Le Léman Express, une source d'inspiration pour le Luxembourg?
Inauguré en 2019, le RER des frontaliers suisses a de quoi, sur le papier, faire rêver plus d'un navetteur travaillant au Luxembourg. Mais le projet, qui transporte chaque jour 70.000 passagers, ne s'est pas mis en place en un claquement de doigts.
Un peu plus de trois ans après sa mise en service, le Léman Express accueille quotidiennement 70.000 usagers. © PHOTO: Shutterstock
107 ans. C'est la durée qu'il aura fallu patienter pour qu'un accord franco-suisse portant sur la liaison ferroviaire d'Annemasse à Genève prenne vie, en donnant naissance au Léman Express. Ce réseau de six lignes dessert 45 gares, à Genève et dans son agglomération transfrontalière, et permet à bon nombre des 105.000 frontaliers français de se rendre sur leur lieu de travail en Suisse.
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«Le Léman Express a été un rêve pendant un siècle, ce n'est pas quelque chose qui s'est mis en place facilement à Genève», fait savoir Benoît Pavageau, directeur en charge des transports collectifs au canton de Genève. Présent à Mobil-Lux, la conférence européenne sur la mobilité organisée ces 27 et 28 mars par Luxtram, le spécialiste du réseau de transport genevois a partagé son expérience avec une cinquantaine de participants attentifs, venus de toute l'Europe.
D'un côté, la Suisse, de l'autre, la région Auvergne-Rhône-Alpes. De part et d'autre de la frontière, ces territoires équivalents en termes de superficie et de démographie, mais pas en termes de richesse, se font face. «Un déséquilibre marqué entre emploi et logement s'est créé entre Genève et les communes françaises de son agglomération frontalière, et ce déséquilibre va se poursuivre dans les années à venir, selon nos projections», indique Benoît Pavageau.
Un réseau de 230km
Avec 500.000 habitants, dont 220.000 actifs pour 380.000 emplois, Genève fait naturellement face à un flux de trajets pendulaires. Chaque jour, 105.000 frontaliers français, mais également 30.000 Vaudois, les habitants du canton voisin, auxquels il convient d'ajouter 25.000 Suisses résidant en France, se rendent à Genève pour travailler. «Au total, on enregistre 640.000 passages aux frontières par jour. C'est 50% de passages en plus que dans la métropole de Lyon, pour une agglomération trois fois plus petite», explique le directeur des transports collectifs du canton.
Un contexte particulier qui a nécessité des investissements spécifiques sur la mobilité. Pour faire face à ces problématiques, plusieurs solutions ont été développées, et parmi elles, se trouve donc le Léman Express, le premier RER transfrontalier d'Europe. «La réalisation des 7km de voie qui manquaient pour relier Genève à Annemasse a permis de créer un véritable réseau ferroviaire transfrontalier de 230km.» Avec ses six lignes, le Léman Express permet un cadencement d'un train toutes les dix minutes entre la France et la Suisse.
Je pense qu'aujourd'hui, il y a une vraie opportunité de développement de tels projets dans la Grande Région, grâce à la volonté française qui est de développer les trains de proximité.
Mais transfrontalier, rime aussi avec «compliqué». «La Suisse ne faisant pas partie de l'Union européenne, c'est tout de suite plus difficile en termes de fonctionnement ou de commande de matériel», illustre Benoît Pavageau. Rien d'insurmontable, cependant, les deux pays ayant opté pour une exploitation conjointe du Léman Express, entre les CFF et la SNCF. Après un début d'exploitation marqué par une grève côté français, fin 2019, puis par la pandémie de coronavirus, le réseau performe d'ores et déjà au-delà des objectifs préalablement fixés.
Les 230km de voies sont réparties entre les six lignes du réseau Léman Express. © PHOTO: Plan: Léman Express
Mais transfrontalier, rime aussi avec «compliqué». «La Suisse ne faisant pas partie de l'Union européenne, c'est tout de suite plus difficile en termes de fonctionnement ou de commande de matériel», illustre Benoît Pavageau. Rien d'insurmontable, cependant, les deux pays ayant opté pour une exploitation conjointe du Léman Express, entre les CFF et la SNCF. Après un début d'exploitation marqué par une grève côté français, fin 2019, puis par la pandémie de coronavirus, le réseau performe d'ores et déjà au-delà des objectifs préalablement fixés.
«Nous avions prévu 50.000 passagers quotidiens au bout de cinq ans d'exploitation, et nous étions déjà à 70.000 passagers par jour en seulement deux ans. Des usagers restent à quai, et nous sommes à court de rames, nous sommes donc en train de nous organiser pour aller plus vite que prévu», affirme le directeur en charge des transports collectifs au canton de Genève. Le conseil d'État de Genève entend bien développer le Léman Express afin d'améliorer la desserte du territoire grâce à l'extension du réseau couplée à l'accélération du cadencement des trains. Un chantier, dont le coût a été évalué entre trois et quatre milliards de francs suisses, qui ne devrait pas débuter avant 2040.
D'ici là, le Luxembourg et la Lorraine auront-ils eu l'opportunité de s'inspirer de ce projet de mobilité transfrontalière? Pour qu'un réseau similaire à celui du Léman Express aboutisse, Benoît Pavageau est formel: une véritable volonté politique émanant des deux territoires est nécessaire. «Je pense qu'aujourd'hui, il y a une vraie opportunité de développement de tels projets dans la Grande Région, grâce à la volonté française qui est de développer les trains de proximité.»
Deux milliards de francs suisses de budget
Pour passer de la volonté à l'action, doit également se régler la problématique de l'investissement financier. «Quand on veut faire un projet ensemble, mais qu'il n'y a qu'une seule personne qui veut payer, ça ne marche pas. Pour le Léman Express, la France a payé 40% de la facture, pour un coût total de deux milliards de francs suisses», ajoute le directeur des transports collectifs du canton.
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Seulement deux ans après sa mise en service, le réseau connaît cependant des problématiques de surcapacité en heure de pointe. Était-il nécessaire de voir plus grand, dès le départ? «Voir plus grand, ça veut dire qu'on investit encore plus que deux milliards, ce qui est difficilement réalisable. Ce sont des budgets très importants, donc on y va step by step», répond Benoît Pavageau.
Entre la Lorraine et le Luxembourg, la prochaine étape de la ligne TER Nancy-Metz-Luxembourg est d'accueillir 16 nouvelles rames, pour lesquelles la région Grand Est a déboursé 115 millions d'euros. Jusqu'ici en circulation en Normandie, ces trains devraient être progressivement mis en circulation pour être entièrement opérationnels d'ici à 18 mois. L'objectif affiché de cet investissement est d'arriver au transport de 13.000 passagers en heures de pointe en 2024, contre les 7.000 qui circulent actuellement sur la ligne.
En 2030, le nombre de voyageurs devrait atteindre les 22.000 usagers en heures de pointe sur le sillon lorrain. Offrant un véritable pas en avant de l'offre de transport ferroviaire entre la France et le Luxembourg, cet investissement risque cependant d'être sous-dimensionné, alors que les prévisions prévoient que le nombre de frontaliers français atteigne 140.000 personnes à l'horizon 2030. Un constat qui a d'ores et déjà poussé plusieurs élus français à s'engager pour qu'un RER lorrain sur l'axe Nancy-Metz-Thionville-Luxembourg soit financé par l'État français.