une question militaire»

Pour ce chantier, Mario Draghi estime que «les décisions ne peuvent plus être prises à l'unanimité mais à la majorité qualifiée». Cette vision, conforme à cette réforme de l'UE que souhaite le président français, Emmanuel Macron, et son homologue de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ne fait pas l'unanimité puisque pas moins de 13 pays dont la Pologne, la Roumanie, la Finlande et la Suède ont d'ores et déjà fait part de leur réticence.

Pour Marc Angel, l'UE se doit de «rationaliser et optimiser ses dépenses militaires» et être «moins dépendante des Etats-Unis». Créé en juin 2017, le Fonds européen de défense encourage, comme il est stipulé sur son site officiel, «la compétitivité, l'efficacité et la capacité d'innovation de la base industrielle et technologique de défense européenne dans l'UE» et dispose pour la période 2021-2027 d'un budget total de 7,953 milliards d'euros.

De son côté, dans une «approche très féministe», Tilly Metz ( groupe des Verts/Alliance libre européenne) dit se «méfier d'une éventuelle hystérie» sur le sujet. «La sécurité n'est pas qu'une question militaire, mais s'appuie aussi sur une aide humanitaire. Il faut préserver la démocratie et développer la notion d'Etat de droit tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des frontières européennes.» Certes, mais qui veut la paix...

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