La Belgique dépénalise le travail sexuel
Vendre ses propres faveurs sexuelles n'est plus interdit, mais les peines frappant les proxénètes sont en revanche alourdies.
La tolérance pour les proxénètes appartient en revanche au passé, selon cette nouvelle loi. © PHOTO: Photo d'illustration: Gerry Huberty
De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles) - La Belgique est le premier pays d'Europe à dépénaliser complètement la prostitution. Les travailleuses et travailleurs du sexe peuvent désormais exercer «le plus vieux métier du monde» sans craindre la justice. La prostitution des mineurs reste toutefois interdite.
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«Sur le plan du travail sexuel, il s'agit d'une réforme historique», a commenté le ministre de la Justice, le libéral flamand Vincent Van Quickenborne. «Elle veille à ce que les travailleurs du sexe ne soient plus stigmatisés, exploités et rendus dépendants des autres.»
Les associations d'aide aux prostitué(e)s ont été consultées en amont. Sur le site web Espace P, on peut lire que «jusqu'à présent, la loi belge visait à rendre la pratique du travail du sexe aussi difficile que possible et donc à décourager le travail du sexe ou à le faire disparaître. Par exemple, tous les prestataires de services aux travailleu(r)ses du sexe indépendant(e)s (comptables, assureurs, développeurs de sites web, loueurs de chambres, …) avaient été criminalisés et toute publicité interdite».
Les mêmes droits que les autres travailleurs
L'association relève aussi le manque de clarté qui régnait autour du proxénétisme, les différentes réglementations qui étaient d'application dans les villes et les communes, etc. Le tout conduisant au chaos. «La criminalisation de toute forme de gestion a rendu très difficile, des fois impossible, l'obtention d'une protection sociale pour les travailleu(r)ses du sexe».
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Désormais, les travailleurs du sexe ne seront plus criminalisés. «Ouvrir un compte, créer un site web, proposer une assurance et louer un espace aux travailleurs du sexe n'est plus passible de poursuites. Les indépendant(e)s (du sexe) bénéficient donc des mêmes droits que les autres travailleurs indépendants», relèvent les associations.
La tolérance pour les proxénètes appartient en revanche au passé, selon la nouvelle loi. Quiconque organisera la prostitution d'autrui et la contrôlera via un lien hiérarchique dans le but d'en retirer un avantage personnel sera punissable d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 500 à 25.000 euros. La loi ne vise toutefois pas ceux qui entrent dans la gestion de l'activité des prostitué(e)s comme les comptables, les chauffeurs ou les développeurs web.
Environ 23.000 prostituées
La Belgique ne rejoint donc pas avec cette réforme des pays comme l'Allemagne, la Colombie ou la Grèce. Le fait d'aider une personne à se prostituer ou de l'embaucher dans ce but n'y constitue pas une infraction.
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Selon l'association Isala, il y aurait environ 23.000 personnes prostituées en Belgique. Le propriétaire d'une vitrine de la rue d'Aerschot – le quartier chaud de Bruxelles, à côté de la gare du Nord- «touche 365.000 euros par an». Mais il est clair qu'il ne s'agit que de la pointe de l'iceberg, la prostitution surfant allègrement sur les réseaux sociaux. En toute clandestinité.
On note également que la réforme du code pénal sexuel belge passe par l'aggravation des peines punissant le viol: de 15 à 20 ans de prison, au lieu de 5 à 10 ans. A l'inverse, dans un souci de proportionnalité, les peines pour voyeurisme sont allégées.
La réforme a été approuvée par les partis de la majorité gouvernementale, rejoints par le parti social-libéral DéFI (opposition). L'extrême droite (Vlaams Belang), les nationalistes flamands (N-VA) ainsi que les communistes (PTB) se sont abstenus. Les Engagés – le nouveau nom de l'ex-CDH humaniste, ex-Parti social-chrétien - ont voté contre.