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Immigration

Le désespoir des sans-papiers heurte la Belgique

Ils sont 430 à mener une grève de la faim depuis plus d’un mois pour obtenir la régularisation qui leur est refusée.

En tout, 475 sans-papiers occupent l'église du Béguinage ainsi que les réfectoires de l’ULB et de la VUB, des universités bruxelloises.

En tout, 475 sans-papiers occupent l'église du Béguinage ainsi que les réfectoires de l’ULB et de la VUB, des universités bruxelloises. © PHOTO: AFP

De notre correspondant Max Hellef (Bruxelles) - L’immigration et ses problématiques avaient pratiquement disparu du spectre politico-médiatique belge depuis la sortie de la N-VA du gouvernement Michel. C’était en décembre 2018. Le secrétaire d’Etat Theo Francken, qui en avait fait un thème de campagne permanent, était allé rejoindre l’opposition, comme tout le banc nationaliste flamand.

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Ces derniers jours toutefois, l’immigration est revenue à la une de l’actualité. Les médias ont montré les images de sans-papiers étiques, grévistes de la faim qui demandent d’être régularisés parfois après des années d’attente et de refus. Certains se sont cousu les lèvres en guise de protestation.

475 sans-papiers occupent l'église du Béguinage ainsi que les réfectoires de l’ULB et de la VUB, des universités bruxelloises. Depuis le 23 mai, 430 d'entre eux font une grève de la faim. La plupart sont très affaiblis, marchent à peine, et ne quittent plus leurs grabats. Les douleurs physiques et mentales deviennent de plus en plus insoutenables.

Après un mois, l’absence d’alimentation met les corps à rude épreuve et augure de séquelles irréversibles. Cette menace, combinée à des actes d’automutilation, a fini par attirer l’attention de l’opinion publique. Il y a une semaine, un homme a avalé une lame de rasoir, geste qu’il a tenté depuis de réitérer. Un autre a avalé des piles et un briquet. Les objets ingérés ont été retirés chirurgicalement. Une tentative de suicide par médicaments a été évitée de justesse.

A l’origine de cette grève de la faim, il y a le refus des autorités de ne pas régulariser les migrants en situation irrégulière. «La situation devient ingérable, confie le porte-parole des sans-papiers. Les gens suivent les publications de Sammy Mahdi sur les réseaux sociaux et quand il y a une publication qui dit qu'il n'y aura pas de régularisation, certains réagissent.»

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Le chrétien-démocrate flamand Sammy Mahdi est en charge de l’Asile et de la Migration dans le gouvernement De Croo. Le fait que le nouveau secrétaire d’Etat soit le fils d’une Belge et d’un immigré irakien a pu faire naître un espoir parmi ceux qui rêvent d’être enfin régularisés. Au contraire, Sammy Mahdi reste inflexible face au sort des 150.000 sans-papiers qui vivraient aujourd’hui sur le territoire belge.

Pour lui, il n’est pas question d’une nouvelle régularisation, comme ce fut le cas en 2000 et en 2009. Il explique que «l'exception ne peut devenir la règle». «Il n'y aura pas de régularisation collective et celui qui donne de l'espoir aux grévistes de la faim jette de l'huile sur le feu.» Sammy Mahdi promet simplement d’informer mieux les grévistes de la faim sur l'avancée de leur dossier, affectant de ramener de l’humanité là où une froideur administrative est habituellement opposée aux migrants.

L’affaire divise le gouvernement De Croo, sans toutefois faire d’éclats. Socialistes et écologistes appellent à une solution. Le président des libéraux francophones Georges-Louis Bouchez soutient Sammy Mahdi. Lequel se fait incendier, notamment dans une carte blanche publiée par l’hebdomadaire Le Vif où il est qualifié de «honte» pour le pays.

L’argument de «l’appel d’air», peut-on lire sous la plume de l’écrivain Vincent Engel, «a déjà été utilisé par vos ancêtres députés, en 1938, après la Nuit de Cristal, alors que la Chambre débattait pour accueillir quelques dizaines d'enfants juifs allemands. On ne les a pas accueillis. Il n'y a pas eu d'appel d'air. Et certainement pas dans les chambres à gaz.» Rien de moins…

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