Le procès de Bruxelles cherche son second souffle
Un premier bilan met en évidence le danger que l'absence des accusés fait courir à la justice sept ans après les attentats qui ont frappé la capitale de l’Europe.
L'une des dernières interventions de Me Courtoy avant son décès restera comme un coup d’éclat dans ce procès des attentats de Bruxelles. © PHOTO: Marc Baert
De notre correspondant Max Helleff (Bruxelles)
Ce n'est pas le procès des attentats de Bruxelles qui a fait cette semaine les titres de la presse, mais le décès d'un de ses acteurs. L'avocat pénaliste Sébastien Courtoy défendait Smaïl Farisi, seul accusé avec son frère Ibrahim à comparaître libre devant la cour d’assises.
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Il a été retrouvé sans vie à son domicile, victime d'un malaise cardiaque. Spécialisé dans les dossiers de terrorisme, ce ténor provocateur avait tout au long de sa carrière défendu des jihadistes, des antisémites (dont le comédien français Dieudonné) et des partisans des thèses d'extrême droite. Il avait notamment représenté Mehdi Nemmouche, l'auteur de l'attentat du musée juif de Belgique qui avait fait quatre morts en 2014.
L'une des dernières interventions de Me Courtoy restera comme un coup d’éclat dans ce procès des attentats de Bruxelles – mis sur pause durant la semaine écoulée. «Est-ce que 'Fumier' (surnom de son client Smaïl Farisi) peut être utilisé comme kounia (nom de guerre djihadiste)?», avait lancé le pénaliste aux enquêteurs qui avaient répondu par la négative. Sébastien Courtoy avait affirmé ensuite que son client avait eu des relations intimes avec une travailleuse du sexe «trans», chose difficilement compatible en théorie avec un profil radicalisé.
Des absences répétées des accusés dans le box
De telles sorties ont l'heur de réveiller le procès des attentats bruxellois qui tourne parfois en rond. Les absences répétées des accusés dans le box y sont pour beaucoup. Mohamed Abrini, l'«homme au chapeau», et Salah Abdeslam préfèrent le plus souvent leur cellule à la salle d’audience. Comme les cinq autres accusés à comparaître détenus, ils veulent ainsi protester contre leurs conditions de transfert et contre les fouilles à nu.
En janvier dernier, un juge du tribunal de première instance de Bruxelles a pourtant estimé que le côté systématique des fouilles à nu avec génuflexion était contraire à la Convention européenne des droits de l'Homme.
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Mais depuis, rien n’a changé. Les prisonniers enlèvent le haut, puis le bas, et disent subir un traitement d'inspection dégradant. A son tour, le Conseil central de surveillance pénitentiaire vient de se ranger du côté des plaignants et a pointé du doigt l’anonymat des policiers qui réalisent ces fouilles à nu. Cet anonymat favoriserait des comportements a priori proscrits.
L'absence répétée des accusés est loin d’être anodine. Les observateurs s'accordent à dire qu'elle prive le procès de sa dynamique et le condamne à manquer un de ses objectifs principaux, à savoir rendre justice après que chacun a eu la parole, au bénéfice de la compréhension de tous. Les familles des personnes tuées lors des attentats de Zaventem et de Maelbeek ainsi que celles des victimes survivantes attendent toujours de comprendre pourquoi des terroristes ont mutilé leur existence. Ils font ainsi écho à la société belge tout entière.
Il est tragique de constater que les attentes des victimes des attentats de Bruxelles seront forcément déçues.
«Il est tragique de constater que les attentes des victimes des attentats de Bruxelles seront forcément déçues. Le procès pénal, dans sa configuration actuelle, n'est pas le lieu rêvé pour que la vérité s'y fasse jour et qu'il puisse répondre aux attentes des victimes», écrit dans une carte blanche à la Libre Belgique, l’avocat Bruno Dayez, par ailleurs défenseur de Marc Dutroux.
Il y explique que «le jury tentera tant bien que mal, avec les moyens du bord, de démêler le vrai du faux et fera prévaloir in fine une vérité qui sera forcément approximative, mais dont il faudra bien se contenter définitivement. (Cela) parce qu’on n'aperçoit pas le bénéfice qu'aurait l’un des accusés (pour autant, bien entendu, qu'il soit réellement coupable) à se confesser sincèrement, compte tenu de l’énormité des peines requises en cette matière, a fortiori dans une affaire qui mobilise l'attention de la planète entière».
Un bénéfice judiciaire d'une confession nul
Le bénéfice (judiciaire) d'une confession sera en effet pratiquement nul pour les principaux accusés qui ont déjà écopé de sanctions très lourdes à Paris, dont une peine de réclusion à vie incompressible pour Salah Abdeslam. Parler ouvertement devant le tribunal bruxellois ne changerait rien à son sort, mais lui vaudrait sans doute de déchoir un peu plus aux yeux des partisans de l'Etat islamique alors qu'il a déjà renoncé à se sacrifier lors des attentats parisiens.
La conjugaison de ces facteurs fait craindre un échec de la partie qui se joue actuellement à Bruxelles, volontiers mise en concurrence par la presse avec le travail impressionnant réalisé par la cour d'assises de Paris lors du procès sur les tueries du 13 novembre 2015.