La justice belge prête à «oublier» l’argent sale du football
Une dizaine de transactions financières ont déjà été conclues dans l’affaire du «footbelgate», et ce ne serait que le début.
Le scandale financier pourrait se terminer avec la bénédiction de la justice par une vaste transaction financière. © PHOTO: Shutterstock
De notre correspondant MAX HELLEFF (Bruxelles).
Un scandale financier pourrait se terminer avec la bénédiction de la justice par une vaste transaction… financière. Telle est l’issue qui se dessine en ce moment pour le «footbelgate», une de ces (nombreuses) affaires de fraude qui ont frappé le football belge.
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En 2018, 57 personnes avaient été inculpées, dont des agents, des dirigeants de club et des entraîneurs. L'enquête policière avait mis en évidence l’existence de pratiques douteuses entre les agents des joueurs et les clubs. Dans le cadre du mercato, des agents étaient payés par les clubs vendeurs et acheteurs, mais également par les joueurs transférés. Des sommes importantes étaient ainsi échangées à l’abri des regards du fisc et en l’absence de toute déontologie.
Dans une interview accordée à trois médias nationaux (Le Soir, Knack et De Tijd), le parquet fédéral admet des «règlements à l'amiable» convenus avec des suspects. Si d’autres souhaitent passer par une transaction pénale, le ministère public est tout prêt à les entendre.
Une transaction pénale pour dix prévenus
«Tous ceux qui pensent être éligibles, nous les recevrons. Sans préjuger des décisions que nous prendrons parce que, bien sûr, il y a des gradations entre les différents suspects de cette affaire», indique Eric Bisschop, procureur fédéral adjoint. Quant à la tenue d’un éventuel procès, elle dépendra bien sûr du nombre de suspects qui auront été écartés par la justice du processus de transaction pénale. Ou l’auront refusé, ce qui paraît peu probable.
Selon la presse, dix prévenus ont déjà conclu une telle transaction pénale. Parmi eux, le président du Club de Bruges, Bart Verhaeghe, et son manager, Vincent Mannaert ; Michel Louwagie, manager de la Gantoise, et quatre anciens membres du conseil d'administration du KRC Genk.
En Belgique, une transaction pénale peut être proposée lorsqu’il n’y a pas crime de sang. Selon Le Soir, «ces accords financiers entre le ministère public, d’une part, et une personne soupçonnée d’acte délictueux, de l’autre, ont rapporté précisément 1.085.244.420 euros entre 2011 et 2021, selon les chiffres officiels, pour un total de 1.530 transactions distinctes. En moyenne, le prix à payer pour s’acheter la paix et éteindre les poursuites judiciaires est donc de 709.310 euros par transaction. »
Ces transactions concernent pour une petite majorité des impôts éludés à rembourser au fisc, auxquels il faut ajouter les amendes de rigueur. Un tel règlement avec la banque HSCB a rapporté aux caisses de l’Etat 294,4 millions d’euros à lui seul.
En toute discrétion
La grande majorité de ces transactions se passent en toute discrétion. Et pour cause : toutes les affaires de fraude fiscale, par exemple, ne se retrouvent pas dans la presse. Mais ce manque de transparence conjugué au fait que seuls des justiciables plus ou moins nantis ont accès à une telle procédure finit par générer un sentiment de justice de classe. Autrement dit, celui qui a de l’argent peut mettre fin aux poursuites qui le visent, moyennant le paiement d’une somme d’argent. Pas de procès, et donc pas de casier judiciaire.
Si le suspect présumé accepte la transaction pénale, il fait acte de reconnaissance de faute, mais il n’y a pas de culpabilité pénale. Au civil, toutefois, il devra éventuellement payer des dégâts aux personnes lésées.
C’est en 2011 que la loi a été révisée pour élargir le champ des transactions pénales. Elle a fait couler beaucoup d’encre à la faveur du « kazakhgate ». Bien que modifiée par souci de transparence, elle continue à faire des heureux parmi ceux qui ont le choix entre payer et passer derrière les barreaux.