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Ukraine

«La Russie se prépare à une escalade majeure»

Les exigences de l'UE ont été un catalyseur pour les réformes, déclare la vice-première ministre ukrainienne Olha Stefanishyna dans un entretien où elle rejette également les critiques.

La vice-Première ministre ukrainienne Olha Stefanishyna lors d'un entretien avec le Luxembourg Times jeudi.

La vice-Première ministre ukrainienne Olha Stefanishyna lors d'un entretien avec le Luxembourg Times jeudi. © PHOTO: Capture d'écran: Yannick Lambert

L'Ukraine s'efforce de lutter contre la corruption afin de répondre aux demandes d'adhésion à l'Union européenne, même si elle se prépare à une nouvelle attaque majeure de la Russie. C'est ce que déclare la vice-première ministre Olha Stefanishyna. Tout en racontant comment Moscou tente de démoraliser les Ukrainiens avec un déluge de frappes aériennes sur des zones comme Kiev qu'elle n'a pas réussi à occuper depuis le début de la guerre en février 2022, la jeune femme de 37 ans assure qu'elle et le président Volodymyr Zelensky se sentent en sécurité.

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«Je vais bien, je suis dans mon bureau et la lumière est allumée. En Ukraine, cela ressemble à une bonne journée», déclare Olha Stefanishyna, responsable des projets d'adhésion de l'Ukraine à l'UE et à l'OTAN, lorsqu'on l'interroge sur son bien-être personnel.

Depuis son bureau, Volodymir Zelensky «contrôle la situation militaire» et s'entretient avec les dirigeants internationaux pour s'assurer davantage de soutien, déclare Stefanishyna lors de l'entretien mené par appel vidéo. «Nous devons nous assurer que toute tentative de reproduction du scénario du 24 février 2022 est vouée à l'échec pour la Russie.»

L'Ukraine a fait des efforts considérables pour rejoindre le bloc occidental afin de se protéger de son voisin belliqueux, et les dirigeants de l'UE ont accordé au pays le statut de candidat à l'adhésion au bloc de 27 nations en juin. Le pays doit désormais se conformer à sept recommandations visant à réformer son système judiciaire et à lutter contre la corruption.

Ces recommandations sont «un encouragement à la transformation», explique Stefanishyna, et incitent son pays à s'atteler aux réformes, notamment à l'élaboration de la première loi sur les médias pour lutter contre la corruption, après des années de sommeil.

Un combat difficile

Mais pour l'instant, les efforts du pays se concentrent sur le fait de gagner la guerre, car les combats se sont intensifiés dans les villes orientales de Bakhmut et Soledar. «La deuxième plus grande armée du monde (la Russie) tente désespérément de prendre le contrôle de petites villes en direction de Donetsk», rappelle Stefanishyna. «Il y a un engagement militaire actif et l'Ukraine tient le contrôle de certaines zones à Soledar et Bakhmut.»

Mercredi, la Russie a réussi sa première avancée significative depuis juillet dernier dans la petite ville de Soledar, qui compte environ 11.000 habitants. Kiev craint désormais une nouvelle attaque de grande envergure, qui pourrait éventuellement inclure la capitale, selon Stefanishyna.

Nous devons nous assurer que toute tentative de reproduire le scénario du 24 février 2022 est vouée à l'échec pour la Russie.
Olha Stefanishyna

«La Russie se prépare à une escalade militaire majeure», assure Stefanishyna. Son gouvernement dispose de plusieurs informations non confirmées selon lesquelles une attaque sur Kiev serait le véritable plan, mais «nous sommes bien préparés à tous les scénarios». Cela signifie, précise-t-elle, que l'Ukraine a besoin de plus de soutien militaire, comme des véhicules blindés, des chars et de l'artillerie pour les défenses et les contre-offensives. Elle estime aussi que si l'Ukraine veut faire partie de l'OTAN, l'alliance militaire devrait également souhaiter l'adhésion de l'Ukraine.

En route vers l'ouest

Deux des mesures prises pour mieux respecter l'État de droit et les valeurs démocratiques ont été la création d'un organe chargé de veiller à l'intégrité des juges et la nomination en juillet du chef d'un parquet spécialisé dans la lutte contre la corruption (SAPO).

«Au moment où nous vous parlons, nous avons enfin réussi à mettre en place le Haut conseil de la justice, responsable de l'intégrité et de la responsabilité des juges», affirme Olha Stefanishyna. «Nous avons fait tout ce qui était possible pour nous assurer que tout soit en place», a-t-elle ajouté.

D'ici six semaines, le pays choisira le chef d'une autre agence anti-corruption, le Bureau national anti-corruption (NABU) - une autre exigence de l'UE - parmi 22 candidats qui seront proposés dans les prochains jours. Mais elle a également défendu le pays contre certaines critiques. «Récemment, nous avons reçu une demande très abrupte» d'intégrer un fonctionnaire dans un organe de direction. «Ce n'est pas la manière dont un pays comme l'Ukraine doit être traité», a-t-elle déclaré.

Une réforme de la Cour constitutionnelle ukrainienne, signée par Zelensky en décembre, autorise toujours une ingérence politique inadmissible, selon la Commission de Venise, un organe consultatif du Conseil de l'Europe sur les questions constitutionnelles. L'Ukraine a tenu compte de toutes les recommandations, mais «après la signature, la Commission de Venise a modifié sa recommandation».

Les journalistes occidentaux ont également critiqué la nouvelle loi sur les médias du pays, car elle permet à l'autorité de régulation de fermer des sites web sans passer par une procédure judiciaire. «C'est une sanction qui bloque l'accès au site web pendant deux semaines», déclare Stefanyshina. «Il y avait beaucoup d'inquiétudes, mais nous ne devons pas oublier que le pays fonctionne selon les règles de l'ère soviétique, et notre objectif politique était de faire passer une loi».

Nous n'avons ni le temps ni l'énergie de nous attaquer aux oligarques alors que la guerre fait rage.
Olha Stefanishyna

Une loi anti-oligarques visant à couper les liens entre l'argent et l'influence politique, qui a conduit à une enquête sur l'ancien président Petro Porochenko, a été critiquée en Ukraine pour son manque de portée. «La loi est un cadre très général», déclare Olha Stefanishyna, mais c'est la première fois qu'une loi ukrainienne définit ce qu'est un oligarque en général. «Le fait que cela fasse partie des sept recommandations (de l'UE) est un peu surprenant pour nous, car c'est l'une des dernières choses auxquelles nous réfléchirons dans une guerre à part entière».

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Olha Stefanishyna souligne: «Nous n'avons ni le temps ni l'énergie de nous attaquer aux oligarques alors que la guerre fait rage». La loi a toutefois réduit l'influence des oligarques dans le secteur de l'énergie et des infrastructures. Une nouvelle loi pourrait voir le jour après la guerre. «Tout le monde devrait s'habituer au fait que l'Ukraine agit rapidement, nous n'allons pas ralentir ou reculer», assure Olha Stefanishyna, rappelant à Bruxelles que «la bureaucratie européenne a besoin d'un certain temps pour s'adapter».

Cet article est paru initialement sur le Luxembourg Times.

Traduction: Charles Michel

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