La Belgique annonce la fin (partielle) du nucléaire
Un accord a été trouvé au sein du gouvernement De Croo qui signe la mort des vieilles centrales mais garde la possibilité de recourir à l’atome.
Sophie Wilmès estime que le maintien en activité de seulement deux réacteurs ne suffirait pas à garantir la sécurité d'approvisionnement de la Belgique. © PHOTO: AFP
De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles) - Avec un mois de retard sur le calendrier initialement prévu, les partis qui composent le gouvernement du Premier ministre Alexander De Croo ont trouvé jeudi matin un accord sur le dossier nucléaire à l'issue d'une nuit de négociations.
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Cet accord prévoit que la fin des réacteurs nucléaires actuels est «renforcée» pour 2025, mais aussi que la prolongation au-delà de cette date de deux d'entre eux n'est pas exclue. 100 millions d'euros seront en outre investis durant les quatre prochaines années dans la nouvelle technologie nucléaire.
Le gouvernement De Croo n'abandonne pas par ailleurs le projet de bâtir plusieurs centrales au gaz, même si celle de Vilvorde est aujourd'hui barrée par le refus de la Flandre de lui donner un permis de construire. Un autre projet de centrale au gaz soumis à enchères pourra être lancé si Engie n'obtient pas ce permis d'ici le 15 mars.
L'accord obtenu jeudi matin est un exemple parfait du «compromis à la belge» dans la mesure où tous les partis s'y retrouvent. D'un côté, les anti-nucléaires obtiennent conformément à la loi de 2003 la fermeture des «vieilles» centrales et la possibilité de compenser l'électricité manquante au moyen de centrales au gaz, bien que celles-ci soient réputées polluantes en émissions de gaz à effet de serre. De l'autre, les pronucléaires conservent l'option de maintenir en activité deux réacteurs censés épargner au pays un «black out» retentissant - la moitié de l'électricité belge reste produite actuellement par le nucléaire et les alternatives manquent. De surcroît, ils ont la perspective de voir des moyens humains et financiers investis dans l'atome du futur.
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En un mot, la Belgique s'apprête à liquider en 2025 ses vieilles centrales, mais ne renonce pas complètement au nucléaire. Une nouvelle génération de réacteurs («small modular reactors») pourrait ainsi demain côtoyer les centrales au gaz et les différentes sources d'énergies renouvelables, lesquelles passent notamment par la création d'une île éolienne en mer du Nord.
Une loi intégrant le nouveau nucléaire aux côtés d'autres sources d'énergie, dont l'hydrogène vert, sera adoptée. Un programme de recherche associant le Centre d'études nucléaires (CEN) de Mol à des partenaires industriels pourrait aboutir à produire la nouvelle énergie d'ici 2040.
Mais la messe n'est pas dite. Plusieurs rapports d'évaluation émanant de divers agences et organes sont attendus d'ici le 18 mars. Ils diront si la sécurité d'approvisionnement du pays en électricité est suffisante ou non. Si celle-ci n'est pas garantie, le «plan B» – la prolongation de deux réacteurs au-delà de 2025 – sera activé.
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Les partis gouvernementaux anti et pronucléaires se sont réjouis jeudi matin de l'accord trouvé. Pour la ministre fédérale de l'Energie, l'écologiste Tinne Van der Straeten, «l'inaction prend fin. Enfin des certitudes avec le switch énergétique vers 100% d'énergie renouvelable et la neutralité climatique». Pour le Mouvement réformateur (libéral francophone) qui a mené le combat en faveur de la prolongation de deux réacteurs après 2025, «le nucléaire n'est pas fermé mais pourra agir comme filet de sécurité».
Dans l'opposition, la N-VA nationaliste flamande a condamné l'accord « qui ne dit toujours pas si l'on ferme le nucléaire ou non ». «Peut-on finalement savoir si on éteint la lumière ou si on continue?», s'est interrogée sur Twitter la ministre flamande de l'Energie Zuhal Demir (N-VA). De sa décision d'autoriser ou non la construction de la centrale au gaz de Vilvorde dépendra dans les prochains mois la suite de ce dossier énergétique plus que chahuté.