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Guerre en Ukraine

L'UE hésite encore sur le pétrole et le gaz

Un embargo énergétique contre la Russie continue de diviser l'UE. Comme l'Allemagne, le Luxembourg est sur la sellette.

Jean Asselborn a plaidé pour des livraisons d'armes plus fréquentes à l'Ukraine.

Jean Asselborn a plaidé pour des livraisons d'armes plus fréquentes à l'Ukraine. © PHOTO: Gerry Huberty

(m. m. avec Diego VELAZQUEZ) - Jan Lipavský, le ministre tchèque des Affaires étrangères, a bien résumé la situation actuelle lors de la réunion avec ses homologues de l'Union européenne ce lundi à Luxembourg. Selon lui, la question n'est en effet pas de savoir ce qui doit encore se passer en Ukraine pour que l'UE décide enfin d'un embargo sur le gaz et le pétrole russes mais plutôt : «Que doit-il encore se passer dans l'UE pour que cela se produise ?»

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Gabrielius Landsbergis, son homologue lituanien, l'a exprimé encore plus clairement : «Tout ce qui devait se passer [en Ukraine pour cela] s'est déjà produit». Il s'agit des innombrables atrocités commises par l'armée russe sur le territoire ukrainien depuis le début de l'invasion par les troupes russes le 24 février.

«Ce sont des méthodes de l'Etat islamique»

Pourtant, l'UE continue de tergiverser pour mettre fin aux importations d'énergie russe, qui rapportent beaucoup d'argent à Moscou et financent la machine de guerre de Poutine. L'impression de Gabrielius Landsbergi s'est encore renforcée après le week-end.

Après le retrait des troupes russes du nord de l'Ukraine, des fosses communes contenant des civils sont découvertes dans un nombre croissant de localités. La procureure générale ukrainienne Iryna Venediktova a accusé la Russie d'avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité dans toutes les régions de l'Ukraine.

L'attaque à la roquette de vendredi sur la gare de la ville de Kramatorsk, dans l'est de l'Ukraine, qui a fait plus de 50 morts, en fait également partie. «Ce sont des méthodes que nous connaissons de l'Etat islamique», a déclaré lundi le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn (LSAP).

Et pourtant, l'Union européenne continue d'hésiter : de nouvelles sanctions dans le domaine de l'énergie, comme l'arrêt des importations de gaz et de pétrole en provenance de Russie, ne sont pas encore sérieusement discutées entre les États membres de l'UE - des sources haut placées révèlent que l'on se contente actuellement d'examiner dans quelle mesure un embargo sur le pétrole pourrait même être appliqué. «Les travaux pour se rapprocher d'un consensus ont déjà commencé», a déclaré Gabrielius Landsbergis à ce sujet, «et j'espère que cela se fera. Nous devons décider de sanctions.»

Jean Asselborn et Annalena Baerbock sur la même longueur d'onde

D'autres États de l'UE freinent en effet des quatre fers en ce qui concerne l'embargo sur l'énergie. Ainsi, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn s'est exprimé lundi à ce sujet avec scepticisme : «J'entends que tout n'est pas si simple», a-t-il déclaré au début de la réunion. «Si un grand coup est porté à l'industrie en Allemagne, cela peut se répercuter en Europe».

Le gouvernement luxembourgeois a ainsi soutenu le gouvernement fédéral allemand qui, avec l'Autriche et la Hongrie, s'oppose le plus bruyamment à de nouvelles sanctions dans le domaine de l'énergie, par crainte de dommages économiques. «Il y a des États de l'UE qui ne dépendent pas du tout du gaz russe», a déclaré Asselborn : «Pour eux, il est facile d'exiger l'arrêt des importations de gaz».

Le ministre des Affaires étrangères a toutefois renoncé à mentionner les États baltes, qui ont déjà mis en place l'arrêt des importations et qui dépendaient bel et bien des importations de gaz russe. La guerre en Ukraine est un «choc asymétrique» pour l'UE, a également déclaré le représentant de l'UE pour les Affaires étrangères, Joseph Borrell. Cela rend encore plus difficile pour l'Union de trouver des réponses communes.

Une mesure «ridicule»

Jusqu'à présent, l'Union européenne n'a pu se mettre d'accord que sur un arrêt des importations de charbon. Le député européen libéral et ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt a déclaré la semaine dernière que cette mesure était «ridicule».

Selon les dernières données de la Commission européenne, l'embargo sur le charbon pourrait signifier pour la Russie une baisse de revenus d'environ huit milliards d'euros par an, alors que les Etats membres de l'UE ont payé environ 35 milliards d'euros pour des livraisons d'énergie à la Russie depuis le début de l'attaque russe contre l'Ukraine, selon Borrell.

Jean Asselborn a par ailleurs plaidé pour des livraisons d'armes plus conséquentes à l'Ukraine. «Il n'y a qu'une chose que nous pouvons faire maintenant pour aider les Ukrainiens dans le Donbass : livrer des armes». C'est désormais plus important que de nouvelles sanctions, a poursuivi Asselborn. «Je ne pense pas qu'un embargo sur l'énergie arrêterait immédiatement Vladimir Poutine».

«Pas le moment de trouver des excuses»

Ces déclarations coïncident également avec le positionnement de la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock à Luxembourg. «L'Ukraine a besoin de plus de matériel militaire, et surtout d'armes lourdes», a déclaré la politicienne des Verts. «Ce n'est pas le moment de se trouver des excuses, c'est le moment de faire preuve de créativité et de pragmatisme», a-t-elle souligné.

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L'Allemagne est actuellement sous le feu des critiques parce qu'elle freine de nouvelles sanctions de l'UE dans le domaine de l'énergie et ne répond pas non plus aux exigences des autorités ukrainiennes en matière de livraison d'armes. Annalena Baerbock a déclaré après la rencontre que les États de l'UE s'étaient mis d'accord pour «intensifier» les livraisons d'armes en direction de l'Ukraine. «En ce moment, la liberté, la sécurité et l'indépendance de l'Ukraine ne peuvent être défendues que par les armes», a déclaré la ministre allemande des Affaires étrangères.

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