La Belgique francophone s'épargne une crise politique majeure
Un master de médecine sera bien organisé à l'université de Mons en dépit de l'opposition libérale acharnée au projet.
L'université de Mons va pouvoir ouvrir un master en médecine, ce qui était jusque-là réservé aux grands établissements de la fédération Wallonie-Bruxelles. © PHOTO: Photo d'illustration: Shutterstock
De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles).
L'université de Mons aura son master en médecine… Un accord est intervenu samedi soir au sein du gouvernement de la fédération Wallonie-Bruxelles (l'ex-communauté française) pour créer ce nouveau cursus. La nouvelle a été présentée par le socialiste Paul Magnette comme «une décision importante pour le développement de l'offre de soins dans nos territoires. Un enjeu essentiel pour le PS».
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De nouveaux masters sont créés chaque année dans les universités belges francophones, mais celui-ci aura charrié son lot d’adrénaline politicienne. Au cours des dernières semaines en effet, libéraux et socialistes se sont écharpés autour de ce dossier, au point qu’il est devenu un symbole pour chacun des partis. Malheur à celui qui serait vaincu.
Tout a commencé en février avec la demande de l'université de Mons et de l'université de Namur de se donner ce master réservé jusque-là aux grands établissements de la fédération que sont l’ULB, l'UCLouvain et l'ULiège. Elles y voyaient une étape essentielle dans leur développement.
Un manque criant de praticiens
Mais pour la ministre francophone de l’Enseignement supérieur, la libérale Valérie Glatigny, il ne pouvait être question d'ouvrir une section médecine supplémentaire alors que le nombre de médecins est bloqué par un numerus clausus. Celui-ci s'exerce par une sélection sévère qui laisse nombre d'étudiants tout à fait capables sur le carreau. Alors pourquoi en rajouter ? D'autant que la création de ce master allait peser sur le budget de la fédération, laquelle se noie dans les dettes.
Pour le PS et Ecolo, qui sont en coalition avec les libéraux au sein du gouvernement de ladite fédération Wallonie-Bruxelles, ce nouveau master en médecine devait au contraire permettre de réduire la pénurie de médecins en Wallonie. Le paradoxe veut en effet que la région manque de praticiens. C'est précisément le résultat du numerus clausus, fruit d'un accord noué avec la Flandre afin de réduire les charges pesant sur la Sécurité sociale. Certaines parties de la Wallonie n'ont donc plus de médecins à l'heure où la population vieillit.
Un duel au sommet entre Magnette et Bouchez
Ce différend a pris des proportions telles qu'il a tourné en un duel au sommet entre les présidents du Mouvement réformateur (libéral francophone) et du PS, respectivement Georges-Louis Bouchez et Paul Magnette. Magnette a jeté dans la balance la possibilité de former une majorité alternative avec un parti de l'opposition afin de mettre les libéraux en minorité au sein du gouvernement de la fédération Wallonie-Bruxelles.
Une telle manœuvre aurait pu envoyer définitivement l'actuelle coalition par le fond, et avoir de lourdes conséquences sur les autres niveaux de pouvoir où les mêmes partis partagent les responsabilités, à savoir le gouvernement wallon et le gouvernement fédéral. À un an des élections, la crise s'annonçait majeure.
Samedi soir toutefois, un accord a finalement été trouvé. Il permet aux rivaux de sauver la face. Là où Magnette évoque une victoire pour le développement du Hainaut, Bouchez clame que «l'université de Mons aura un master en médecine sans financement complémentaire, ni définancement des autres facultés de la fédération Wallonie-Bruxelles. 450.000 euros économisés. La bonne gouvernance a triomphé !» Précisons encore que les deux hommes sont originaires du Hainaut, dont Mons est le chef-lieu.
Ces négociations hargneuses ont permis au Mouvement réformateur et au PS de montrer leurs muscles à un an des élections, les deux partis étant en perpétuelle compétition pour le contrôle de Bruxelles et de la Wallonie.