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Attentats du 22 mars 2016

Le portrait d'un «émir» au procès de Bruxelles

Oussama Atar est bien le chef des terroristes des attentats qui ont frappé la capitale belge le 22 mars 2016.

Les attentats-suicide du 22 mars 2016 à Bruxelles ont visé l'aéroport ainsi que le métro, à la station Maelbeek.

Les attentats-suicide du 22 mars 2016 à Bruxelles ont visé l'aéroport ainsi que le métro, à la station Maelbeek. © PHOTO: AFP

Max Helleff

De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles)

La lecture des «curriculum vitae» des accusés qui comparaissent en cet instant devant la cour d'assises de Bruxelles n'en finit pas d'étonner. Morts dans l'explosion de leurs bombes à Zaventem et à Maelbeek, les frères El Bakraoui étaient des criminels de droit commun. Mohamed Abrini, l'«homme au chapeau», vivait de la vente de sandwiches et voulait se marier. Salah Abdeslam fumait des pétards et avait tenu un café. Hervé Bayingana Muhirwa appartient à une famille de catholiques pratiquants… Tous ont endossé l'uniforme des «soldats d'Allah».

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Un homme a, semble-t-il, fait le lien entre ces profils différents. Il s'appelle Oussama Atar. Il est le dixième accusé de ce procès, dont il est absent car probablement mort en Syrie ou en Irak en 2017. Il est le chef, alias Abou Ahmed, l'«émir» d'une bande fanatisée qui avait pour mission d'organiser des actions violentes en dehors du califat, l'Etat fantoche de Daech.

Les zones d'ombre du parcours d'Oussama Atar

Jeudi, les enquêteurs ont tenté de reconstituer le portrait d'Oussama Atar, en dépit des zones d'ombre qui occultent une partie de son itinéraire. Car tout n'est pas dit. Les pressions diplomatiques qu'a exercées la Belgique pour le rapatrier en 2012 et le sortir des geôles irakiennes alors qu'il était prétendument malade restent mystérieuses. A-t-on essayé de le «retourner» alors que des dizaines de jeunes des quartiers partaient pour le djihad ?

Mais on sait, par contre, qu'il a rendu à plusieurs reprises visite à ses cousins Ibrahim et Khalid El Bakraoui en prison. Les deux kamikazes, tués avec leurs bombes respectivement à Brussels Airport et à Maelbeek, ont semble-t-il été radicalisés par ses bons soins.

Qui est «Amine»?

Jusqu'à son arrestation le 8 avril 2016, Hervé Bayingana Muhirwa était pour sa part inconnu de la justice belge. Proche de la mouvance djihadiste selon certains documents administratifs, ce Belgo-Rwandais n'avait jamais dû rendre des comptes. Il avait 26 ans lorsqu'il s'était converti à l'islam. Puis, il s'était intéressé à Al-Qaida et à l'Etat islamique sans pour autant, a-t-il affirmé, faire allégeance à cette dernière organisation. Les enquêteurs, qui ont trouvé dans son matériel informatique des chants à la gloire du djihad, sont persuadés du contraire.

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Était-il dès lors «Amine», ce surnom évoqué dans deux messages audio de Najim Laachraoui, l'un des deux terroristes de Zaventem ? A-t-il rejoint le groupe de Bilal El Makhoukhi, un des autres accusés de ce procès ? Mohamed Abrini et Osama Krayem, qui comparaissent également, l'ont balancé aux enquêteurs. Ce serait bien Hervé Bayingana Muhirwa qui a aidé Salah Abdeslam et Sofien Ayari à se cacher au soir de la fusillade de la rue du Dries à Forest (Bruxelles), en mars 2016. Il fut, en quelque sorte, la petite main de la cellule terroriste, convoyant et hébergeant certains de ses membres, veillant à sa logistique. Un rôle secondaire peut-être, mais attesté par la présence de son ADN dans la planque de la rue Max-Roos d'où le commando de Brussels Airport devait partir le 22 mars 2016 à l'aube.

Rencontre en Syrie

Une autre question : Salah Abdeslam et Sofien Ayari ont-ils été impliqués directement dans les attentats bruxellois ? Les deux hommes, qui s'étaient planqués à Molenbeek après la fusillade de la rue du Dries, ont été arrêtés quatre jours avant les attentats, soit le 18 mars 2016. Pour cela, Ayari a déjà pris 20 ans de réclusion devant le tribunal correctionnel de Bruxelles en 2018. A Paris, l'été dernier, il a écopé de 30 ans de prison pour sa participation aux attentats du 13 novembre 2015.

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Il apparaît encore que Sofien Ayari et Ossama Krayem, l'homme qui a renoncé à déclencher sa bombe dans le métro bruxellois le 22 mars 2016, se sont connus en Syrie. Ils ont fait la route du retour ensemble, ont été récupérés en Allemagne par Salah Abdeslam et ont fréquenté les mêmes planques en Belgique. Les enquêteurs n'ont pas retrouvé l'ADN d'Ayari dans l'appartement de la rue Max-Roos. En revanche, son arrestation en même temps que celle d'Abdeslam a pu pousser le commando-suicide à agir au plus vite pour ne pas «pourrir en prison», alors que «la Belgique n'était pas visée» dans un premier temps.

Devant la cour, le père et l'ex-fiancée de Salah Abdeslam ont dit ses mauvaises rencontres et particulièrement celle qui a lié son destin à un voisin molenbeekois : Abdelhamid Abaaoud, qui deviendra le coordinateur des attentats parisiens du 13 novembre 2015 et sera tué quelques jours plus tard par sa bombe lors de l'assaut du Raid à Saint-Denis. Abdeslam a une fois de plus préféré rester dans sa cellule plutôt que de suivre les débats qui l'accablent.

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