Virgule
Belgique

La Belgique politique bannit (presque) TikTok

Les différents gouvernements du pays ont interdit à leurs ministres d'utiliser cette application réputée être un «mouchard» de la Chine.

L'ombre de la Chine laisse planer sur l'application TikTok des craintes d'espionnage à grande échelle.

L'ombre de la Chine laisse planer sur l'application TikTok des craintes d'espionnage à grande échelle. © PHOTO: Shutterstock

Max Helleff

De notre correspondant à Bruxelles, Max Helleff

Cette ministre s'amuse à faire la grimace. Ce président de région montre combien il reste sportif à l'approche des 70 ans. Et il y a ces deux députés qui se baladent dans un parc entre deux réunions… Comme un peu partout sur la planète, les hommes et les femmes politiques belges ont adopté Tik Tok, une application utilisée par 4,2 millions de leurs concitoyens. Ils y voient un outil de communication privilégié avec des publics que leur vie et leurs actes quotidiens n'intéressent pas autrement.

Lire aussi :La Commission européenne interdit TikTok à son personnel

Mais le 10 mars dernier, le Premier ministre Alexander De Croo a sonné la fin de la récréation, en annonçant l'interdiction pour six mois de l'application Tik Tok sur les téléphones de fonction fournis par l'État fédéral. Pour se justifier, il a pointé le risque de détournement de données sensibles au bénéfice de la Chine. Il s'est basé pour cela sur une analyse des risques d'espionnage menée par le Centre national pour la cybersécurité et la Sûreté de l'État.

«Nous ne devons pas être naïfs: Tik Tok est une entreprise chinoise qui est aujourd'hui obligée de coopérer avec les services de renseignement chinois. C'est la réalité», a expliqué De Croo. La Belgique fédérale a ainsi emboîté le pas à la Commission européenne ou au parlement danois, avant que ses gouvernements régionaux et communautaires ne bannissent, eux aussi, au cours des derniers jours l'application de vidéos et de réseautage social développée par ByteDance.

Bruxelles, ce nid d'espions

Les fonctionnaires, les membres de cabinet et les ministres de l'État fédéral gardent toutefois la possibilité de recourir à Tik Tok sur un appareil personnel.

La maison-mère de Tik Tok se dit déçue, assurant «ne pas être une société chinoise» mais une entreprise «majoritairement détenue par des investisseurs institutionnels internationaux». Elle ajoute être prête à rencontrer les autorités belges, ajoutant que «les données des utilisateurs de Tik Tok sont hébergées aux États-Unis et à Singapour, et non en Chine (...) Le gouvernement chinois ne peut pas obliger un autre pays souverain à fournir des données conservées sur son territoire».

Mais les assurances données aux autorités belges, pas davantage que la promesse de stocker à l’avenir les données des Européens en Irlande et en Norvège, n'ont réussi à convaincre. Et pour cause: Bruxelles est volontiers comparée à un nid d'espions en raison de la présence des institutions européennes et de l'Otan. Le constat n'est pas neuf, mais la guerre en Ukraine rend la position de la capitale plus sensible que jamais.

Pour l'instant toutefois, il n'est pas question de bannir définitivement Tik Tok. La mesure d'interdiction sera réévaluée dans six mois. Et puis on verra, dit en substance Alexander De Croo.

Un téléphone uniquement dédié à Tik Tok?

D'ici là, l'usage de l'application via le seul téléphone personnel des ministres et des hauts fonctionnaires devrait connaître des fortunes diverses. Le Soir fait le distinguo entre les «radicaux» et les pragmatiques. Les premiers ont décidé de désactiver leur compte, voire de quitter complètement la plateforme, l'usage d'un autre portable ne pouvant garantir que les déplacements et les agendas resteront à l'abri d'une intrusion.

Lire aussi :Le succès sur TikTok d'une pilule minceur inquiète les médecins en France

Les seconds estiment qu'un téléphone dédié au seul Tik Tok ne pose pas de problème. Quant aux présidents de parti, «ils considèrent qu'il n'est pas envisageable de laisser tomber Tik Tok à un an des élections». Tik Tok permet de toucher les jeunes. En ces temps de désamour profond de l'opinion publique pour le politique, ce n'est semble-t-il pas le moment de s'en passer…

Sur le même sujet

Sur le même sujet