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Attentats de 2016

L'«avenir incertain» de Salah Abdeslam

L'accusé vedette du procès des attentats de Bruxelles revendique une part d'humanité et s'interroge sur son futur.

Salah Abdeslam: «J'ai perdu un frère, j'ai ma famille qui est détruite, j'ai un avenir incertain, mais j'essaie de me battre, de rester vivant.»

Salah Abdeslam: «J'ai perdu un frère, j'ai ma famille qui est détruite, j'ai un avenir incertain, mais j'essaie de me battre, de rester vivant.» © PHOTO: AFP

Max Helleff

«Bien sûr, j'ai de l'humanité. J'ai fait le bon choix à ce moment-là.» Ces quelques mots de Salah Abdeslam resteront un temps fort du procès consacré aux attentats bruxellois du 22 mars 2016.

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S'il a renoncé à se faire exploser quatre mois plus tôt à Paris, le 13 novembre 2015, c'était par «humanité», dit-il. Il affirme qu'il ne s'est pas contenté d'ôter sa ceinture d'explosifs, mais qu'il l'a désamorcée en enlevant l'interrupteur et la pile de la bombe -ce que l'enquête n'a pas démontré à ce jour.

Abdeslam est dans une posture de recul. À le suivre, il aurait changé. «J'ai été jugé de toute façon», dit-il en référence à la peine de détention à vie «incompressible» dont il a écopé en 2022 à Paris. «Je voulais dire qu'il y a de l'évolution, voilà. J'ai fait preuve de respect à l'égard des victimes, j'ai participé aux débats, j'ai collaboré... Ça montre qu'il y a de l'évolution, seul un aveugle dirait le contraire.»

L'accusé vedette du procès de Bruxelles en vient alors à se projeter dans les années à venir: «J'essaie de construire un avenir malgré le calvaire que j'ai subi en France [une incarcération en régime strict], et malgré toutes ces choses que j'ai sur les épaules et avec lesquelles je dois vivre. J'ai perdu un frère, j'ai ma famille qui est détruite, j'ai un avenir incertain, mais j'essaie de me battre, de rester vivant».

Délibérations des jurés en juillet prochain

Ces paroles, les jurés ne pourront les ignorer lorsqu'en juillet prochain viendra le moment de délibérer. Ils devront se pencher sur ce qui ressemble à un début de repentance et sur sa sincérité. Ils auront aussi en mémoire les explications de l'expert psychiatre français Daniel Zagury pour qui Salah Abdeslam alterne «entre les postures du petit gars de Molenbeek et celle du soldat de Dieu».

Selon ce médecin, Abdeslam continue de tenir «le même discours [radical], mais avec moins de véhémence. Il n'y croit plus tout à fait lui-même, mais il ne peut pas prendre le risque du doute (…) Salah Abdeslam est un homme-système comme tous les sujets radicalisés, mais en même temps on sent que ça se lézarde, on entrevoit une légère faillite du système».

Daniel Zagury tire ces conclusions d'un seul entretien avec Salah Abdeslam qui s'est déroulé en novembre 2021. Depuis, l'absence théorique de toute possibilité de retrouver un jour la liberté a probablement contribué à modifier le seul terroriste survivant des attentats parisiens.

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Vinciane Alexandre, la directrice de la prison d’Ittre (sud de Bruxelles), est venue expliquer que l'arrivée de Salah Abdeslam en son établissement pénitentiaire en 2022 a été accompagnée d'un régime d'isolement particulièrement strict.

«Ce n'est pas lui que je considérais comme dangereux, mais plutôt l'impact de sa présence sur la prison. Ce n'est pas un détenu ordinaire, c'était quelqu'un d'hypermédiatisé», a déclaré la directrice en précisant toutefois que ce traitement avait été décidé par sa hiérarchie. Une «surveillance supplémentaire» aurait suffi, a-t-elle ajouté, tout en soulignant que Salah Abdeslam s'est montré un détenu correct et respectueux des injonctions.

L'«humanité» pour adoucir le verdict?

À ce stade du procès, la question est de savoir si de telles attitudes pourront adoucir le jugement qui sera prononcé en septembre prochain. Il n'a pas été démontré à ce jour que Salah Abdeslam a tenu un rôle actif dans les attentats de Bruxelles. Mais sans sa participation aux tueries parisiennes du 13 novembre 2015, sans sa cavale et l'affolement qu'a engendré chez ses complices son arrestation, la capitale de l'Europe n'aurait probablement pas été frappée.

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Les bombes qui ont explosé à Brussels Airport et à la station de métro Maelbeek le 22 mars 2016 ont fait 32 morts et 340 blessés. Prochainement, les parties civiles auront probablement soin de rappeler aux jurés que l'«humanité» dont se prévaut Salah Abdeslam pèse peu par rapport aux souffrances physiques et psychologiques qu'endurent chaque jour les victimes et leur famille.

Les experts ont également évoqué en long et en large la santé mentale des accusés. Sofien Ayari, l'homme qui a été arrêté à Molenbeek en même temps que Salah Abdeslam, est déclaré «borderline», entre névrose et psychose. Osama Krayem, qui a renoncé au dernier moment à se faire exploser à Maelbeek, n'a fait montre d'aucun retard mental, ni état de démence, au moment des faits en 2016. Smaïl Farisi, le «logeur» des terroristes, n'est pas «débile», mais plutôt un naïf «sub-débile», nanti «d'un niveau intellectuel limite». Une chose est sûre: aucun des accusés de ce procès ne pourra se retrancher derrière la folie pour justifier de ses actes.

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