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La double peine des chômeurs belges

Une loi prévoit de faire payer au salarié licencié la formation censée lui permettre son reclassement professionnel.

Depuis 2013, les indemnités de licenciement sont moins généreuses pour les employés.

Depuis 2013, les indemnités de licenciement sont moins généreuses pour les employés. © PHOTO: Shutterstock

De notre correspondant MAX HELLEFF (Bruxelles) - Licencier un employé en prélevant 30% de ses indemnités pour financer son reclassement professionnel: la mesure pourrait être bientôt d’application en Belgique. Après être resté en sommeil pendant 6 ans, l’article «39 ter» de la loi sur le contrat de travail est promis à être appliqué. A moins que les syndicats ne tiennent bon face aux patrons et au gouvernement.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette loi n’a pas été votée sous le gouvernement de droite de Charles Michel, mais bien en 2013 sous celui du socialiste Elio Di Rupo. A l’époque, les socialistes, les chrétiens-démocrates et les libéraux du nord et du sud du pays étaient en coalition. C’est une socialiste flamande qui, précisément, était ministre de l'Emploi. Le texte avait été voté, avant de disparaître des écrans radars.

Augmentation salariale de 3,5%

Le «39 ter» prévoit qu’un tiers du préavis versé au salarié (quand la durée de celui-ci excède 30 semaines) soit affecté à sa formation afin d’augmenter ses chances de reclassement. Conformément au modèle social belge, une fois le texte voté, patrons et syndicats auraient dû s’entendre dans la foulée sur ses modalités d’application. Ce qui ne fut pas fait.

Six ans plus tard, la question revient sur la table à la faveur d’une négociation patrons/syndicats portant sur le salaire minimum. Les organisations de défense des travailleurs exigent une augmentation salariale de 3,5%. Mais le banc patronal entend demander en contrepartie un accord sur le «39 ter». Si la mesure devait entrer en application, elle permettrait en effet aux entreprises de bénéficier d’un abattement fiscal lié au financement de la formation qu'a à assumer le travailleur licencié.

30% en moins au moment du licenciement

Pour les syndicats, cette mesure est inique car elle transfère le coût de la formation vers l'employé licencié. Mais aussi parce qu’elle rend responsable chaque travailleur de sa reconversion au détriment d’une réponse collective.

En Belgique, le licenciement d’un employé se règle souvent par le biais de la grille Claeys, du moins s’il n’y a pas eu faute grave. En résumé, un mois de salaire est accordé au partant par année d’ancienneté. Un licenciement qui intervient après 30 ou 35 années de carrière peut donc se solder par une somme coquette. Dans le futur, celle-ci pourrait donc se retrouver amputée de 30%, sans garantie que l’argent perdu par le futur chômeur lui permettra bien de retrouver un emploi.

Un chantier inachevé

En un temps normal, la discussion aurait sans doute conduit à un blocage et le gouvernement Michel se serait fait fort d’appliquer finalement la mesure en passant par-dessus l’accord des interlocuteurs sociaux. Mais aujourd’hui, la «suédoise» est en affaires courantes et se passerait bien d’un automne social agité. Quant au prochain gouvernement, il n’est pas près d’être formé. De l’eau passera encore sous les ponts avant que le « 39 ter » n’entre en vigueur.

Dans cette période d’incertitude politique, les patrons n’ont de surcroît pas intérêt à faire durer le bras de fer. Et si une amende a bien été prévue à charge de l’employeur et de son ex-employé en cas de non-application de l’article de loi incriminé, celle-ci n’a jamais été perçue.

Depuis 2013, les indemnités de licenciement sont moins généreuses pour les employés. La durée de leur préavis légal a été rabotée, donc leurs indemnités aussi. L’article « 39 ter » du code du travail et la polémique qu’il engendre rappellent aux travailleurs que ce chantier, motivé par la volonté d’aller vers une plus grande flexibilité, n’est sans doute pas achevé.

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