Le nucléaire belge tourne en rond
Toujours pas d’accord entre l’Etat et Engie dans des négociations qui concernent notamment les déchets des centrales.
De notre correspondant Max Helleff (Bruxelles).
La Belgique fera-t-elle face à un black out en 2025, moment où ses centrales nucléaires devraient a priori être à l’arrêt. Pour l’instant, en effet, seules deux d’entre elles sur les sept que compte le pays sont promises à être prolongées de dix années supplémentaires.
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Mais pour cela, elles doivent être rénovées et ces travaux doivent être financièrement pris en charge. Question: qui paiera? L’Etat belge ou Engie Electrabel, l’exploitant des centrales?
Depuis l’été dernier, les deux protagonistes négocient sans toutefois parvenir à un accord. Le gouvernement du Premier ministre Alexander De Croo s’était donné pour échéance la Saint-Sylvestre. Raté: aucun compromis n’a été trouvé.
Reprise des négociations
Les négociations ont repris lundi, sans que l’on sache si elles aboutiront ou non dans un délai raisonnable. Elles ont pour objectif de régler les modalités de la prolongation des deux réacteurs survivants (Doel 4 et Tihange 3), la structure qui devra être créée par Engie et l'État pour exploiter les centrales, et le coût lié à la gestion des déchets nucléaires.
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Ce dernier chapitre se monte en milliards d’euros et augmente à chaque révision. Engie voudrait avoir une fois pour toutes ses apaisements sur le montant que lui imputera la Belgique pour traiter les déchets. Mais l’Etat n’en finit pas de tergiverser, aucun gouvernement n’ayant été capable à ce jour de se mettre d’accord sur ce qu’il va advenir de ceux-ci.
Engie confirme de son côté qu'il n'y a «rien de neuf à signaler». Selon le journal économique flamand De Tijd, l'étendue du mandat octroyé à la direction d'Engie dans ces négociations comporte un certain flou, ce qui n’arrange rien. Il importe par ailleurs au gouvernement De Croo - qui est loin d’avoir abouti dans les réformes qu’il s’est fixées en 2020 - d’obtenir au plus tôt une «victoire» dans ce dossier sans se mettre à dos le partenaire écologiste, lequel a longtemps rejeté toute prolongation du nucléaire avant de céder en mars dernier.
Ultime échéance possible
En attendant, Alexander De Croo cherche à apaiser les esprits: «Le gouvernement tient à rappeler que la prolongation de Doel 4 et Tihange 3 concerne les hivers 2026/2027 et suivants. De nombreuses mesures et de nombreux investissements ont déjà été mis en place pour garantir la sécurité d’approvisionnement d’ici là», affirme le cabinet du Premier ministre. Pourtant, selon l'agence fédérale de contrôle nucléaire, le mois de janvier sera l’ultime échéance possible si la Belgique ne veut pas être privée de son approvisionnement en électricité issue du nucléaire (national) en 2026. Or les travaux préparatoires à la prolongation n’ont pas encore commencé.
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Dans cette histoire, il est encore et toujours question de gros sous. La rénovation des deux centrales prolongées coûtera des centaines de millions d’euros et il faut bien sûr que l’opération reste rentable pour Engie. Mais il existe aussi un vieux contentieux entre l’énergéticien français et l’Etat belge autour de la taxation des bénéfices de l’activité des centrales. En 2015, ils se sont accordés sur une «rente nucléaire» à la condition expresse que l’Etat ne changerait plus les règles en cours de route.
Problème: la Belgique vient de voter une nouvelle taxation des surprofits nucléaires qui pourrait coûter 300 millions de plus à Engie pour la seule année 2022. Engie qui, se sentant trahie, se réserve la possibilité de contester les taxes «qui ne respecteraient pas le cadre légal existant». Selon Le Soir, ce point pourrait envenimer un peu plus les négociations actuelles.